Management d'équipe : de la liberté naît l’envie

Gérard Varaldi

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L’enjeu du management, c’est que les équipes produisent plus d’énergie que ne le ferait individuellement chacun de leurs membres. Dans cet objectif, il faut « transformer » les agents en acteurs, en leur donnant une liberté de parole. De cette liberté naîtra la volonté de s’engager au service du collectif. Mais pour cela, il faut travailler sur un facteur essentiel : le relationnel entre les membres de l’équipe.

À l’image du surgénérateur nucléaire, qui produit plus de matière fissile qu’il n’en consomme ((Par transmutation des isotopes fertiles en isotopes fissiles, la fission étant la réaction qui libère l’énergie attendue.)), la fonction managériale sait faire émerger du groupe une ressource très supérieure à la somme de celles qu’apportent individuellement ses membres. À une condition toutefois : savoir les transmuter, les métamorphoser, d’agents en acteurs.

Deux nutriments, essentiels, déterminent ce processus de mutation au cœur du « surgénérateur managérial » : la liberté et l’envie.

La liberté, c’est avant tout celle de l’expression par chacun et de la confrontation avec « l’autre », sans considération de hiérarchie, sans crainte de blessure, de préjudice ou de facticité.

L’envie, c’est celle de s’engager, tout bien pesé, comme on le ferait en « montant à bord », confiant dans la qualité de l’équipage, aussi bien pour faire face aux « coups de tabac » que pour partager équitablement le produit de la quête collective ; même si les contours du rivage à atteindre restent incertains, changeants parfois, l’attrait du voyage subsiste…

Alors même que l’évolution du contexte professionnel et celle des métiers invitent à renforcer ce couple nourricier, le champ de la liberté apparaît bien mal identifié, rétréci, et le moteur de l’envie très ralenti ; un double déficit porteur de régressivité.

Enjeu majeur mais discret : le relationnel

Le contexte de réévaluation profonde – missions, organisation et performance attendues des services – s’accompagne de transformations silencieuses qui font muter les métiers ; leur exercice individuel et souverain disparaît. C’est l’équipe de travail qui produit, par assemblage, et devient garante de la qualité attendue ; le degré de performance décisif, c’est celui du groupe.

C’est l’équipe de travail qui produit, par assemblage, et devient garante de la qualité attendue ; le degré de performance décisif, c’est celui du groupe.

Ce changement de fond dans le contenu « métier » s’accompagne d’une authentique mais très discrète promotion : « le relationnel », au sein des multiples groupes d’appartenance et au-delà d’eux, se situe désormais au rang de ressource stratégique :

- l’usinage de la production, fondé sur des processus de coopération et l’organisation des complémentarités, qui génère spontanément de la conflictualité, appelle une proximité, quasi-complicité, entre les opérateurs  ;

- la diversité, la plasticité et l’intrication, des missions, des statuts, des organigrammes et des outils, créent de la complexité. Elle est source inévitable d’incompréhension, d’erreurs, d’incohérences et de tensions ; leur réduction est avant tout tributaire de la réactivité d’un réseau relationnel, qui sait percevoir, donner l’alerte et contribuer à l’arbitrage de la solution.

L’aléa, certitude du quotidien

Ce contexte crée une situation d’incapacité à modéliser précisément – c’est l’ambition de l’instruction administrative – la situation et l’activité attendue du service ; ses réalités – multiples, mobiles et inter/rétroactives – échappent inéluctablement à la rationalité présupposée. « L’irruption de l’aléa » (expression d’Edgar Morin) devient la certitude du quotidien.

Au final, pour « le service de base », l’imprévisibilité subie et la quête réfléchie de la performance nourrissent la même réalité, exigeante, du quotidien : un entrelacs de liens de réciprocité, qui associe des hommes en équipes « écoutantes » et « apprenantes », capables de mobiliser la volonté et l’expertise de leurs membres au profit du collectif ; un fonctionnement d’équipe, reconnu et institué, qui requiert l’attention et les soutiens actifs/réactifs de « son chef », et au-delà lorsque les circonstances le commandent.

Manager : métier à tisser du relationnel

La qualité du « tissu relationnel » – produit d’une sédimentation lente, fragile – doit tout au soin apporté à sa mise en production, méthodique et constante : promotion/organisation de la liberté de parole au sein du groupe, tamisage, arbitrage et valorisation lisibles de son produit.

La qualité du « tissu relationnel » doit tout au soin apporté à sa mise en production, méthodique et constante.

Ainsi voulu et promu, le couple expression/relation devient non seulement central dans la motricité du groupe, mais également facteur de cohérence et de dynamique pour l’organisation, dans son ensemble, sur le plan fonctionnel, et sur le plan culturel. Producteur naturel de régulation et de questionnement, « le groupe », institué et valorisé, évolue spontanément en pôle d’émulation et d’innovation ; il offre au manager local l’opportunité de nourrir la dialectique du crédit mutuel – la confiance – et d’asseoir son leadership.

La démarche conduite en local, avec l’équipe de travail, le service, trouve son prolongement au sein des différents groupes d’appartenance de leurs membres, notamment les collégialités « métier » ; elles constituent autant d’espaces de confrontation et de validation, des savoir-faire, des attentes et des ambitions.

Le statut de la parole et la qualité du relationnel deviennent des déterminants majeurs pour puiser dans la diversité et la singularité des équipiers.

« Le relationnel » et la liberté d’expression portent une autre dimension qui touche au fort brassage des générations, à l’œuvre au sein des administrations. Au nombre des grands traits partagés par « les entrants récents », on retiendra la spontanéité, la grande licence d’expression, un déclassement de la valeur d’autorité, et un affaiblissement du sentiment d’appartenance ((Par disparition des grands systèmes de polarité, et dispersion des affiliations.)).

Autant de facteurs qui, a priori, créent de l’espace entre « modernes » et « anciens », sur le terrain des valeurs d’essence fédératrice ; la solidarité et la loyauté – la solidarité réduite aux acquis, la loyauté, à l’obéissance due au « chef » – inspirées, « en lecture ancienne », par une vision défensive, un fond de culture de classe, seront portées par une interprétation plus positive en « lecture contemporaine », et une pratique plus réactive…

Ainsi, le statut de la parole et la qualité du relationnel deviennent des déterminants majeurs, non seulement pour faire face à la complexité/mobilité, mais également pour puiser dans la diversité et la singularité des équipiers, un surcroît de capacité et de dynamique porté par le groupe.

Les cadres à l’épicentre
« La mise en culture de la liberté » c’est, de manière décisive, l’affaire des managers locaux, investis de la mission d’interface réactive et productive, entre « le terrain » et l’échelon de direction. Une mission qui se nourrit d’une dialectique entre les différents niveaux de responsabilité – l’équipe, son « chef » et la direction – et prospère à condition de réciprocité totale : chacun des trois ayants droit devient, tour à tour, prescripteur, exécutant ou inspirateur. En promouvant cette plasticité, la hiérarchie ne disparaît pas, elle devient fonctionnelle, permettant à chacun des ayants droit de gagner en satisfaction et sens partagé. À l’épicentre d’un jeu managérial redistribué et densifié, les cadres gagnent en capacité de leadership.

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