label
© Bernard BAILLY - adobestock
Alors que l’ancien article 6 du code des marchés publics relatif aux spécifications techniques prévoyait seulement la possibilité de faire référence, sous conditions, à un écolabel, l’article 10 du décret du 25 mars 2016, transposant la directive européenne ((Directive européenne 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics)) consacré aux labels, a modifié la donne. Ce texte prévoit en effet désormais la possibilité, pour l’acheteur public qui souhaite acquérir des travaux, des fournitures ou des services présentant certaines caractéristiques environnementales, sociales ou autre, d’exiger, dans les spécifications techniques, les critères d’attribution ou les conditions d’exécution du marché public, « un label particulier en tant que moyen permettant de prouver que les travaux, services ou fournitures correspondent aux caractéristiques requises ». Le label est ainsi défini comme « tout document, certificat ou attestation confirmant que les ouvrages, produits, services, procédés et procédures concernés par la délivrance du label remplissent certaines exigences ».
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Écocolabel : un label qui en appelle d’autres
Plus précisément, l’ancien article 6 VII du code des marchés publics permettait seulement à l’acheteur de faire référence, sous conditions, à tout ou partie d’un écolabel pour définir les caractéristiques environnementales des performances ou des exigences fonctionnelles. En d’autres termes, il permettait à l’acheteur de recourir aux critères sous-jacents d’un écolabel pour établir certaines caractéristiques d’un produit, mais non d’ériger un écolabel en spécification technique ((CJUE, 10 mai 2012, C 368/10, Commission c/Pays-Bas)).
Ne sont plus uniquement concernés les écolabels mais les labels au sens large, permettant ainsi d’exiger des labels de performance et/ou de qualité dans tout type de domaines
Désormais, l’article 10 précité ne limite plus l’acheteur à la seule possibilité de faire référence aux écolabels pour définir les caractéristiques environnementales, il lui permet d’exiger un label des candidats à l’attribution des marchés publics et précisément pour définir les spécifications techniques, les critères d’attribution ou encore les conditions d’exécution du contrat. En outre, ne sont plus uniquement concernés les écolabels mais les labels au sens large, permettant ainsi d’exiger des labels de performance et/ou de qualité dans tout type de domaines tels que les domaines agroalimentaires (exemples : Label rouge, appellation d’origine contrôlée), sociaux (exemples : label Égalité professionnelle) ou encore électroniques …
Une démarche d’achats responsables
La démarche n’est pas purement et simplement économique, l’objectif n’étant pas de garantir aux pouvoirs adjudicateurs d’acheter à moindre coût mais de leur permettre d’acheter mieux, d’adopter une pratique d’achats responsables et surtout de s’assurer de la qualité de leurs fournisseurs. Cette démarche s’inscrit dans une tendance générale de développement des labels, que ce soit pour rassurer les consommateurs, sécuriser les acheteurs ou renforcer la qualité des produits des fournisseurs. De manière générale, le développement de la labellisation s’intègre dans une ère de changement du modèle de consommation, s’orientant vers un modèle de consommation durable impulsé par le constat de la mauvaise qualité de certains produits et, donc, de la nécessité de mieux consommer. À la différence des normes, ou encore des exigences fonctionnelles, les labels, en plus de garantir les caractéristiques de la prestation, attestent des performances et/ou du niveau de qualité de cette dernière.
Le développement de la labellisation s’intègre dans une ère de changement du modèle de consommation
L’éclairage public constitue un exemple typique. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a incité les collectivités territoriales à renouveler leur parc lumineux. En effet, après avoir constaté l’obsolescence et la vétusté de l’éclairage public, l’Ademe a encouragé les collectivités à renouveler leurs installations en prenant en compte la performance des luminaires, leur dégradation dans le temps mais également les coûts d’exploitation, de maintenance et de recyclage pour garantir un service de qualité. C’est dans ce contexte que plusieurs labels européens et nationaux ont vu le jour afin de garantir la qualité et/ou la performance des lampes et luminaires.
Peuvent alors être distingués les labels dits « de qualité », lesquels permettent d’attester de la qualité des produits, des labels dits « de performance », visant à confirmer l’exactitude des performances annoncées par le fabricant ; ce dernier ne permettant pas à l’acheteur de s’assurer d’une qualité minimale mais de s’assurer de la véracité de la qualité annoncée ou des caractéristiques du produit proposé.
