Management d'équipe : le leadership marche sur trois pattes

Maurice Thévenet

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Management d'équipe : le leadership marche sur trois pattes

TABOURET

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Le leadership trouve un regain d’intérêt parmi les managers. Ceux qui s’y intéressent le savent, un bon leadership s’appuie sur ses trois jambes : des racines, une boîte à outils, un engagement. Sans ça, tout est bancal.

Article publié le 8 janvier 2014

Depuis au moins trente ans, le leadership est un des thèmes dominants de toutes les formations au management. Toutefois le regain d’intérêt pour cette notion est aujourd’hui sensible : les écoles de management abandonnent la gestion des ressources humaines pour les cours de leadership et les nombreux spécialistes de sociologie et de psychologie qui enseignent dans ces institutions semblent y voir une notion plus valorisante et à la mesure de leur science.

Les historiens du management en trouveront probablement les raisons : il peut s’agir d’une compensation à la dérive d’un management trop absorbé par le maniement des systèmes d’information et autres process en négligeant la dimension humaine du fonctionnement des organisations.


Il peut s’agir aussi d’un avatar d’une approche plus individualiste dans l’air du temps, car, à travers le leadership, c’est à la personnalité des leaders que l’on s’intéresse.
Enfin, c’est peut-être le retour de la bonne vieille théorie du sauveur selon laquelle des personnalités exceptionnelles s’avèrent les seules à même de rétablir une situation difficile.

Les écoles de management abandonnent la gestion des ressources humaines pour les cours de leadership.

Quoi qu’il en soit, la notion est suffisamment établie pour qu’un minimum d’enseignements puissent aider ceux qui s’y intéressent. Chaque lecteur peut avoir sa théorie du leadership, fondée sur ses lectures, expériences ou affinités anthropologiques. Il devrait au moins se retrouver sur l’idée d’un trépied. Le leadership marche sur trois pieds et la seule absence de l’un des deux rend la progression hasardeuse, en tout cas inefficace.

Ces trois pieds renvoient à trois natures du leadership : premièrement, il n’est pas hors-sol, deuxièmement, il requiert une boîte à outils, troisièmement, il exige un engagement personnel.

Le leadership n’est pas hors-sol

La figure du leader ressortit souvent à cette volonté de personnaliser le fonctionnement des organisations ; elle complète alors celle du décideur, de l’éminence grise, du détenteur de pouvoir. Le leader inspirerait, entraînerait les autres à le suivre grâce à ses qualités et son génie propre, comme une sorte de Lucky Luke ?

Non, le leader agit dans le cadre d’une institution, avec ses finalités et sa culture, dans le cadre d’un jeu politique. Il n’existe pas seulement vis-à-vis de ceux qu’il veut conduire mais aussi avec toutes les composantes de l’institution dans laquelle il dirige son équipe.

Ainsi, le leader n’a pas comme seul but d’entraîner une équipe, il doit permettre à celle-ci d’évoluer dans le contexte parfois complexe d’organisations matricielles, transversales où le seul dynamisme de l’équipe ne suffit pas à faire réussir. Le leader est père et pair. Père (disons parent) vis-à-vis de ceux qu’il entraîne, mais aussi collègue politiquement habile pour mener à bien ses actions.

Il est simpliste de considérer qu’il existe des leaders tout-terrain, partout capables d’exercer un leadership efficace.

C’est une vue simpliste de considérer qu’il existe des leaders tout-terrain, partout capables d’exercer un leadership efficace. Comme il y a les généraux de guerre et ceux de paix, il y a les leaders pour situation de crise ou pour étape d’exécution, il y a ceux des structures hiérarchiques ou matricielles, il y a ceux d’entreprises individualistes et ceux d’entreprises au sens plus collectif.

Le leader et sa boîte à outils

Notre président s’est injustement fait railler en évoquant la boîte à outils pour décrire sa politique. La moquerie tient à banaliser, voire négliger, l’importance des outils, surtout en matière de leadership. Comme s’il suffisait d’être inspiré, animé d’un charisme ou de qualités ésotériques pour diriger, comme si les outils n’étaient réservés qu’aux faux leaders, les mal nés.


