Les territoires périurbains, entre bouillonnement intellectuel et politique, et timidité des politiques publiques

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Les territoires périurbains, entre bouillonnement intellectuel et politique, et timidité des politiques publiques

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© John Foxx - getty images

Le périurbain a ses détracteurs farouches et ses défenseurs. Les uns n’y voient que ses symptômes d’étalement et d’individualisation. Les autres déplorent que la réflexion sur ces territoires soit encore et toujours sacrifiée aux centres urbains.

Les territoires périurbains, que l’on peut rapidement définir comme des « espaces discontinus restant en lien avec une agglomération, principale » ((Julien Damon, Thierry Paquot, Les 100 mots de la ville, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2014.)) sont depuis une dizaine d’années au cœur d’un bouillonnement intellectuel considérable. On peut en juger tant par le nombre de rapports rédigés que par la multitude des productions plus académiques sur le sujet.

Cette profusion en dit long sur l’importance prise par cette problématique dans le débat public.

Le rapport Bonnet, contribution fondatrice

Dans le champ des rapports d’experts, plusieurs contributions majeures ont été produites ces cinq dernières années. La plus structurante et la plus stimulante est sans aucun doute le rapport de Frédéric Bonnet, architecte, Grand prix de l’Urbanisme, remis en janvier 2016 à Sylvia Pinel, alors ministre du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité ((« Aménager les territoires ruraux et périurbains ».)).

Une vive controverse s’est peu à peu consolidée entre les opposants et les partisans du fait périurbain

Il y plaide notamment pour « une métamorphose des représentations collectives, une inversion du paradigme global sur l’évaluation des richesses et des paramètres de développement et une réactivation des politiques de solidarités et de partenariats entre les territoires ».

Ce changement de référentiel est ensuite décliné dans une série de propositions tout aussi riches qu’opérationnelles qui ont durablement marqué tous les acteurs de la fabrique des territoires périurbains.

Une vive et persistante controverse intellectuelle et politique

Dans le champ des productions plus académiques, une vive controverse s’est peu à peu consolidée entre les opposants et les partisans du fait périurbain.

Pour les premiers, dont le géographe Jacques Lévy est le principal représentant, le périurbain représenterait une remise en cause du vivre ensemble et l’incarnation du repli sur soi, comme l’association des formes urbaines (la présence dominante de la maison individuelle insérée dans de vastes quartiers pavillonnaires) à la géographie électorale (qui souligne une prépondérance plus forte du vote Front national dans les couronnes périurbaines) tendrait à le souligner.

Le périurbain s’est en général toujours construit en dehors des stratégies d’aménagement des villes-centre

Au-delà, le périurbain représenterait l’anti-urbanité et serait responsable de l’étalement urbain et d’une forte empreinte écologique en partie due à l’augmentation des déplacements automobiles.

Pour les seconds au contraire, ce discours est à la fois caricatural et réducteur. Caricatural, car derrière le caractère univoque du terme périurbain, se cachent des réalités à la fois diversifiées et nuancées, de la « ville-dortoir » sous influence, à des tissus urbains très vivants d’un point social, économique et culturel.

Réducteur, car le périurbain aurait toujours été le principal oublié des politiques d’urbanisme. Comme le souligne Pierre Musseau dans une note pour le think-tank Terra Nova ((Quelles politiques pour la France périurbaine ? 2014.)), il s’est en général toujours construit en dehors des stratégies d’aménagement des villes-centres.

Le tout métropolitain semble aujourd’hui au cœur de l’agenda gouvernemental

Plus récemment, le mouvement des gilets jaunes a donné lieu à une multitude d’interprétations sociologiques et géographiques hâtives (ex : la « révolte des périphéries ») qui, si elles ne sont pas toujours très étayées scientifiquement, constituent un bon reflet des représentations dominantes dans le débat public.

Des réponses d’action publique très timides

Si l’appareil conceptuel pour appréhender les problématiques des territoires périurbains s’est fortement étoffé, force est pourtant de constater que les réponses d’action publique restent très timides au niveau national.

Le CGET avait bien été missionné en 2016 pour lancer le « Lab’ périurbain », plateforme qui entendait réévaluer et mettre en mouvement les territoires concernés, mais il a été rapidement mis en sommeil, le tout métropolitain semblant aujourd’hui au cœur de l’agenda gouvernemental.

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