Le recours aux labels autorisé mais encadré
Si le législateur autorise désormais les pouvoirs adjudicateurs à imposer des labels aux candidats à l’attribution des marchés publics, le recours aux labels reste encadré. Ainsi, l’article 10 du décret précité soumet la possibilité d’exiger un label au respect de cinq conditions, lesquelles sont cumulatives :
1 - les exigences en matière de label ne doivent concerner que des critères qui sont liés à l’objet du marché public ou à ses conditions d’exécution et sont propres à définir les caractéristiques des travaux, fournitures ou services qui font l’objet du marché public .
Cette première condition suppose un lien entre les exigences en matière de label, lesquelles sont définies comme « les exigences que doivent remplir les ouvrages, produits, les services, les procédés ou les procédures en question pour obtenir le label concerné » ((Article 10 II du décret n°2016-360 du 25 mars 2016)) et l’objet du marché, ou à tout le moins, avec ses caractéristiques. Ainsi, seules les exigences du label en lien avec l’objet du marché, ou plus largement le besoin de l’acheteur, peuvent être imposées au titre du contrat. En d’autres termes, l’acheteur ne peut pas exiger un label pour imposer, en définitive, à ses soumissionnaires, des exigences sans lien avec son besoin. Sur ce point, il importe de garder à l’esprit que la labellisation doit permettre aux soumissionnaires de répondre aux besoins de l’acheteur ; avant d’offrir au pouvoir adjudicateur des prestations de qualité, il s’agit avant tout de lui garantir d’avoir des prestations en réponse à ses besoins, tels que formulés dans le document de consultation des entreprises.
La labellisation doit permettre aux soumissionnaires de répondre aux besoins de l’acheteur avant d’offrir au pouvoir adjudicateur des prestations de qualité
En revanche, la directive européenne exclut expressément les critères et conditions relatifs à la politique générale de l’entreprise, qui ne peuvent être considérés comme des éléments caractérisant le processus spécifique de production ou de fourniture des travaux, produits ou services achetés ((Considérant 97 de la directive européenne 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics)).
Néanmoins, l’article 10 III du décret précise que lorsqu’un label fixe aussi des exigences qui ne sont pas liées à l’objet du marché public, l’acheteur n’exige pas ce label mais il peut définir la spécification technique par référence aux spécifications détaillées de ce label ou, si besoin est, aux parties de celles-ci qui sont liées à l’objet du marché public et sont propres à définir les caractéristiques de cet objet.
2 - Les exigences en matière de label doivent être fondées sur des critères objectivement vérifiables et non-discriminatoires.
Cette condition suppose que les caractéristiques, les performances contrôlées soient objectivement vérifiables. En d’autres termes, elles doivent pouvoir être contrôlées ou mesurées sur la base de méthodes, de techniques et de technologies éprouvées et détenues par des laboratoires eux-mêmes agréés ou homologués. Cette condition suppose en outre une égalité de traitement entre les différents produits soumis à la labellisation, lesquels doivent pouvoir être certifiés sur la base de critères identiques permettant, in fine, de considérer les critères comme non-discriminatoires.
Le processus de labellisation doit pouvoir être accessible à toute entreprise qui souhaite être labellisée
3 - le label doit être établi par une procédure ouverte et transparente.
Le processus de labellisation doit pouvoir être accessible à toute entreprise qui souhaite être labellisée. L’ensemble des caractéristiques, des exigences de labellisation, la procédure d’homologation ou d’agrément des laboratoires doivent pouvoir être accessibles et compréhensibles.
4 - Le label et ses spécifications détaillées doivent être accessibles à toute personne intéressée.
Il s’agit de garantir à tout candidat potentiel à la labellisation, ou à tout utilisateur du label, un accès à toutes les informations concernant ledit label et ses spécifications techniques. L’accès au label ne doit pas introduire de discrimination à l’égard des différents fabricants.
