grimoires
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Dans un récent article de La Lettre du cadre, Monsieur Nerden ((« Les déboires de la mesure de la performance », François-Xavier Nerden, La Lettre du cadre n° 501 – octobre 2016, p. 39.)), nous explique que la mesure de la performance n’entraîne que des déboires et que, puisqu’elle conduit à des résultats contre-productifs, il convient de lui substituer une culture du professionnalisme et de la reconnaissance. Et voilà pourquoi votre fille est muette ! Cet article s’inscrit dans la longue lignée de ceux qui considèrent que le management public, la recherche de l’amélioration de la performance de l’administration sont au mieux inutiles, au pire, générateurs d’effets préjudiciables, plus ou moins dévastateurs.
La fin d'un modèle de société ?
Foin de démonstrations, d’enquêtes ou de d’études de terrain. Pas besoin de recherches sur les moteurs qui animent l’administration. En général, il suffit d’opposer les horribles principes issus du secteur privé, aux magnifiques et magnanimes valeurs humaines du service public pour tenir lieu de démonstration.
Et si jeter le bébé avec l’eau du bain avait un effet dévastateur et opposé à celui recherché ? Pour faire court et donc un peu caricatural, l’Europe est au cœur d’une mutation économique, technologique et sociale qui redistribue les rôles, les pouvoirs et les revenus à l’échelle mondiale. Depuis près de 40 ans, nos élus – avec le consentement des corps sociaux – ont cherché à atténuer les effets de cette mutation en maintenant à coût d’emprunt un modèle de société devenu inadapté au monde en naissance.
Il nous faut inventer un mode de fonctionnement efficace et réactif qui permet de sauver l’essentiel des valeurs de notre système.
Aujourd’hui l’État français est au cœur d’une crise financière sans précédent, qui menace l’ensemble du système de protection sociale. Soit nous inventons un mode de fonctionnement efficace et réactif qui permet de sauver l’essentiel des valeurs de ce système, lesquelles sont plutôt consensuelles (comme apporter des soins, même à celui qui n’a pas les moyens d’en payer le coût), soit celui-ci explose pour, probablement, laisser la place à un autre système, beaucoup moins généreux.
J’ai tendance à penser que les détracteurs du management public ne seraient pas satisfaits d’une telle situation.
Le management ne relève pas de la magie
Mais alors, il ne faut pas se contenter de rejeter une démarche au motif qu’elle remet en cause les modes de faire, les habitudes et les certitudes d’aujourd’hui. Il faut s’interroger sur les ressorts de l’administration, sur ce qui fait qu’il est plus facile de dépenser légalement un million d’euros en actions inutiles que 10 000 euros en dehors des procédures, que toute réforme se heurte à des montagnes d’oppositions, que le management et même les règles de base de la gestion ne sont pas jugés utiles comme compétences pour des fonctionnaires qui gèrent des millions d’euros, alors que la connaissance de la réglementation des marchés publics est, elle, incontournable.
Pourquoi le management n'est-il pas jugé utile comme compétence pour des fonctionnaires qui gèrent des millions d’euros ?
Aujourd’hui, il est plus grave d’utiliser 1 000 euros de subventions européennes inscrites en achat matière dans le budget et finalement consommées en achat de prestations que 3 millions d’euros dans une médiathèque, construite dans un village où personne ne la fréquentera. N’y a-t-il pas quelque chose qui cloche ? Le management est un savoir à part entière. Pour porter ses fruits, il doit être soutenu par des cadres mobilisés en permanence sur ce sujet, bénéficiant d’élus et de collaborateurs d’élus qui les suivent, s’appuyant sur de véritables experts maîtrisant ce savoir-faire. Le management ne relève pas de la magie, il implique une autre façon de former les cadres et de produire l’administration. Alors, plutôt que de rêver, retroussons nos manches !