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Tout pour les métropoles et les régions ? Les maires ruraux en ont marre d’être les laissés-pourcompte de la réforme territoriale. Et le ton monte : chaque occasion est bonne pour dire son ras-le-bol et avancer des solutions.
Il est remonté, Vanik Berberian, maire de Gargilesse-Dampierre (Indre) et président de l’Association des maires ruraux de France (Amrf). « Au dernier congrès des maires de France, on a fait un tabac. On a senti un soutien de tous les maires », dit-il. Les Assises de la ruralité, lancées mi-septembre par le gouvernement, le laisseraient presque indifférent.
« En 25 ans de présidence de l’Amrf, j’en ai connu, des assises, lâche-t-il, un brin fataliste. Je crains que le principe de ces assises ait été acté dans la précipitation et que le calendrier ne corresponde pas vraiment à la hauteur du défi. Je constate avec plaisir que le terme « ruralité » figure noir sur blanc dans l’intitulé d’une ministre [Sylvie Pinel, par ailleurs ministre du Logement et de l’Égalité des territoires, NDLR].
« Comment comprendre qu’un habitant de montagne vaille deux fois moins en DGF qu’un habitant de ville [64€ par habitant dans le rural contre 128€ dans l’urbain] ? »
Mais la seule annonce concrète pour l’heure concerne la revitalisation de 5 000 centres bourgs. C’est un peu chiche en termes d’aménagement du territoire », ironise-t-il.
À sa manière, l’éloquent Vanik Berberian synthétise l’état d’esprit de ses collègues maires ruraux. Ils en ont marre, et le disent, d’être comparés aux Länder allemands ou aux provinces espagnoles. « Chaque pays a son histoire. En Allemagne, les autorités recréent des communes parce qu’elles ont constaté un déficit de proximité », précise Cédric Szabo, directeur de l’Amrf.
Un rural est un urbain divisé par deux !
Les 18 et 19 octobre derniers, au dernier congrès de l’association, Sylvia Pinel a certainement constaté que le vernis protocolaire qui sied à ce genre d’événement s’écaillait. Les élus ruraux ont vidé leur sac. « Non à l’évaporation de la commune dans l’intercommunalité, non à la dissolution du conseil général dans la région », n’ont-ils cessé de rappeler. « Le gouvernement veut favoriser la fusion de communes. Il place le seuil à 20 000 habitants pour l’intercommunalité dans les territoires ruraux, ce qui est un non-sens et va créer de vastes collectivités sans queue ni tête. Tout semble être fait pour activer la disparition des petites communes », s’emporte Jean-Paul Carteret, maire de Lavoncourt (344 habitants en Haute-Saône).
Non à l’évaporation de la commune dans l’intercommunalité, non à la dissolution du conseil général dans la région, ne cesse-t-on de répéter à l’AMRF.
Sylvia Pinel avait pu se roder à l’adversité la veille en rendant visite à l’autre grosse association rurale, l’Association nationale des élus de la montagne (Anem). « Comment comprendre qu’un habitant de montagne vaille deux fois moins en DGF qu’un habitant de ville [64 € par habitant dans le rural contre 128 € dans l’urbain, NDLR] ? », avait pesté Laurent Wauquiez, l’ancien ministre, député-maire du Puy-en-Velay, élu à cette occasion président de l’Anem.
Et ne parlez plus de charges de centralité aux ruraux ! « Nous avons des charges d’aménité, tranche Sébastien Gouttebel, maire de Murol (Puy-de-Dôme). Sans la présence de poumons à la périphérie des agglomérations, leur niveau d’attractivité serait moindre. Nous participons aussi de leur essor et l’opposition rural-urbain n’a pas de sens. »
Des agences de rénovation rurale ?
L’ironie dissimule mal une colère sourde chez Vanik Berberian. « Tout est fait pour les métropoles. Puisque désormais un ministre défend le principe de la ruralité, pourquoi ne pas décliner des agences de rénovation rurale, comme il existe des agences de la cohésion sociale ? Si le gouvernement a du mal à trouver des idées, nous pouvons l’aider. »
Une chose est certaine : l’État n’a pas intérêt à se louper lors du prochain comité interministériel prévu pour le début de l’année prochaine et dont l’acteur majeur sera la ruralité. « Le premier depuis cinq ans sur le sujet », selon Vanik Berberian, qui tient le décompte.