Les nouveaux contrats aidés « PEC » sont-ils si dissuasifs ?

Séverine Cattiaux

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Les nouveaux contrats aidés « PEC » sont-ils si dissuasifs ?

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Depuis janvier 2018, les Parcours emploi compétences (PEC) remplacent les anciens contrats aidés dans le secteur non marchand. Une nouvelle formule intéressante pour les personnes éloignées de l’emploi, mais beaucoup moins attractive, et plus contraignante pour les employeurs territoriaux.

La philosophie du PEC part d’un bon principe. C’est désormais le parcours professionnel des personnes qui compte, et non plus le besoin de l’employeur.

Côté employeurs, collectivités territoriales et associations, on fait la moue au contraire, au vu des nouvelles exigences d’encadrement, de formation accrue, du moindre financement, des publics visés plus éloignés de l’emploi qu’auparavant… Le Conseil supérieur de la FPT ((Dans un rapport remis en novembre 2018 sur les impacts des contrats aidés dans les collectivités.)) ne se fait guère d’illusion sur l’appropriation du PEC dans les collectivités : « le nouveau dispositif « Parcours emploi compétences » est dissuasif pour les collectivités territoriales ». Un an après l’arrivée du PEC, les retours des collectivités confirment-ils les craintes du CSFPT ?

Des contrats formateurs

Changement de braquet avec la nouvelle formule du PEC, l’État et Pôle emploi resserrent la vis dans l’attribution des contrats aidés. Des entretiens tripartites sont dorénavant organisés entre Pôle emploi, la personne en contrat Parcours emploi compétences et l’employeur, en début et en fin de contrat. « Aujourd’hui, nous partons de la personne et de son projet tandis qu’avant, l’employeur venait nous voir avec son candidat et nous demandait un contrat aidé », résume Mathieu Bouttaz, directeur adjoint d’une agence Pôle emploi. « Le suivi des personnes continue après le contrat » ajoute-t-il.

Certains contrats aidés de seniors à l’approche de la retraite, sans ambition professionnelle particulière… n’ont pas pu être reconduits sur le contrat Parcours emploi compétences

Pour signer un contrat Parcours emploi compétences, les collectivités locales doivent s’engager à fournir un tuteur à chaque contrat aidé, et à les former suivant leur projet professionnel. Alain, 52 ans sera ainsi formé en peinture par le CNFPT, dans le cadre d’un tel contrat sur la commune de Bioule, dans le Tarn-et-Garonne, dans le but de créer sa microentreprise à l’issue de celui-ci.

« Nous avons une vigilance accrue sur ce point par rapport aux contrats précédents » prévient le responsable de Pôle emploi, qui croit bon toutefois de rassurer les employeurs territoriaux : « la formation peut revêtir différentes formes, il faut, dans tous les cas, que la personne monte en compétences à la fin de la période ».

Lire aussi : Emploi : changer de modèle

Des contrats courts

À Strasbourg, certains contrats aidés de seniors à l’approche de la retraite, sans ambition professionnelle particulière… n’ont pas pu être reconduits dans le cadre du PEC.

« Agents d’entretien de restauration, aide-concierges dans les écoles, surveillants des sorties d’écoles, médiateurs sur les lieux publics, assistantes petite enfance, aide-Atsem »… les missions confiées aux personnes en contrat PEC dans la capitale alsacienne sont les mêmes que pour les contrats précédents.

La liste des métiers pourrait s’étoffer, d’après Pascale Libert, DRH Emploi formation insertion à l’Eurométropole de Strasbourg, qui déclare « avoir réinterrogé ses services ».

Les contrats Parcours emploi compétences s’étirent en effet entre 9 et 12 mois, pour, en moyenne, 20 heures de travail par semaine

Les propositions ne vont sans doute pas affluer vu la durée des contrats et les profils des candidats. Les contrats s’étirent en effet entre 9 et 12 mois, pour, en moyenne, 20 heures de travail par semaine. Qui plus est, à la différence des contrats antérieurs faciles à prolonger, les PEC ne seront renouvelés qu’au compte-gouttes. Enfin, les PEC sont destinés en priorité aux publics les plus fragiles.

