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Andrée Sfeir est déléguée générale de l'association Éveil qu'elle a fondée en 1993 et dont l'objet est l'éveil à la citoyenneté des jeunes. Depuis 2010, elle préside le Conseil français des associations pour les droits de l'enfant (Cofrade), qui veille à l'application par la France de la Convention internationale des droits de l'enfant (www.cofrade.fr).
Présentez-nous le Cofrade. Quelle est sa fonction ?
Le Conseil français des associations pour les droits de l'enfant - association loi 1901 - regroupe une cinquantaine d'organisations, qui agissent toutes dans un ou plusieurs champs couverts par la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE). Cette convention a été adoptée en 1989 par l'ONU et ratifiée par 193 États, dont la France en 1990. Elle proclame les droits fondamentaux des enfants : droits à une famille, à l'éducation, à la santé, à la protection, à la justice, et aussi leurs droits à s'exprimer et à participer à la vie de la société. Notre rôle est de veiller à son application en France. Nous remettons périodiquement un rapport au Comité des droits de l'enfant de l'ONU à Genève (il vient en « contrepoint » du rapport officiel des autorités françaises - NDLR).L'édition 2012 du rapport du Cofrade estime que la CIDE est oubliée des pouvoirs publics et inconnue du grand public. Qu'en est-il ?
Déjà en 2009, nous avions pointé l'inaction de la France à promouvoir la CIDE. La ratification emporte pourtant l'obligation de veiller à ce que les droits des enfants soient connus et compris des adultes comme des enfants partout sur le territoire. La situation est inchangée depuis. L'État comme les collectivités locales n'ont pas mené d'actions effectives de promotion. Selon un rapport de l'Unicef, 68 % de la population n'a jamais entendu parler de la CIDE, et parmi les 32 % qui connaissent son existence, on compte seulement 10 % de jeunes. Ce n'est guère mieux parmi les parlementaires, dont une minorité seulement classe les droits de l'enfant au rang de priorité.Vous alertez sur la précarisation de la situation des enfants en France. Quelles sont vos observations ?
Le nombre d'enfants vivant sous le seuil de pauvreté (950 € par mois - NDLR) augmente. On dénombre 2,65 millions d'enfants dans cette situation. Les effets de la crise économique sont aggravés par les mesures qui, ces dernières années, ont fortement porté atteinte aux services publics. La dégradation du système de santé par exemple, a pour corollaire l'augmentation de maux qui affectent directement les enfants.2.65 millions d'enfants vivent sous le seuil de pauvreté.En France, 4,5 % des enfants sont en surpoids et 3,5 % sont obèses ; la toxicomanie chez les jeunes - alcool, drogues - montre une hausse inquiétante ; le suicide représente la deuxième cause de mortalité chez les 15/24 ans... Ces questions de santé publique sont insuffisamment prises en compte par les institutions, notamment du fait d'un manque de personnels médicaux et sociaux en mesure de déceler les troubles et mal-être en amont, de prévenir les risques et de proposer une prise en charge spécifique.
En matière scolaire également, nous ne répondrions pas aux critères de la CIDE ?
Le Comité de Genève a recommandé à l'État d'accroître ses efforts pour réduire les effets de l'origine sociale des enfants sur leurs résultats scolaires et de faire baisser les taux d'abandon. Le droit à l'éducation est en effet malmené. En France, tous les enfants n'ont pas accès à l'école : plus de 5 % des jeunes handicapés de moins de 16 ans restent non scolarisés et 13 % ne sont scolarisés qu'à temps partiel en primaire et 4 % au collège. En outre, les enfants issus de minorités, en particulier roms, rencontrent de graves difficultés de scolarisation. Par ailleurs, le système scolaire demeure inégalitaire. Plus de 120 000 jeunes en sortent chaque année sans diplôme ni qualification, avec un pronostic de non-emploi supérieur à 56 %. L'absentéisme scolaire, l'absence de pédagogie réellement personnalisée, le défaut de prise en charge précoce des difficultés scolaires, l'inadaptation du système d'orientation et le manque de considération pour l'enseignement professionnel... sont autant de facteurs sur lesquels nous devons agir.Vous dénoncez la surexposition des enfants aux images et l'exploitation de leur image. Que voulez-vous dire ?
La CIDE proclame le droit à la protection des enfants. Cela s'entend de leur intégrité physique, mais également de ce qui relève de « la fabrique des esprits ». Or, on ne peut ignorer que les enfants sont exposés aux images de violence et de pornographie présentées sur les écrans - de la télévision et d'Internet - à toute heure de la journée.Le droit à l'éducation est malmené.Il en résulte que les enfants sont de plus en plus souvent auteurs et victimes de violences. La délinquance se durcit et touche des enfants de plus en plus jeunes. Par ailleurs, les enfants font l'objet d'une utilisation de leur image contraire à leur dignité et à leur intérêt, avec une utilisation grandissante de représentations hypersexualisées de leur image dans les médias.