Les zones franches urbaines prolongées en 2017… avec contreparties

Stéphane Menu

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Les zones franches urbaines prolongées en 2017… avec contreparties

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Le gouvernement ne devrait pas s’opposer à la prorogation des ZFU jusqu’en 2017. Mais il conditionnerait l’octroi d’exonérations sociales pour les entreprises (Ndlr, 425 M. d’euros en 2011 à l’échelle nationale) à la mobilisation des collectivités territoriales dans l’aménagement des zones concernées (transports, logement, sécurité, etc.). Six d’entre elles sont concernées en Paca.
Pour l’heure, les ZFU n’ont pas d’autre horizon que la fin de l’année 2014, c’est-à-dire demain. François Lamy, ministre de la Ville, avait sollicité, en septembre 2013, l’avis du Conseil économique, social et de l’environnement (Cese) avant de se prononcer. Ledit rapport a été rendu public fin décembre (lire l'entretien d’Éveline Duhamel, rapporteur de l’avis). Épais d’une cinquantaine de pages, il préconise la prorogation des ZFU jusqu’à la fin 2017, date d’une nouvelle évaluation d’un dispositif « refondé ». Le rapport pose deux nouvelles conditions : la modification de la clause d’embauche locale pour renforcer l’accompagnement des salariés et mieux les former au regard des besoins du bassin d’emplois ; la réduction du plafond des exonérations d’impôts sur les bénéfices. Le Cese insiste enfin sur la nécessité d’une gouvernance partagée du dispositif, aujourd’hui généralement confiée aux seules intercommunalités : le président de l’interco, le ou les maires des communes concernées et le préfet seraient chargés de veiller à ce que le dispositif soit réellement opérant, notamment en direction des habitants du quartier. Le sujet est sensible, 425 M. d’euros d’exonérations fiscales ayant été accordées en 2011 aux entreprises concernées.

Lobbying intensif des villes à ZFU

La certitude est inébranlable : les ZFU sont bonnes pour l’économie… Eugène Caselli (PS), président de Marseille Provence Métropole (MPM), ne cesse de le répéter : « Ce dispositif a créé une vraie dynamique dans des secteurs urbains sensibles que les entreprises avaient pris l’habitude de contourner ». Pour lui, « sa » collectivité est déjà mobilisée : « Les investissements qui ont été réalisés ont été essentiels pour dynamiser les quartiers et en faire des zones de prospérité où, pour un euro investi par les collectivités, 6,60 euros d’investissements privés et 1,30 euro de TVA ont été générés ». Les deux zones franches marseillaises profitent aux habitants des quartiers puisqu’ils occupent 60 % des 14 000 emplois créés depuis 1997. Le même satisfecit est formulé par Roland Blum (UMP), premier adjoint à la mairie de Marseille, notamment « la modification du dispositif abaissant le taux obligatoire d’embauche locale à un taux de 25 % ou de 30 % », affirme-t-il. Il espère que cet avis sera suivi par le gouvernement « qui prévoit de fiscaliser les activités hors zone franche des entreprises implantées en ZFU alors que, jusqu’à présent, il suffisait d’employer un salarié à temps complet ou de réaliser 25 % de son chiffre d’affaires en ZFU pour bénéficier des exonérations ». À ses yeux, cette loi, passée en fin d’année, pourrait avoir des conséquences désastreuses sur le plan économique et inciter beaucoup d’entreprises à quitter les ZFU ».
La certitude est inébranlable : les ZFU sont bonnes pour l’économie…

Des résultats probants en PACA

Sur la région PACA, le bilan des ZFU est favorable, à l’exception d’Avignon. À Nice, la zone créée dans le quartier de l’Ariane en 1997 a permis à 1 000 entreprises de s’installer. En 13 ans, 1 600 emplois ont été créés et la part des habitants du quartier dans les nouveaux emplois est de 20 %. Toulon présente la particularité de disposer d’une ZFU en plein centre-ville. 2 859 entreprises sont recensées à ce jour, soit une augmentation de 42 % depuis 2006, date de la création de la ZFU. À la Seyne-sur-Mer, toujours dans le Var, les résultats sont probants : créée en 1997, la zone compte à ce jour 1 300 salariés contre 335 à son lancement.