Le leader a besoin d’outils
, pour analyser des situations, résoudre des conflits, communiquer ou positionner son action. Les grands artistes ont longuement travaillé leurs outils avant de laisser aller leur intuition et leur créativité. Il en va de même pour les leaders.

Les grands artistes ont longuement travaillé leurs outils avant de laisser aller leur intuition et leur créativité. Il en va de même pour les leaders.

Le problème n’est donc pas la nécessité d’une boîte à outils, tous les leaders en ont une. Il est plutôt de savoir se servir de ces outils à bon escient, sans se laisser dominer par eux, en sachant précisément ce qu’ils peuvent en faire ou ce à quoi ils sont inutiles.

Les vraies formations au leadership permettent de pratiquer les outils, elles ne délivrent pas une sociologie du sujet, quand ce n’est pas la fameuse et facile analyse critique. L’oublier, c’est croire que la vérité réside dans la connaissance alors qu’elle ne surgit que de l’expérience.

Le leader et son engagement

Le leadership exige un engagement personnel. Il n’est pas fait que des techniques, et pas plus l’emprunt plus ou moins élégant d’un modèle inapproprié. Le leader habite sa mission, avec son intelligence, son physique, son intelligence émotionnelle et sa capacité d’attention. Les dernières théories du leadership insistent sur un leadership total où la personne dans toutes ses dimensions, y compris spirituelle, devrait être engagée dans sa mission.

Ceci ne relève pas que du constat banal ; l’engagement a des implications en matière d’apprentissage mais aussi de volonté personnelle. Chacun peut rêver d’être un leader, beaucoup moins peuvent suivre l’apprentissage et la maturation pour réellement le devenir, à moins d’être des leaders à un coup, des leaders de cour ou des leaders de cours. Les premiers ne survivent pas, les seconds paradent et les troisièmes théorisent.

Le problème du trépied

Le problème est évidemment de perdre l’équilibre quand un de ses pieds est négligé.

C’est ce qui arrive quand on oublie le contexte de l’organisation : c’est souvent le cas quand un tel effort a été mis  dans la construction des équipes que le leader se sent plus loyal vis-à-vis de ses équipes que de l’institution à laquelle elles sont censées contribuer. Le mode de fonctionnement actuel par équipes renforce ce risque, tout comme l’éloignement entre les niveaux de management qui pousse des leaders à retrouver auprès de leurs équipes le réconfort qu’ils n’obtiennent plus de leurs propres managers.

L’éloignement entre les niveaux de management pousse des leaders à retrouver auprès de leurs équipes le réconfort qu’ils n’obtiennent plus de leurs propres managers.

Le deuxième problème d’équilibre survient quand on oublie la boîte à outils. C’est ce qui arrive aujourd’hui quand une mauvaise utilisation des outils nombreux de communication crée de l‘inefficacité et de la souffrance. La plupart des mauvaises utilisations des outils de communication ne relèvent pas de la mauvaise intention mais le plus souvent de l’ignorance. Il est dommage que l’on oublie de se former au fur et à mesure que l’on progresse dans une hiérarchie comme si la reconnaissance valait connaissance.

Enfin, le troisième pied de l’engagement personnel peut aussi manquer. C’est le cas lorsque les leaders n’ont pas la maturité psychologique ou émotionnelle pour tenir leur position, quand ils n’ont pas appris à prendre du recul en se laissant abandonner aux enthousiasmes comme aux dépressions, quand ils n’ont pas appris que la relation à l’autre les engageait, quand ils ne savent repérer chez l’autre l’effet de leurs propres comportements, aveuglés par leurs intentions, trop confiants dans les bas outils d’influence qu’ils prennent pour un art maîtrisé.

Marcher sur trois pieds peut s’apprendre mais, là encore, il peut y avoir quelques illusions liées à cet apprentissage. La première serait de négliger le rôle des organisations pour le faciliter. Est-ce que celles-ci savent valoriser, récompenser, orienter l’apprentissage de chacun de ces pieds en ne se limitant pas au deuxième ? La seconde serait d’oublier que le premier acteur de cet apprentissage est le leader lui-même, pour autant qu’il ait eu la volonté et les modèles pour le faire. Cette volonté ne peut se réduire à la seule motivation pour le pouvoir, les modèles ne doivent pas résider seulement dans les héros de bande dessinée managériale.

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