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Que se cache-t-il derrière ce nouveau concept de la « flemme » ? Pour beaucoup de chercheurs, il n’y a en réalité rien de neuf ici, si ce n’est un fort besoin de donner du « sens au travail ». La vraie flemme serait de ne pas en profiter pour s’interroger sur nos pratiques managériales.
Reconnaissons d’emblée que cette interrogation peut apparaître comme une provocation envers des managers territoriaux qui n’ont pas ménagé leurs efforts ces dernières années, à la manœuvre pour affronter la succession des crises traversées par le pays depuis trois ans et se préparer à celles qui s’annoncent encore cette année.
Pourtant, on entend de-ci de-là, une petite ritournelle que l’on retrouve dans des expressions, telles que « grande démission » « démission silencieuse », pour qualifier un phénomène de retrait du travail.
Fatigue mentale
Tout d’abord, quels seraient les symptômes apparents de ce désengagement, que certains qualifient de « grande flemme » : des métiers en tension, un manque d’attractivité de la fonction publique, des revendications autour d’une meilleure conciliation des temps de vie – car il faut bien le reconnaître, les cadres aussi s’interrogent sur le sens de ces longues journées de travail – une perte de sens justement, face à des organisations de travail déstabilisées, un manque de lisibilité de certaines politiques publiques, sans parler de l’exemplarité (au sens de donner l’exemple) des dirigeants et des élus qui reste encore un objectif difficile à atteindre !
Alors oui, les managers territoriaux sont aussi atteints par la fatigue mentale, cette pathologie parfaitement bien documentée par l’Organisation mondiale de la santé depuis la crise sanitaire. Le politologue Jérôme Fourquet parle même d’une « économie de la flemme » qui touche d’ailleurs davantage les catégories socioprofessionnelles supérieures.
S’il existe une « grande flemme », ce serait plutôt celle de ne pas faire l’effort de réflexion nécessaire pour dépasser les discours simplistes sur le travail
Exigences et décentrage
Pour autant, ces symptômes rapidement diagnostiqués comme une épidémie de « flemme » ne cachent-ils pas une autre pathologie plus ancienne ? François Dupuy, sociologue des organisations et auteur de la trilogie de « Lost In Management » l’affirme régulièrement, la crise de l’engagement au travail ne date pas d’aujourd’hui. Elle plonge ses origines dans les années 1980-1990 et touche désormais aussi les cadres. De même, Dominique Meda, une autre sociologue, rappelle souvent que les attentes des Français vis-à-vis du travail sont plus fortes qu’ailleurs et les cadres territoriaux ne font pas exception !
S’il ne s’agit donc pas d’une grande « flemme », mais plus d’exigences différentes face au travail, un décentrage autour du contenu du travail et de ses modes d’organisation s’impose pour « réenchanter le travail ». En conséquence, s’il existe une « grande flemme », ce serait plutôt celle de ne pas faire l’effort de réflexion nécessaire pour dépasser les discours simplistes sur le travail et agir en priorité sur les leviers de motivation dont nous disposons, en commençant par celui de la reconnaissance.
Alors au boulot !