Le patronat, entre satisfaction et attentisme

Alain Gargani, président de la CGPME des Bouches-du-Rhône, se réjouit de constater que « la mobilisation a payé » ((Les ZFU régionales s’étaient réunies en association face à la menace de leur disparition. Plusieurs maires de droite et de gauche avaient mené un combat commun auprès des représentants des entreprises.)). « Certes, le dispositif est moins attrayant sur le plan fiscal mais il reste un levier important pour dynamiser ces quartiers. De plus, le Cese met l’accent sur l’animation territoriale, ce qui me paraît absolument primordial. La ZFU ne doit pas évoluer en vase clos et tout le monde doit se sentir concerné, des pouvoirs publics aux entreprises. Cette gouvernance intégrée permettra de repérer les faiblesses, notamment en termes de formation des chômeurs du quartier, et d’y remédier au plus vite. Il faut rapidement y intégrer le conseil régional qui, de par sa compétence en matière de formation professionnelle, doit participer de la réussite future du dispositif ».
Le Cese insiste sur la nécessité d’une gouvernance partagée du dispositif, aujourd’hui confiée aux seules intercommunalités.
Autre son de cloche du côté d’Yvan Parades, président de l’UPE (Medef) du Vaucluse : « Je ne conteste pas l’intérêt des zones de revitalisation des entreprises. Mais il ne faudrait pas que les avantages fiscaux accordés installent une forme de concurrence déloyale avec les entreprises installées à l’extérieur desdites zones. Il faut que les entreprises s’engagent clairement sur des contreparties sociales pour justifier de leur régime dérogatoire », assure-t-il. « Par ailleurs, nous constatons sur le terrain que les défiscalisations légales sont souvent ignorées des contrôleurs Urssaf eux-mêmes, ce qui donne lieu à des situations tendues sur le terrain. Actuellement, les contrôles se multiplient dans les ZFU, sous prétexte que les entreprises concernées bénéficient d’avantages. Je préférerais que l’Urssaf fasse preuve de la même détermination auprès des entreprises de construction et de travaux publics qui embauchent des travailleurs détachés en toute illégalité ! », conclut, intempestivement, Yvan Parades.

evelyneduhamel « Une réforme en profondeur » Éveline Duhamel, Membre du Conseil économique, social et de l’environnement (Cese), auteure du rapport sur les ZFU présenté fin décembre. Elle a été précédemment viceprésidente de la CCI de Dieppe (Seine-Maritime). Peut-on parler d’un « oui mais… » du Cese ? Si vous voulez… Il s’agit en effet de réformer en profondeur le dispositif. Porté depuis le 1er janvier 2012 à 50 %, nous considérons que le seuil d’embauche locale est trop élevé, contre-productif et non réaliste. Nous proposons de le ramener à 25 % ou 33 % et de l’assortir d’un accompagnement individualisé des salariés, de la mise en place de formations qualifiantes prenant en compte les besoins des entreprises, ainsi que d’une poursuite en parallèle de l’expérimentation des emplois francs (Ndlr, dispositif actuellement expérimenté par le gouvernement portant directement sur le salarié et non la seule zone géographique). En quoi le renforcement de la gouvernance publique, avec l’introduction du préfet dans le jeu, peut-il changer la donne ? Marseille est un bon exemple d’une ZFU qui marche. Quand je suis venue, j’ai constaté à quel point la synergie entre les pouvoirs publics, les entreprises et le tissu associatif était forte. Au final, les résultats sont là. Là où ça ne marche pas, les ZFU vivent un peu comme des isolats. Leur intégration dans les contrats de ville aura pour effet de les désenclaver. La ZFU est un levier qui doit bénéficier à l’ensemble du territoire concerné. On reproche souvent aux ZFU d’être des machines à exonérer pour professions libérales… J’entends ce reproche. Mais je nous invite à la prudence. Dans beaucoup de zones sensibles, les professions médicales, par exemple, se font très rares. Les ZFU ont permis à des laboratoires, à des kinésithérapeutes, à des médecins généralistes, de s’installer. Certes, ils ne créent pas énormément d’emplois. Mais leur implantation permet au quartier de trouver une solution face à la raréfaction des professions médicales. Dynamique économique et effet levier social sont indissociablement liés.

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