methode coue
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Vous consacrez une préface à Émile Coué. Qu’est-ce qui vous a conduit à vous intéresser à cet auteur et à ses « apports » ?
Autoproclamé coach il y a 27 ans, je suis allé me confronter à une formation de coach professionnel d’entreprise quand celles-ci ont commencé à arriver en France. J’ai alors pu constater que j’utilisais le vocabulaire de Coué et son approche dans mes pratiques. En lisant ou relisant son livre, j’ai constaté combien il avait été précurseur de méthodes de développement personnel connues et reconnues aujourd’hui comme la sophrologie, la PNL (programmation neuro-linguistique), la visualisation créatrice et positive. Des techniques utilisées tant en entreprise que par les sportifs de haut niveau. Par ailleurs, j’ai découvert combien, s’il est souvent moqué en France – mais nul n’est prophète en son pays –, il était connu et reconnu dans le monde entier. Son ouvrage « La maîtrise de soi-même par l’autosuggestion consciente » est le deuxième livre de développement personnel le plus réédité et vendu dans le monde depuis sa première édition. Il talonne « Comment se faire des amis ? » de Dale Carnegie, c’est dire !
Quelle est l’actualité de la méthode Coué aujourd’hui ? Et les limites de cette démarche ?
Entre bonheur au travail, qualité de vie au travail (QVT) l’entreprise découvre combien la performance peut être dépendante d’une ambiance positive venant des collaborateurs et des relations positives entre eux. Nous sommes des champions de l’autosuggestion, malheureusement nos autosuggestions sont souvent inconscientes et négatives : « On n’y arrivera jamais ! », « Les autres sauront faire mieux ou moins cher ! », « On a déjà essayé, cela ne marchera pas ! », autant de formules qui pourrissent l’ambiance dans une équipe. De même pour les performances individuelles. L’utilisation intelligente de la méthode Coué renforce la positivité, pour soi et son entourage, et l’optimisme. Par les temps qui courent, cela devient une nécessité. Cette démarche n’a aucun effet sur celui qui refuse d’y croire. C’est une vision positive de la vie, de l’autre, de soi. Penser que l’on a de la chance, accueillir ce qui vient, en faire quelque chose est une affaire de foi. Ne pas culpabiliser ceux qui vont mal, en prétendant qu’ils en sont responsables, voilà encore une autre limite à la méthode. En entreprise ou en collectivité, son côté positif peut ouvrir de nombreuses perspectives. Bâtir son management sur la confiance plutôt que sur le stress – qui ne cesse de montrer ses limites – je ne pense pas qu’il y ait des limites à cela.
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Quels sont les apports de l’autosuggestion à la pratique managériale d’aujourd’hui ?
La prise de décision est toujours une forme d’autosuggestion. Cet exemple peut paraître caricatural et pourtant, des managers sont capables de dire à leurs collaborateurs des phrases comme : « Il faut que nous pensions à essayer de ne pas… » Le « il faut » n’est pas motivant, ne donne ni envie, ni intérêt à agir ! Le verbe « penser » freine et ne met pas dans l’action ! Le choix d’« essayer » programme l’échec potentiel ! Le « ne pas » fait se focaliser sur ce qui ne va pas au lieu d’ouvrir des perspectives et faire rêver le possible. Je citerai Nicolas Dufourcq, président de la Banque Publique d’Investissement (BPI) interviewé par le journal Capital en mai 2016 ((À lire : http://www.capital.fr/a-la-une/interviews il-faut-terrasser-le-declinisme-a-la-francaise-nicolas-dufourcq-directeur-general-de-bpi-groupe-1125268)). (Le terme « patron » peut être remplacé par « manager »). « La psychologie du patron est importante pour la santé de l’économie ». Pour lui, « c’est même un sujet fondamental. S’il y croit, s’il a confiance, le patron va embaucher, investir ». Nicolas Dufourcq se bat avec la BPI pour « terrasser le dragon de l’amertume qui affaiblit inutilement la France ». Le coût estimé par la BPI de cette « passion triste, typiquement française est d’un point de PIB ! ». Il cite Émile Coué, qui disait qu’« il ne faut jamais analyser son impuissance ». Coué fut le conseiller de Henry Ford alors qu’en France, il fait rire… « Au lieu d’ironiser, on ferait bien de le relire. »
Quelles recommandations de la méthode Coué vous semblent les plus en prise avec la réalité ?
Tout d’abord, se méfier des efforts de volonté trop importants qui peuvent nuire, savoir lâcher prise. Ensuite, supprimer de son vocabulaire les verbes qui nous freinent comme « essayer » « penser » et le temps du conditionnel ! Puis prendre le temps, faire comme le sportif de haut niveau. Comme le skieur fait sa course dans sa tête, un manager peut visualiser sa prise de parole, plus performante et impactante (ou son entretien de recadrage avec un collaborateur). Il faut encore formuler les choses de manière positive. Et enfin, éviter de coller des étiquettes négatives et de formuler des suggestions négatives à ses collaborateurs.
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Quel jugement portez-vous plus largement sur les méthodes managériales d’aujourd’hui ?
Le chapitre d’Émile Coué qui traite de l’éducation des enfants dans « La Maîtrise de soi-même » peut être utilisé dans le management. Il revient notamment à des fondamentaux. Un peu comme la PNL, qui a beaucoup évolué ; les spécialistes de la PNL en sont à la PNL de quatrième, voire de cinquième génération. Revenir à la simplicité et aux fondamentaux devient la meilleure solution. Comme pour le phénomène du « slow » : slow food, slow life, nous allons probablement aller vers le « slow management ». C’est une des formes que l’on retrouve dans les entreprises dites « libérées ».
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EN SAVOIR PLUS
Émile Coué, psychologue et pharmacien français, (1857-1926) est l’auteur d’une méthode de guérison et de développement personnel fondée sur l’autosuggestion. Il a été le précurseur du comportementalisme et de la psychologie positive.
Édition commentée par Luc Teyssier d’Orfeuil, coach, formateur et conférencier, qui dirige Pygmalion Communication, où il propose des formations et du coaching alliant techniques du théâtre et celles de la méthode d’autosuggestion consciente.
À lire : La méthode Coué - La maîtrise de soi-même par l’autosuggestion consciente, Leduc.s éditions, 2016.