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© Alain Rouiller - adobestock
Depuis leur apparition en 1996, les « LEZ », pour Low Emission Zone, se sont répandues dans une douzaine de pays européens, dans l’objectif d’apurer l’air de certaines zones urbaines saturées et dangereuses pour la santé des citadins.
En septembre 2017, 227 zones à faible émission étaient répertoriées à travers douze pays de l’Union européenne, et ce chiffre a certainement augmenté encore depuis, car la tendance est au bannissement des véhicules polluants.
Le principe de ces zones est d’interdire l’accès à une ville ou une partie de ville aux véhicules ne répondant pas à certaines normes d’émissions ou d’équipement (normes Euro et/ou présence d’un filtre à particules). Et partout où la règle est appliquée, l’objectif est identique : réduire la pollution atmosphérique pour respecter les valeurs limites de la réglementation européenne, principalement celles relatives aux particules PM10 et au dioxyde d’azote (NO2), qui sont régulièrement dépassées dans les grandes villes européennes.
La France et Paris, tout particulièrement, sont visées par l’Europe : la Commission européenne a engagé deux procédures précontentieuses pour non-respect des valeurs limites relatives au dioxyde d’azote et aux PM10, qui pourraient aboutir à terme à un contentieux devant la Cour de Justice de l’UE.
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À Londres, 1.500 kilomètres carrés de LEZ
La première LEZ a vu le jour en Suède – c’était en 1996 – et n’est arrivée en France que vingt ans plus tard. Ce sont les villes de Paris et Grenoble, réputées pour leurs pics de pollution récurrents, qui ont choisi d’instaurer ce type de zones en 2016. Ailleurs, ces zones ont essaimé : Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Portugal ou Autriche…
L’Allemagne et l’Italie concentrent 85 % des LEZ recensées en Europe
Les superficies peuvent être cantonnées à quelques kilomètres carrés, comme Ilsfeld en Allemagne et ses 2 km², ou bien à une agglomération entière. C’est par exemple le cas du Grand Londres au Royaume-Uni, où la LEZ est vaste de 1 500 km² ! Du côté de l’Allemagne, plusieurs communes se sont regroupées pour former une zone unique de 800 km² dans la Ruhr. Les pays les plus amateurs de zones à faible émission sont à la fois l’Allemagne et l’Italie : à eux deux, ils concentrent 85 % des LEZ recensées en Europe.
Le plus souvent, les véhicules visés par ces zones sont les poids lourds, les bus et les autocars.
Mais encore une fois, chaque pays, voire chaque zone, peut notifier certaines spécificités. Ainsi, les véhicules légers de particuliers comme d’entreprises sont concernés en Allemagne, et l’Italie a choisi d’inclure jusqu’aux deux roues motorisés.
LE CONTRÔLE, CLÉ DE LA RÉUSSITE
Les deux principaux moyens de contrôle sont la vidéosurveillance et le contrôle visuel.
La vidéosurveillance, instaurée notamment à Londres, consiste à lire le numéro de la plaque d’immatriculation par l’intermédiaire de caméras, afin que des logiciels confrontent le modèle de voiture à une base de données renseignant sur la norme Euro.
Le contrôle visuel, généralement opéré par la police, comme en Allemagne, consiste à vérifier les vignettes collées sur le pare-brise des véhicules, renseignant sur leur conformité. Selon une étude réalisée sur le modèle londonien, les coûts de mise en œuvre de la vidéosurveillance sont 3,5 fois plus élevés que les coûts de mise en œuvre de la surveillance manuelle. Les coûts de fonctionnement sont doublés pour la vidéosurveillance par rapport à la surveillance manuelle. En contrepartie, la vidéosurveillance engendre des revenus annuels dix fois plus importants que la surveillance manuelle.
