Nous sommes entrés il y a 15 jours dans la période de campagne officielle pour l'élection présidentielle. A l'heure où j'écris ces lignes, le nom des deux finalistes n'est pas encore connu, mais la loi qui s'applique au médias l'est. Et nombreux sont ceux qui s'accordent à dire qu'elle est obsolète et que sa stricte application confine au ridicule. Les canaux d'information étant pluriels et mondialisés depuis plus d'une décennie, plus rien ne justifie aujourd'hui certaines dispositions du code électoral.
Ce qui est ici en cause n'est pas la question de l'égalité du temps de parole des candidats dans les médias audiovisuels. Pour ma part, j'ai même trouvé discutables, voire méprisants, les propos du président sortant sur ce sujet. Garantir un minimum de visibilité à chacun dans les médias dits de masse me semble au contraire être la moindre des choses.
Le problème est ailleurs, dans cet artificiel embargo qui frappe la diffusion de l'information politique pendant près de 48 heures. Il a été établi de façon plus ou moins scientifique que le "jour le plus chiant" de l'année en termes d'information avait lieu en août (le 5 en 2009 et le 11 en 2010) ou en décembre (le 29 pour 2011). On devrait pouvoir ajouter une exception : les veilles de scrutin présidentiel tous les 5 ans... Chacun tourne autour du pot en en parlant sans en parler, on ressort les sujets enterrés depuis 15 jours. Seul point positif : on parle au moins un peu de politique étrangère et on s'intéresse à autre chose qu'à notre nombril franchouillard... Enfin ça, c'est pour les médias français.
Ailleurs, notre code électoral ne s'applique pas. A condition d'être équipé d'une connexion à Internet ou d'un abonnement câble ou satellite, il est aujourd'hui plutôt aisés de se tourner vers l'étranger pour qui veut avoir une idée des premières estimations, qu'il s'agisse de sondages faits à la sortie des urnes ou des résultats des premiers dépouillements. Se rendre tout simplement dans sa mairie peut aussi s'avérer suffisant...
Pour les médias français en ligne, la loi constitue même un vrai casse-tête. Elle les oblige en effet à fermer les commentaires des articles pour être certains de ne rien laisser passer et à couper les éventuels fils d'actualités extérieurs (Twitter, flux de sites étrangers) pour ne pas risque de diffuser une information interdite ! Et attention aux infractions, la Commission des sondages veille ! Pourtant, comme le précisait le politologue Pascal Perrineau sur France Culture jeudi matin (podcast, à partir de 26'30), la diffusion des premières estimations avant la fermeture des derniers bureaux de vote n'aurait aucun impact significatif sur le résultat définitif du scrutin...
Une mesure toute simple d'adaptation au plus très nouveau paysage médiatique et informationnel pourrait pourtant suffire à contenter tout le monde : imposer la même heure de fermeture des bureaux de vote en métropole. Cette proposition a malheureusement été retoquée...
A écouter également : Bilan et analyse de la Web campagne des candidats par Xavier de La Porte, dans le cadre de la chronique "Tout feu, tout flamme" des Matins de France Culture du vendredi 20 avril.
Et à lire : "Le Code électoral s'emmêle dans la Toile", Thibault Verbiest et Veronique Delforge, Droit & Technologies.