En effet, dans la mesure où la commande publique est régie par des principes d’égal accès, de non-discrimination et de traitement équivalent entre tous les opérateurs économiques de l’Union européenne, le label exigé doit pouvoir être accessible à tous les candidats à la labellisation mais également à tous les candidats à l’attribution des marchés publics. En pratique, il n’est pas envisageable qu’un opérateur économique qui candidate à l’attribution d’un marché public exigeant dans son cahier des charges un label n’ait pas pu avoir accès au label et à ses spécifications techniques.
Le label exigé doit pouvoir être accessible à tous les candidats à la labellisation mais également à tous les candidats à l’attribution des marchés publics
5 - Les exigences en matière de label doivent être fixées par un tiers sur lequel l’opérateur économique qui demande l’obtention du label ne peut exercer d’influence décisive.
Le label doit être élaboré par un organisme indépendant. La directive précise que des organisations ou organismes publics ou nationaux particuliers peuvent participer à la définition des exigences en matière de label susceptibles d’être utilisées dans le cadre d’un marché passé par des pouvoirs publics sans que ces organisations ou organismes perdent leur statut de tierces parties. En d’autres termes, il n’est pas interdit, par principe, aux candidats à la labellisation, de faire partie de la structure (de type associative par exemple) qui fixe les exigences du label à condition qu’ils n’exercent pas sur cette dernière d’influence décisive.
Si le décret, ni même la directive, n’apportent de définition de la notion d’influence décisive en matière de label, la même notion est utilisée en matière de contrats dits « in house », définis comme des contrats qui sont dispensés de procédure de publicité et de mise en concurrence lorsqu’ils remplissent les conditions exigées par l’ordonnance du 23 juillet 2015 relatif aux marchés publics aux rangs desquelles figure le contrôle de l’acheteur public sur le cocontractant comparable à celui qu’il exerce sur ses propres services.
L’acheteur qui exige un label, doit accepter les labels équivalents qui confirment que les travaux, fournitures ou services remplissent des exigences équivalentes
L’ordonnance précitée définit précisément la notion de contrôle analogue. Ainsi, « un pouvoir adjudicateur est réputé exercer sur une personne morale un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services, s’il exerce une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la personne morale contrôlée ».
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En matière de label, selon un raisonnement par analogie, les candidats à la labellisation sont réputés exercer une influence décisive sur la structure octroyant les labels s’ils influencent de manière déterminante les objectifs stratégiques ainsi que les décisions importantes prises par celle-ci. Tel est le cas s’ils représentent plus de la moitié des membres du conseil d’administration ou de direction de la structure ou s’ils détiennent une part de capital prépondérante. Tel n’est en revanche pas le cas s’ils ont une participation minoritaire au conseil d’administration ou encore s’ils ne peuvent inscrire de projet à l’ordre du jour.
Telles sont les conditions imposées par l’article 10 du décret du 25 mars 2016.
Accepter les labels équivalents pour ne pas restreindre l’accès à la commande publique
Enfin, l’article 10 du décret du 25 mars 2016 précise que l’acheteur, qui exige un label, doit accepter les labels équivalents, c’est-à-dire tous les labels qui confirment que les travaux, fournitures ou services remplissent des exigences équivalentes. En effet, l’exigence d’un label particulier ne doit pas avoir pour effet de restreindre l’accès, pour les candidats, aux marchés publics. En outre, lorsque le candidat n’a pas la possibilité d’obtenir le label exigé ou un label équivalent dans le délai imparti pour des raisons qui ne lui sont pas imputables, l’acheteur doit accepter d’autres moyens de preuve appropriés, tel qu’un dossier technique du fabriquant à condition qu’il établisse que les travaux, fournitures ou services qu’il doit fournir satisfont aux exigences concernant le label particulier ou aux exigences particulières indiquées par l’acheteur.
À savoir
Trois conseils pour les acheteurs publics
1 – Intégrer la réflexion sur la labellisation dans la définition des besoins préalable afin de s’assurer de la pertinence d’exiger un label et de ce que les exigences du label sont bien en lien avec l’objet du marché. Cette étape suppose, en amont, un audit précis des labels existants pour la prestation attendue.
2 – Prévoir une clause-type pour les DCE adaptée à la nature du marché et aux besoins de l’acheteur avec un lien vers le site internet du label s’il existe.
3 – Joindre au DCE les caractéristiques précises du label et ce même si un lien vers le site internet est déjà intégré au cahier des charges