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Article publié le 23 mai 2014
Petit à petit, les grandes bibliothèques proposent une gamme de services numériques assez complète : autoformation (apprentissage des langues, soutien scolaire, code de la route, etc.), presse en ligne, vidéo à la demande, musique (plutôt classique, jazz), e-books, et documents patrimoniaux… Mais l’acquisition de ces ressources est pour l’heure l’apanage des grandes villes, qui ont des moyens.
« 80 % des bibliothèques des villes de 20 000 à 40 0000 habitants n’ont aucune ressource numérique et cela monte à 90 % pour les villes de moins de 10 000 habitants » indique Lionel Dujol, responsable du développement du numérique pour tout le réseau des bibliothèques de Valence Romans Sud Rhône-Alpes.
80 % des bibliothèques des villes entre 20 000 et 40 0000 habitants n’ont aucune ressource numérique.
L’accès des ressources numériques pour les petites bibliothèques va dépendre des négociations en cours. Pour l’heure, ces contenus coûtent cher, les éditeurs freinent des quatre fers. Les catalogues ne sont pas extrêmement intéressants, les contraintes d’usage très fortes (plusieurs manipulations nécessaires avant de télécharger un e-book).
Le coût du numérique n’est pas indolore. En 2013, la bibliothèque des Champs Libres de Rennes Métropole a dépensé 450 000 euros pour ses acquisitions, dont 100 000 pour le numérique. Et encore, cette dernière adhère à l’association nationale Réseau Carel, qui négocie, pour ses adhérents, des tarifs préférentiels, auprès des fournisseurs…
TÉMOIGNAGE : Quel avenir pour les bibliothèques publiques ?
« Tôt ou tard, vous aurez besoin de médiation »
« Vous pouvez proposer autant de ressources numériques à distance… Tôt ou tard, vous aurez besoin de médiation, vous aurez besoin d’accompagnement, de conseil, à travers des blogs, etc. Et cette valeur ajoutée humaine ne pourra totalement s’accomplir que dans les lieux physiques, j’en suis absolument persuadé. Le service numérique à distance doit être le reflet de cette valeur ajoutée. » Lionel Dujol, responsable du développement du numérique pour tout le réseau des bibliothèques de Valence Romans Sud Rhône-Alpes, formateur, et animateur de Touti Frouti.
Modèle économique incertain
Quelques bibliothèques expérimentent un nouveau système d’achat de livres « PNB » (Prêt numérique en bibliothèque), déjà critiqué. Silvère Mercier, auteur du blog Bibliobsession lance un pavé dans la mare : « le prêt du numérique n’a pas de sens : la ressource numérique n’est pas rare comme le papier ».
« Le prêt du numérique n’a pas de sens : la ressource numérique n’est pas rare comme le papier. »
Le modèle idéal ? Une offre, type Spotify, pour les e-books. « Les bibliothèques paieraient une faible contribution pour un accès à un contenu quasi illimité, et achèteraient des services complémentaires (plateforme en marque blanche, pour faire des recommandations et playlists élaborées, pour intégrer leurs propres contenus) » suggère Silvère Mercier.
Mais même en musique, on n’arrive pas à ça… MusicMe propose un catalogue en streaming pour les bibliothèques, assez intéressant, mais à des coûts extrêmement élevés. « Mon sentiment, redoute Lionel Dujol, est que nous n’arriverons pas à proposer dans les bibliothèques, un catalogue de musique, digne d’un Deezer, d’un Spotify. »
Il y aura probablement des annonces au congrès de l’IFLA à Lyon, cet été, laisse entendre Silvère Mercier. Grenoble a la « chance » d’avoir décroché le label « Bibliothèque numérique de référence », et ainsi de bénéficier d’aide financière pour se construire une plateforme maison, bientôt en ligne, où seront agrégées les offres PNB et « hors PNB ».
TÉMOIGNAGE : « La bibliothèque va devenir un « tiers-lieu »
« La bibliothèque va devenir un « tiers-lieu », prenant en compte le territoire. Les ressources de la bibliothèque ne seront plus mises au premier plan. Les nouvelles médiathèques se conçoivent ainsi. La future bibliothèque intercommunale à Lezoux, territoire rural, est un lieu en préfiguration, pensé comme un écosystème connecté à plein d’écosystèmes. » Silvère Mercier, bibliothécaire, formateur et animateur du blog Bibliobsession.
Blogs, prescriptions, médiation
Que les bibliothèques aient ou pas les moyens de s’offrir des ressources numériques, le mode d’ordre est… la médiation. Dès maintenant, les bibliothèques ont une carte à jouer : accompagner l’engouement pour les usages numériques et la mobilité, aider le lecteur à se frayer un chemin dans le déluge de la connaissance. Comment s’y prendre ? Il faut aller là où sont les lecteurs internautes : en ligne.
Les bibliothèques ont une carte à jouer : accompagner l’engouement pour les usages numériques, aider le lecteur à se frayer un chemin dans le maquis de la connaissance.
Quelques exemples intéressants : une bibliothèque au Canada qui propose de l’aide au devoir, http://www.sosdevoirs.org ; la BM de Lyon qui a développé six portails thématiques ; les blogs Trollire (blog jeunesse), et Bmol (valorisant la scène locale) à Grenoble ; le blog Bref de bibliothèque de Levallois sur la recherche d’emploi…
Tous ces blogs sont à chaque fois en phase avec les besoins des lecteurs, les envies des bibliothécaires et les ressources de la bibliothèque. Ces bibliothèques se positionnent en fait, sur le web, comme des médias à part entière avec cet atout : l’impartialité. Elles n’ont rien à vendre. « On pourra même gagner des lecteurs en se montrant utiles pour eux » commente Lionel Dujol. 80 % des Français ne vont pas dans les bibliothèques… « On bénéficie aussi de retombées en termes d’image pour la ville, la collectivité » note Silvère Mercier.
TÉMOIGNAGE : « On ne peut pas rester immobile »
« Il en va de notre avenir à nous, bibliothécaires. Nous venons de lancer quatre blogs thématiques pour aider les lecteurs à trouver ce qu’ils cherchent, à faire des choix. Les bibliothécaires deviennent des producteurs de contenus, même si les fondements sont toujours les mêmes : l’accès à la culture, la formation, l’information… J’ai nommé une « coordinatrice de la médiation numérique », garante de la ligne éditoriale ». Sophie Perrusson, directrice adjointe de l’action culturelle, chargée du développement des technologies de l’information et des savoirs à Levallois-Perret.
Menues évolutions d’intérieur
Dans leurs espaces multimédias, les bibliothèques vont continuer à assurer leur mission de service public, notamment pour celles qui n’ont pas la chance d’être équipées : proposer des ateliers de nature très variée, sur ordinateur et sur tablettes et liseuses. Quant aux lecteurs, qui arrivent désormais équipés d’un outil nomade, ils apprécieraient dorénavant un accès Wifi débridé. « Oui d’accord : on sait que les jeunes se connectent sur Facebook… On peut aussi voir ce que l’on peut faire avec ça ? » suggère Lionel Dujol. Certes, pour les DSI des collectivités, un Wifi ouvert est synonyme de problème de bande passante…
À côté du traditionnel espace multimédia, dans un futur proche, pourraient fleurir également des fab-lab accessibles à tous, où les usagers auraient accès à des cours d’écriture, des outils d’autoédition et de publication. Ça existe déjà, ailleurs.
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