Lors d’une rencontre en préfecture, la DRH de l’Eurométropole de Strasbourg a posé cette question : « comment peut-on en un an décrocher tous les objectifs du PEC, en allant chercher une personne loin de l’emploi ». Il lui a été répondu qu’il revenait à Pôle emploi de mobiliser d’autres dispositifs en amont.

Reste à l’agence nationale à préparer au mieux ses candidats au PEC

Lire aussi : Bilan positif pour les territoires zéro chômeur de longue durée

Des contrats « chers »…

Le bât blesse également au niveau du taux de prise en charge du PEC, bien moindre que celui des contrats précédents. Ce point n’a pas échappé à Jean-Paul Prigent, maire de la commune La Chapelle-Neuve (Côtes-d’Armor). « Je suis élu depuis 2001, et on est passé de contrats aidés ayant un reste à charge entre 15 et 20 %, à 50 % » s’exclame-t-il.

Selon les régions, les niveaux de prise en charge oscillent sensiblement, et diffèrent selon les publics à favoriser : chômeurs longue durée, seniors, jeunes des quartiers, personnes en situation de handicap. Malgré l’effort financier, La Chapelle-Neuve a signé un PEC en janvier avec Christian pour l’entretien des espaces verts, de la voirie et des bâtiments communaux. « Pour deux raisons essentielles, tient à dire le maire. Christian est une personne courageuse qui mérite un coup de pouce, et j’avais un départ d’un agent à la retraite ».

Les perspectives 2019 sont descendues à… 130 000 PEC, dont 30 000 pour l’Éducation nationale

Les employeurs territoriaux devront à présent se passer des « aides coordonnées du département, de la région et du CNFPT, comme à l’époque des emplois d’avenir pour financer la formation » observe Pascale Libert.

À Bioule, la formation du peintre au CNFTP ne coûtera rien à la commune, qui cotise comme l’ensemble des collectivités pour la formation des personnes en insertion. « On utilise assez bien les préparations aux concours du CNFPT, confirme Pascale Libert. Mais cela ne répond que très peu à l’ensemble des besoins de formation de ce public. Il n’y a justement pas cette notion de qualification dans l’offre du CNFPT ».

… et moins nombreux

Les PEC sont en outre bien moins nombreux que les contrats précédents. La tendance est pour le moins baissière. 200 000 PEC ont été budgétés pour 2018.

Et comme 130 000 à 150 000 ont été effectivement signés, les perspectives 2019 sont descendues à… 130 000, dont 30 000 pour l’Éducation nationale. Il faut donc jouer des coudes pour décrocher un PEC. « Nous avons dû faire un peu de forcing auprès de Pôle emploi pour obtenir nos deux contrats PEC, note Florence Danthez, adjointe à Bioule. Les communes voisines ont été moins chanceuses ».

« L’échec patent du dispositif du PEC confirme la volonté de tuer les contrats aidés »

Ces évolutions des contrats aidés mettent le député de gauche Régis Juanico en colère : « l’échec patent du dispositif du PEC, lancé sous des prétextes dits qualitatifs, confirme la volonté de tuer les contrats aidés et faire avant tout des économies budgétaires ». Selon les calculs du député, le nombre de contrats aidés a chuté de 80 % entre 2016 et 2019. Dans sa circonscription, le député observe avec inquiétude que les petites collectivités et des associations moyennes ne sont plus en mesure de prendre des PEC.

« Il y a une transition à effectuer pour les collectivités, convient Mathieu Bouttaz. Le recrutement des personnes est plus fin de notre côté et doit être plus stratégique pour les employeurs territoriaux ». Les retours des personnes en PEC seraient bons, assure Pôle emploi, qui constate des premières sorties positives, avec un emploi à la clé. Un bilan approfondi sera bien entendu nécessaire.

Lire aussi : Cornouailles : work-50, l'aide au retour à l'emploi  pour les seniors

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