Narbonne
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Certaines – Chinon (Indre-et-Loire), Flers (Orne) Basse-Terre (Guadeloupe) – sont peu peuplées, d’autres – Lorient (Morbihan), Narbonne (Aude), Mamoudzou (Mayotte) – beaucoup plus. Toutes accueillent des équipements culturels et sportifs, des collèges, des lycées, beaucoup d’entre elles des établissements d’enseignement supérieur. Elles offrent l’accès aux services publics et privés, aux soins, aux commerces. Elles, ce sont les villes de taille intermédiaire ou "villes moyennes" qui forment le dense réseau de préfectures et de sous-préfectures et rassemble plus d’un tiers de la population.
Pendant des décennies, l’armature urbaine de la France que sont les villes moyennes, n’était quasiment évoquée que sur le registre du déclin: désindustrialisation, délocalisations en série, retrait des services publics, vitrines vides, stagnation ou baisse de la population… Les villes moyennes bien placées pouvaient espérer intégrer la sphère d’attraction des métropoles triomphantes, tandis que les autres étaient vouées à l’abandon et à la morosité de la "France périphérique".
"La solution, c’est La Roche-sur-Yon"
Les cartes sont aujourd’hui rebattues. À la faveur de l’essor du télétravail et des canicules qui transforment les métropoles en fournaise, les villes moyennes promettent un autre art de vivre : plus simple, calme, convivial et proche de la nature. Selon le Baromètre des territoires de l’association d’élus Villes de France, la moitié des actifs qui habitent les villes de plus de 100 000 habitants et envisagent de changer de lieu de vie souhaitent s’installer dans une ville moyenne (13 % dans une petite ville). Les conséquences des crises qui s’amoncellent ont rendu l’aspiration à déménager non seulement plus séduisante que jamais, mais décidément raisonnable.
"Destination Nevers. Pour un jour, pour toujours !", "La solution, c’est La Roche-sur-Yon", "Vivez mieux, venez à Évreux", "Besançon, vous êtes bien partis pour rester !"... À la télévision ou sur les murs du métro parisien, en pleine pandémie, les collectivités n’ont pas lésiné sur les rimes douteuses afin de séduire les citadins en manque d’espace. Mais toutes ne jouent pas dans la même catégorie, constate la Banque des territoires. Celles situées sur le littoral atlantique, le pourtour méditerranéen, dans la vallée du Rhône ou à la frontière de la Suisse tirent leur épingle du jeu. Celles du centre et du quart nord-est de la France ont bien plus de peine. Les dynamiques différenciées perceptibles avant le Covid perdurent.
De nombreux défis à relever
Les villes moyennes, qui misaient déjà sur la proximité des terres agricoles et des espaces naturels, n’ignorent plus qu’elles sont les véritables "villes du quart d’heure". Friches et bâtiments inutilisés y figurent comme autant d’opportunités foncières pour de l’habitat intermédiaire, des tiers-lieux et d’espaces verts. Avec leur foisonnement d’initiatives et de dispositifs existants, les villes moyennes s’apparentent à des démonstrateurs "grandeur nature" des transitions : rénovation énergétique de logements et de commerces, mutualisation des fonctions des équipements publics, maîtrise de l’artificialisation du sol (notamment par la suspension de certaines zones commerciales périphériques), projets citoyens d’énergies renouvelables comme à Figeac, espaces publics apaisés, par exemple sur les rives de cours d’eau réinvestis à Libourne, Montluçon et Bayonne…
Les milliards du programme Action cœur de ville n’ont pas suffi pour le moment à réduire le taux de vacance commerciale et révéler l’esthétique patrimoniale
Reste que les villes moyennes ont de nombreux défis à relever pour offrir un cadre de vie idéal. Le caractère central des villes moyennes s’est émoussé au fur et à mesure des décennies au profit des communes périurbaines. Les commerces de détail mal en point ne manquent pas, plombés par les zones commerciales de périphérie et le commerce en ligne. Les milliards du programme Action cœur de ville n’ont pas suffi pour le moment à réduire le taux de vacance commerciale et révéler l’esthétique patrimoniale. L’accessibilité en train est parfois inexistante, souvent hasardeuse, rarement optimale. S’y déplacer à pied, à vélo et en transports en commun ne s’avère pas si facile car la circulation et le stationnement de l’automobile reine sature les rues, par conséquent imperméabilisées, peu accueillantes pour les familles et les enfants. Les potentielles synergies de stratégies et politiques publiques entre villes moyennes proches et complémentaires souffrent du manque de coopération des modes de gouvernance.
Qualité de vie
Quant aux métropoles, elles prennent conscience que l’amélioration de la qualité de vie est un corollaire indispensable à la densification. Pour éviter de suivre la pente descendante entamée par le Grand Paris, elles se mobilisent pour contrer la perspective d’un exode vers les villes moyennes et affirment leur soutien aux circuits courts, créent des rues aux écoles, lancent des budgets participatifs… Les décisions récentes des élus de Rennes métropole, où 100 000 habitants supplémentaires sont prévus à l’horizon 2035, ont des chances de faire école : la révision du plan local d'urbanisme intercommunal impose un espace extérieur privatif (balcon, terrasse, loggia) d’au moins 4 m² pour chaque logement (3 m² pour un hébergement). Les dispositions concernant la récupération des eaux pluviales et la végétalisation des toitures ont été renforcées. Toute demande de clôture doit être instruite en tenant compte de l’environnement, et privilégier végétaux et claires-voies pour limiter l’opacité et favoriser la biodiversité et le rafraîchissement. Ces changements notables sont-ils en mesure d’éclipser le récit territorial des atouts des villes moyennes, insoupçonnés hier encore ?