Le Grand Sud-Ouest face au déficit hydrologique

Stéphane Menu
Le Grand Sud-Ouest face au déficit hydrologique

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© Oleksandrum - adobestock

De nombreux territoires se préparent à faire face aux effets du changement climatique, comme dans le Grand Sud-Ouest. Sous la houlette du préfet, les régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie/Pyrénées-Méditerranée unissent leurs efforts pour repérer les sources potentielles de cette eau qui a tendance à se faire rare.

Pascal Mailhos, préfet de bassin, Martin Malvy, président du comité de bassin Adour-Garonne, Alain Rousset, président de la région Nouvelle Aquitaine et Carole Delga, présidente de la région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée, ont récemment réaffirmé l’urgence à engager des mesures concrètes pour répondre à la vulnérabilité du bassin en créant ensemble l’Entente pour l’eau du bassin Adour-Garonne. Ce bassin couvre en grande partie les deux régions suscitées et mord à peine sur l’Auvergne Rhône-Alpes, soit 26 départements et 6 917 communes. Le territoire, d’une superficie de 117 650 km², bordé par un littoral de 630 kilomètres, délimité par les Pyrénées et le Massif central, correspond à la ligne de partage des eaux des bassins de la Méditerranée et de l’océan Atlantique.

160 millions d’investissements chaque année jusqu’en 2050 !

Après Rhône-Méditerranée, Seine-Normandie, Rhin-Meuse, Artois-Picardie et Loire-Bretagne, l’Agence de l’eau Adour-Garonne s’est dotée de son plan d’adaptation au changement climatique. Le plan indique que l’adaptation « requiert du courage, la remise en cause de certaines pratiques, le recours accru aux services des écosystèmes naturels mais aussi la création d’infrastructures pour accompagner les effets du changement climatique sur l’hydrologie ou pour limiter les risques naturels, le renoncement à certains usages dans les territoires particulièrement vulnérables, la fédération des énergies et des moyens pour apporter une réponse à la hauteur des enjeux que constitue la ressource en eau », peut-on lire dans le plan. Sur le plan financier, une première évaluation fixe à 160 M€ par an d’ici 2050 l’investissement nécessaire pour relever le défi. Ce qui représente une hausse de 25 % par an des investissements aujourd’hui réalisés.

L’accès à l’eau sera le principal facteur limitant du développement des territoires urbains, littoraux et ruraux

Sécheresse anxiogène

Sur ce vaste bassin, le déficit hydrologique actuel est estimé entre 200 et 250 millions de mètres cubes par an. Les récentes études, calculées sur la base d’une prévision de réchauffement de 2 degrés, indiquent que ce déficit pourrait se situer à l’horizon 2050 entre 1 milliard et 1.2 milliards de mètres cubes alors que la population aura progressé de 1,5 million d’habitants. Une situation qui aura des conséquences importantes, aussi bien sur la vie de nos concitoyens que sur les milieux aquatiques et les activités humaines et économiques. De fait, l’accès à l’eau sera le principal facteur limitant du développement des territoires urbains, littoraux et ruraux. D’ores et déjà, les agriculteurs alertent sur cette sécheresse anxiogène. Les pluies se sont faites rares à l’automne 2018, plus particulièrement sur l’Aveyron, le Lot et le sud-Lozère.

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La pluie ne tombe plus

Les journalistes du site Wikiagri.fr récoltent au quotidien ce que vivent les agriculteurs des régions concernées. Véronique et Jean-Pierre Foulquier possèdent une exploitation céréalière de 140 hectares de blé dur, de pois et de tournesols sur une zone de coteaux non irrigable. « Vous voyez autour de vous, ça devrait être vert partout et finalement on a l’impression que tout a été désherbé. Parmi les arbres en contrebas, ceux qui sont fragilisés depuis plusieurs années vont mourir, c’est certain ! »

Pour en avoir le cœur net, le couple mesure ces derniers mois la quantité de pluie tombée sur le domaine. Le verdict est sans appel : 560 millilitres de pluie étaient tombés depuis le mois de janvier dernier – la mesure a été faite en octobre 2018 –, contre 750 pour une année normale. Cette faible pluviométrie inquiète. La Confédération paysanne de Haute-Garonne a fait le point sur l’année 2018. Elle considère que les 6 000 agriculteurs « sont peu ou prou impactés, avec pour conséquences une perte de 90 millions d’euros, à cause de la diminution parfois du tiers de leur rendement et de la nécessité de s’approvisionner en fourrage à l’extérieur de leur exploitation. Ce qui représente un inévitable surcoût », écrit Wikiagri.fr.

Une étude recensera toutes les retenues collectives existantes et identifiera les volumes non utilisés

Plateforme de veille

Le comité de bassin, qui réunit l’ensemble des collectivités (départements, EPCI, communes), les organismes socioprofessionnels et les usagers, sera chargé de trouver des solutions appropriées. Une plateforme de veille et des bonnes pratiques pour accompagner et faciliter les adaptations des usages a été créée au début de l’année 2019. « Elle sera destinée à faire la synthèse de l’état de la recherche sur les économies d’eau dans chacun des secteurs consommateurs », indique Martin Malvy.

Conjointement, une étude va être menée par l’Agence de l’eau Adour-Garonne pour recenser toutes les retenues collectives existantes et identifier les volumes non utilisés qui pourraient être remobilisés pour assurer du soutien d’étiage. Un potentiel de quelques millions de m3 pourrait être concerné. Pour Martin Malvy, « une telle mobilisation de deux présidents de région, d’un préfet coordonnateur de bassin, du président de comité de bassin et d’un directeur général d’une agence de l’eau est une première en France ».

Accélérer le recours aux eaux usées
Certaines pistes pourraient être explorées, comme la réutilisation des eaux usées. « En France, on réutilise sans doute moins de 0,1 % de nos eaux usées, alors que 90 % d’entre elles sont traitées », estime Nicolas Condom, fondateur d’Ecofilae, une société de conseil spécialisée sur le sujet, dans les colonnes des Échos. « L’essentiel des eaux usées sortant des 21 000 stations d’épuration tricolores finissent dans les cours d’eau ou dans le milieu marin en bord de mer », indique le journal économique. Il y a donc de la marge et Veolia a mis en place un projet d’irrigation de grandes cultures de maïs à côté de Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées. Pour l’Agence de l’eau Adour-Garonne, 11 000 hectares seraient irrigables par 14 millions de mètres cubes d’eau.

Les eaux souterraines s’épuisent

La solution pourrait être aussi la réinjection de ces eaux usées dans le sous-sol. D’après l’étude Explore 2070, les ressources en eaux souterraines, qui fournissent aujourd’hui 70 % de l’eau potable, pourraient diminuer de 20 % à 55 % selon le scénario le plus pessimiste. « La recharge artificielle permet de répondre à des problématiques de quantité et de qualité de la ressource en eau souterraine en créant une réserve, en maintenant la nappe à un niveau suffisant ou encore en la protégeant des intrusions salines ou des pollutions des rivières voisines », explique Nathalie Dörfliger, directrice du programme eaux souterraines et changement global au BRGM, toujours dans les colonnes des Échos.

Des réunions publiques de concertation sont menées sur l’ensemble du territoire pour élaborer un plan d’intervention.

Lire aussi : La gestion de l'environnement est au fond une gestion de la restriction

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