Fourmis_petits_chefs
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On peut, sans grand risque d’erreur, qualifier tout Français moyen de plus de quarante ans de Monsieur [ou Madame, d'ailleurs] le Président : président de séance, président du Rotary, président d’association de parents d’élèves, président des pêcheurs à la ligne, président de la communauté de communes, etc.
Il est vrai que chacun d’entre nous a été et sera quelque part et quelque temps « chef » de quelque chose : chef de section, chef de classe, chef de projet, chef de service, chef de bureau, chef de gare, chef de musique ou chef de famille.
Le mot « chef » est parfois mal perçu. On le remplace par dirigeant, animateur, délégué, responsable, manager ou directeur.
Néanmoins, une réalité demeure : il y a pléthore de chefs, mais peu de chefs authentiques. En revanche, il est une espèce qui pullule, celle des « petits chefs ». Ils ont tous les âges, toutes les tailles et tous les sexes, mais un signe particulier les caractérise : ils aiment faire sentir leur autorité. On les voit beaucoup dans les familles, mais c’est surtout dans les entreprises et les bureaux que sévissent les « petits chefs ». Extra-souples avec leurs supérieurs, adroits avec leurs égaux, ils sont rigides et tatillons avec leurs subordonnés. Ils ne disent jamais bonjour les premiers.
Ils sont d’autant plus chefs qu’ils sont insignifiants. D’autant plus jaloux de leur pouvoir qu’ils sont conscients de leur médiocrité.
Ils attendent qu’on vienne les saluer. Ils estiment tout compliment mérité et tirent un délicat plaisir à faire le maximum de remarques à ceux qu’ils considèrent comme leurs sous-ordres. Ils veulent être au courant de tout. Ils « pondent » des circulaires avec délectation, accordent des permissions avec clémence et signent des bons avec minutie.
Surtout, ils font de la rétention d’information et évitent d’associer les personnes. Ils distribuent le travail et organisent les tâches dans les moindres détails.
Ils sont les « chefs ». Ils sont d’autant plus chefs qu’ils sont insignifiants. D’autant plus jaloux de leur pouvoir qu’ils sont conscients de leur médiocrité. Ils n’ont jamais eu les qualités suffisantes pour être naturellement estimés et cela les contraint à maintenir les personnes dans la dépendance. Les petits chefs, évidemment, ce sont les autres. Mais qui n’a jamais perçu, un jour ou l’autre, dans le regard de son conjoint, de ses enfants ou de ses collaborateurs ou collègues, cette lueur amusée qui ramène le petit chef à l’humour naissant et à la modestie ?
Un critère en tout cas permet de vérifier si l’on n’est pas devenu un petit chef : la volonté d’encourager autour de soi l’initiative, la responsabilité et l’autonomie.