« Les maires doivent gérer le monde »

Julien Damon

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« Les maires doivent gérer le monde »

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Le célèbre penseur américain Benjamin Barber estime qu’il appartient aux maires – aux élus locaux – de gérer les affaires du monde. Ce n’est plus aux États qui ont failli. Une analyse et des propositions décapantes.
Confrontées aux défis les plus périlleux et parmi les plus globaux – changement climatique, terrorisme, pauvreté, trafics de drogue –, les nations semblent paralysées.Sont-elles dépassées et obsolètes ? Pour Benjamin Barber, qui se fait cette fois-ci le champion des maires des métropoles, la réponse est oui. Selon lui, les villes et les maires qui les dirigent sont les institutions et les lieux de la gouvernance moderne.Les villes – même si la statistique ne saurait être parfaite– rassemblent plus de la moitié de la population mondiale. Elles concentrent les innovations. Surtout, elles ne s’embarrassent pas véritablement de frontières souveraines, ce type de limites empêchant les nations de coopérer.

Les maires pragmatiques

Barber observe que les maires, quelles que soient la taille des villes et les affiliations politiques, adoptent des positions et prennent des décisions qui sont bien plus pragmatiques et bien moins partisanes que les gouvernements nationaux. Il aime citer les termes immortels de l’ancien maire de New York, Fiorello La Guardia : « Il n’y a pas une voie démocrate et une voie républicaine pour réparer un égout ».
 Les maires adoptent des positions et prennent des décisions qui sont bien plus pragmatiques et bien moins partisanes que les gouvernements nationaux.
Pour la plupart, les élus locaux ont su conserver la confiance de leurs électeurs. De plus, ils savent s’investir dans des modalités de coopération entre villes, afin d’échanger et d’avancer en commun sur des problèmes partagés.En compétition en termes d’attractivité et de compétitivité, les métropoles sont engagées dans ce que la littérature française spécialisée désigne comme de la « coopétition » (néologisme issu de la fusion entre compétition et coopération). Barber étudie cette coopétition des métropoles, qui passe par des partenariats volontaires, allant de simples échanges informels de bonnes pratiques à des réseaux constitués à travers les continents.

Un parlement mondial des maires ?

C’est dans les métropoles et par l’interaction de celles-ci que s’inventent les solutions de demain aux problèmes contemporains. Le C2C (pour Consumer To Consumer) devient City to City, ou métropole à métropole (MAM), pourrait-on dire en français. Cette démarche MAM est envisagée par Barber comme un puissant moyen d’atténuer, voire de résoudre, les problèmes du monde, qu’il s’agisse d’inégalités ou d’épidémie. Selon l’auteur, ces capacités métropolitaines sont tout de même aujourd’hui limitées par le caractère disparate des réseaux de coopération.
Les capacités métropolitaines sont limitées par le caractère disparate des réseaux de coopération.
Aussi, afin d’avancer, il propose la constitution d’un « Parlement mondial des maires ». Établi sur une base purement volontaire – ce qui peut prêter à bien des discussions –, ce « Parlement » devrait permettre de mieux entendre la voix des villes, en leur offrant une plateforme d’échanges.En un mot, Barber envisage une planète qui serait gérée, voire dirigée, par les villes. Mêlant le local et le global sous un terme, il y aurait là un « glocalisme » (un mélange de global et de local) démocratique. Si Barber se défend de prophétie et d’utopie, il ne dit pas comment une telle institution pourrait véritablement voir le jour. Mais ce n’est pas son objectif principal. Il affirme simplement que, de plus en plus, ce sont les maires des métropoles qui auront la main.

EXTRAIT « Une planète gérée par les villes représente un nouveau paradigme de gouvernance mondiale, de glocalisme démocratique plutôt que de directives venues d’en haut, d’horizontalité plutôt que de hiérarchie, d’interdépendance pragmatique plutôt que d’idéologie. »

UNE a lire  lBenjamin Barber,« If mayors ruled the world : dysfunctional nations, rising cities »,Yale University Press, 2013, 256 pages.

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