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Ils nous obligent au courage
Heureusement, dans l'actuelle sinistrose d'une France gagnée par les peurs de toutes sortes - celle du chômage, du déclassement, de la chute du pouvoir d'achat, de l'insécurité, du dépérissement programmé de notre modèle social et, finalement, de la perte de notre sens collectif - quelques seniors indignes refusent le politiquement correct, l'aquoibonisme et les discours désabusés : ils nous obligent au courage, à l'imagination, à l'action et à l'espoir. La plupart d'entre eux sont déjà nonagénaires ; et dans un pays qui, non content de bloquer ses jeunes, s'acharne à marginaliser ses vieux (chez nous, on le serait à partir de 55 ans), on aurait pu croire que notre société les aurait déjà voués au déambulateur, à l'hospice et réduits définitivement au silence.Quelques séniors indignes nous obligent au courage, à l'imagination, à l'action et à l'espoir.Mais ils ne sont pas de la race que l'on fait taire. Que serions-nous aujourd'hui, dans quel océan de tristesse nous faudrait-il barboter sans Edgar Morin qui nous montre « La Voie », sans Stéphane Hessel qui, jusqu'à son récent départ, nous aura incités à rester vigilants, sans Albert Jacquard avec son « Utopie » ((Mon Utopie, Albert Jacquard, Stock 2006.)), sans la communicative joie cosmique d'Hubert Reeves, sans la créativité sociétale d'un Bertrand Schwartz qui, 30 ans après avoir inventé les missions locales, parvient encore à enthousiasmer et à étonner les jeunes qui les fréquentent aujourd'hui ((Cf. le DVD réalisé par les jeunes reporters de ML Prod (Mission locale de Salon-de-Provence ; a.brunet@ml-salon.fr))), sans le merveilleux optimisme de Michel Serres, octogénaire quant à lui, et sa « Petite Poucette » ?
Donneurs de sens
Dans nos territoires qui semblent dorénavant si menacés par la réduction des financements liée à la crise de la dette, par la désindustrialisation galopante, par la multiplication déraisonnable des carcans législatifs, réglementaires, normatifs imposés par l'Europe, l'État, les divers niveaux de collectivités mais aussi en raison de notre difficulté endémique à travailler ensemble ((Laurent Davezies ; La crise qui vient (La nouvelle fracture territoriale) ; La République des idées ; octobre 2012.)), il nous faut diffuser, chaque fois que nous le pouvons, les paroles et les pensées de ses donneurs de sens, de ses réanimateurs de vie. C'est une question de bonne prophylaxie citoyenne.Dans le numéro 457 de La Lettre du cadre, Michel Godet ((Michel Godet ; « Nous ne sommes pas en crise, nous sommes en mutation », La Lettre du cadre du 1er février 2013.)) soulignait, à juste titre, que le niveau de vie de la France s'est élevé considérablement (de 50 %) depuis 1980, que le contenu de la notion de pauvreté a, lui-même, évolué et que, d'une certaine façon, « nous pleurons la bouche pleine ».Mais, précisément, si nous pleurons, c'est qu'en dépit d'un niveau de vie qui a crû, nous nous sentons perdus, sans perspectives, sans espérances, sans avenir.Heureusement les seniors indignes sont toujours là : il nous faut non seulement écouter leurs voix mais la démultiplier à l'infini.