Efficace, mais limité
Les villes ayant installé des zones à faible émission ont toutes constaté une réduction des émissions de polluants liées au trafic routier. Des réductions de concentration dans l’air de NO2 et PM10 allant jusqu’à 12 % ont pu être observées, ainsi que des réductions de Black Carbon allant jusqu’à 52 %.
Le nombre de jours de dépassement de la valeur limite journalière pour les PM10 peut également diminuer : à Cologne, la première année de mise en place, les PM10 ont diminué de 17 %. Néanmoins, les bénéfices attendus sur la qualité de l’air sont plus modérés, notamment compte tenu de la multitude des sources d’émission en zone urbanisée et de l’influence des conditions météorologiques.
D’après une étude de 2015, le bénéfice en matière de santé s’élèverait à 760 000 euros
L’instauration des zones à faible émission peut cependant avoir des effets bénéfiques sur la santé, que certains chercheurs ont tenté d’estimer en Allemagne. Dans les études parues, les seuls polluants étudiés sont les particules PM10. D’après une étude de 2015, qui porte sur les données allemandes de 2010, le bénéfice en matière de santé s’élèverait à 760 000 euros. Avec l’introduction de la phase 2 des LEZ sur 25 des 78 villes allemandes pratiquant des zones à faible émission, le bénéfice pour la santé s’élèverait désormais à 2,4 millions d’euros. Un chiffre à comparer au coût global pour l’Allemagne de la pollution émise par le transport, évaluée à 15 millions d’euros.
La mise en place de zones à faible émission a également un impact sur le renouvellement du parc automobile
Cependant, l’étude ((Ces données ont été tirées d’un rapport de l’Ademe paru en mars 2018 : « Zones à faible émission à travers l’Europe », goo.gl/Gwdsmw)) précise bien que les bénéfices calculés sont à nuancer en fonction des augmentations éventuelles de PM10 à l’extérieur des LEZ, dues aux effets de contournement.
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Des outils de communication
Enfin, la mise en place de zones à faible émission a également un impact sur le renouvellement du parc automobile. Si le parc roulant ne diminue pas, il évolue vers plus de véhicules récents. Si elle n’est pas un outil suffisant pour réduire significativement la pollution atmosphérique, la zone à faible émission est toutefois un outil intéressant pour faire prendre conscience de l’impact de l’usage d’un véhicule sur la pollution ambiante.
Autrement dit, les LEZ sont tout autant des outils de réduction de la pollution que des outils de communication, qui seront d’autant plus efficaces si elles sont inscrites dans des plans d’actions plus larges.
À Tokyo, une zone efficace
Depuis les années 1970, Tokyo souffrait d’une très forte pollution aux particules fines, notamment due aux véhicules diesel en circulation dans la zone métropolitaine. Pour enrayer le phénomène, le gouvernement métropolitain de Tokyo a instauré des restrictions de circulation pour les véhicules diesel les plus polluants en 2003. Depuis, les poids lourds, camions ou bus, doivent s’équiper d’un système de filtres à particules en retrofit. Une fois équipés, ils sont pourvus d’une vignette indiquant le numéro de l’équipement concerné. S’ils ne sont pas en règle, les contrevenants reçoivent une injonction à équiper leur véhicule d’un dispositif de réduction des émissions. Si cela n’est pas fait, le propriétaire reçoit une amende de 3 700 euros et son nom est rendu public. En parallèle, un programme a été lancé en 2001 pour réduire la teneur en soufre du carburant. Les industriels distribuant du carburant faiblement soufré ont obtenu des subventions, qui ont permis de diminuer largement les teneurs moyennes. Dès 2005, les standards de concentration de PM ont été atteints dans la région de Tokyo, les standards de concentration de NO2 étaient atteints à 50 % en 2005 et à 90 % en 2009. Entre 2002 et 2004, les émissions de PM à Tokyo auraient diminué de 49 %, faisant suite à la mise en place de l’obligation de retrofit ou de non-circulation des véhicules les plus anciens.