Malek Bouthi, député PS, a peut-être raison : la France est moins raciste qu’il y a 30 ans. Elle aime juste se faire peur avec ses… délires anxiogènes. Mais elle place Omar Sy, Yannick Noah ou Djamel Debbouze dans le top dix de ses personnalités préférées. Comprenne qui pourra…
Là, dès le début
Toumi Djaïdja fut l’un des initiateurs de la marche qui finit triomphalement dans les rues de Paris le 3 décembre 1983, accueillie par 100 000 personnes dans une ambiance grave et joyeuse. Adil Jazouli est l’un des premiers sociologues à avoir travaillé sur les quartiers populaires en France, créateur du référentiel Banlieuescopie, observatoire à partir duquel les premières analyses de fond des dysfonctionnements structurels des quartiers populaires furent émises. Ils ont tous les deux écrit un livre à quatre mains, le deuxième interrogeant le premier.
Du départ de l’Algérie de Toumi Djaïdja, de la fierté de sa famille quand celle-ci va découvrir le palace des HLM des Minguettes, l’orgueil républicain de Toumi quand il reçut sa première fiche de paie en tant qu’animateur dans le quartier… Une trajectoire brisée par les émeutes de 1982 et qui conduisirent ce garçon timide à transformer sa personnalité pour rappeler que la France métisse pouvait se regarder tranquillement dans les yeux, que son modèle d’intégration réussie n’était pas isolé…
Ce dialogue, publié aux éditions de l’Aube, touche juste. Il insiste sur un point que les Français plus anciennement intégrés ont sans doute tendance à ne plus appréhender avec la force nécessaire : le désir d’être Français, et donc de relever du pacte républicain, était le trait commun des marcheurs de 1983.
La politique de la ville, une réussite !
Aujourd’hui, le sociologue Jazouli œuvre au sein du secrétariat général du Comité interministériel à la ville (CIV). Il est l’un des pionniers de la politique de la ville. Il apprécie peu la systématisation de son dénigrement. « Ceux qui critiquent ont peu l’occasion de se rendre dans les quartiers. Ne pas reconnaître l’apport concret de la politique de la ville sur ces vingt dernières années, c’est faire preuve de malhonnêteté. La politique de la ville a toujours marché sur deux pieds, l’urbain et l’humain. L’Anru a réalisé un travail énorme de rénovation urbaine, en capacité aujourd’hui d’initier les fondements d’une mixité sociale. Les moyens investis par l’État sur l’humain ne sont pas aussi importants, c’est vrai. Mais le parc HLM français a été renouvelé deux fois à 100 % sur les 50 dernières années. Ce qui signifie que le turnover existe, que des gens en sortent, que la mobilité résidentielle n’est pas complètement enrayée, même dans un contexte de crise ».
Le désir d’être Français, et donc de relever du pacte républicain, était le trait commun des marcheurs de 1983
Jusqu’au bout, Adil Jazouli défendra le principe de cette interministérialité qui fonde la politique de la ville. Il faut juste lui donner le souffle républicain qui en ferait une priorité, au-delà d’un simple affichage, notamment à travers le rattachement symbolique au Premier ministre. Car la politique de la ville est une action publique à réinventer en permanence.