Le travail, c’est la santé (mentale)

Frédérique Debout
Le travail, c’est la santé (mentale)

Xanax_Ysiulec

© Ysiulec

Si la médecine du travail date de la Libération, ce n’est que dans les années quatre-vingt qu’on s’est vraiment penchés sur la souffrance psychologique au travail. Depuis, on a avancé sur la part de responsabilité du travail dans la santé mentale. Avec une certitude qui grandit : la souffrance au travail impacte l’ensemble de la sphère sociale.

Article publié le 15 octobre 2013

La médecine du travail a été institutionnalisée à la sortie de la guerre (1946), mais ce n’est qu’en 1952 qu’on a commencé à parler de psychopathologie du travail et donc admis que le travail pouvait avoir des conséquences sur la santé mentale. En psychiatrie, les discussions d’après-guerre qui portent sur la genèse des maladies mentales font une place à la question du travail envisagé à la fois dans ses dimensions pathogènes et thérapeutiques. Penser que le travail influence la santé mentale est donc relativement nouveau !

Relation entre travail et troubles psychiques

Alors que certains psychiatres (Tosquelles, Sivadon etc.) réfléchissent aux conditions de travail qui sont en mesure de soutenir l’insertion et/ou la réinsertion des malades mentaux, d’autres psychiatres, après-guerre, se sont mobilisés autour de la question des conséquences pathogènes du travail sur les individus. Ils souhaitaient mettre en lumière le « drame vécu au travail », établir des relations causales entre un travail donné et des troubles psychiques observables.


La première recherche a porté sur les téléphonistes de La Poste, dont on avait constaté certains symptômes (troubles du sommeil et de la mémoire, troubles digestifs, troubles des règles, « crises de nerfs », idées suicidaires), qui ont été mis en relation avec l’organisation de travail (travail surveillé, soumis à cadences, répétitif, standardisé).

La notion de souffrance au travail a pesé dans le débat concernant la part dévolue au travail dans l’origine des maladies en général.

Il s’en est suivi un désintérêt net pour le travail de la part des acteurs « psy » jusqu’aux années quatre-vingt. Les travaux de Christophe Dejours ont mis en avant la notion de souffrance au travail qui a pesé dans le débat concernant la part dévolue au travail dans l’origine des maladies en général. En distinguant les conditions de travail, qui ont des incidences sur la santé physique, et l’organisation de travail, qui a des effets sur la santé mentale, on a élargi l’étude des impacts du travail au-delà de la sphère professionnelle.

Lire aussi : Commission de réforme : une démarche inadaptée aux RPS ?

Des répercussions au-delà du travail

Si la genèse de cette souffrance est liée au travail, ses répercussions vont bien au-delà, jusque sur la sphère sociale et identitaire. L’intérêt pour la souffrance au travail a ainsi déplacé les recherches sur les liens entre santé mentale et travail vers un en-deçà des formes pathologiques.
La sphère de la normalité est devenue un domaine d’investigation pour les chercheurs en psychologie et en psychiatrie. La normalité et la bonne santé ne peuvent plus se définir par l’absence de maladie ou de souffrance, mais comme un compromis entre la souffrance et les défenses élaborées pour la surmonter.

Si on veut être honnête, le mal-être, les troubles psychologiques ou psychiatriques liés au travail ne peuvent plus être rattachés uniquement à des facteurs externes à l’organisation du travail.

Le travail n’est pas le décor de la souffrance mais il lui est lié de manière intrinsèque.

Dénier la responsabilité de l’organisation du travail dans l’origine des maladies empêche de remédier aux effets potentiellement délétères de cette dernière sur la santé. La psychodynamique du travail a opéré un déplacement majeur en se demandant non plus seulement ce qui, dans le travail, peut provoquer des troubles mentaux ou somatiques, mais surtout comment les individus au travail font pour ne pas tomber malade. Ces travaux ont montré comment le travail est central, fondamental dans la santé (mentale et somatique) même s’il reste toujours une expérience risquée pour chacun.

Lire aussi : La prévention des RPS crée-t-elle des RPS ?

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