medelin
Qu’une des villes considérées, il y a peu, comme l’une des moins sûres au monde soit montrée en exemple a de quoi surprendre. Pourtant, Medellín mérite largement l’attention des acteurs de la ville, qu’ils vivent dans l’hémisphère nord ou sud.
La Colombie est l’un des dix pays les plus inégalitaires au monde. Guerre civile, narcotrafiquants… le quotidien des habitants n’a rien d’un long fleuve tranquille. Medellín était même le point de crispation du pays. Il y a trente ans, elle décrochait la palme de la ville la plus dangereuse au monde : les autorités étaient infiltrées par les mafias, le crime organisé et la cocaïne régentaient les quartiers et Pablo Escobar, considéré comme le narcotrafiquant le plus puissant de tous les temps, semait la terreur.
En 1990, l’armée intervient pour démanteler le cartel ; en 1991, le taux d’homicides atteint un record, 381 pour 100 000 habitants. Aujourd’hui, il avoisine les 50, après avoir chuté jusqu’à 26 pour 100 000 en 2007, taux le plus bas à ce jour.
Une population à bout de nerfs, de nouvelles élites locales
Des conditions extrêmes, mais une population à bout de nerfs, révoltée, entraînée par les élites locales, est parvenue à se soulever et à faire changer le cap de la ville.
En 2003, un charismatique professeur de maths qui évolue loin des sphères politico-mafieuses locales parvient à se hisser au rang de maire. Dès son arrivée, Sergio Fajardo signe le début d’une nouvelle ère. Entouré d’une équipe de jeunes intellectuels choisis loin du sérail, il met en place un projet qui ne tient pas uniquement sur la répression comme moyen de gagner en sécurité. Son pari : parvenir à un meilleur résultat en injectant culture et urbanisme dans tous les quartiers, surtout les barrios qui entourent le centre, ces quartiers enclavés sur les collines, construits par les habitants les plus pauvres, sans plan d’ensemble, ni ouverture sur le reste de la ville.
La ville démontre qu’une volonté politique bien orchestrée peut changer les rapports sociaux grâce au développement d’infrastructures adaptées, et avec la participation de la population.
La nouvelle équipe municipale consacre un peu plus de 40 % de son budget d’1,5 milliard de dollars à l’éducation et à la culture. En sept ans, 135 écoles sont rénovées et huit bibliothèques créées. Sans s’arrêter au contenu des bâtiments, un soin tout particulier est également apporté aux enveloppes : l’architecture de ces nouveaux sites est innovante, marquante, un véritable symbole du renouveau. Les infrastructures comptent bien souvent, en plus de la bibliothèque, des crèches, centres sociaux et lieux de convivialité où les habitants peuvent se retrouver.
Pour les enfants de l’école publique, une « journée complémentaire » est créée : après l’école, ils peuvent participer à des activités culturelles, des ateliers de robotique, des cours de langue. Il s’agit de les cadrer pour éviter de les rendre à la rue une fois les cours terminés.
100 % public, 100 % exemplaire
En parallèle, pour désenclaver ces quartiers, l’accent est mis sur le réseau de transports publics. Le métro existant est étendu et, pour atteindre les collines, la ville aménage les « Métrocâbles », un système de télécabines. C’est un changement radical pour les habitants : d’un coup, le centre-ville, où se trouvent les emplois, est accessible en moins de quinze minutes au lieu de plus d’une heure auparavant.
La nouvelle équipe municipale consacre un peu plus de 40 % de son budget d’1,5 milliard de dollars à l’éducation et à la culture.
Tous les projets d’aménagement ont inclus les habitants dans le processus de décision. Une méthode pour les inciter à reprendre en main leurs quartiers, à participer au changement et à ne plus les laisser entre les griffes des mafias locales.
Mais d’où vient l’argent qui a permis de tels changements ? La ville dispose de longue date d’un trésor inestimable : l’entreprise publique EPM qu’elle contrôle à 100 %, fournisseur d’électricité, de gaz, d’eau et de télécommunications.
En gage de sa bonne gestion, mais aussi du barrage fait à la corruption depuis une douzaine d’années, la mairie brandit la note maximale attribuée par Moody’s, qui récompense la rigueur de sa gestion fiscale et sa dette quasi nulle. Dans le cas de Medellín, il semblerait que seule la volonté politique manquait pour parvenir à plus d’équité entre les quartiers…
Le Forum urbain mondial pour changer la ville
Au printemps 2014, les acteurs de l’urbanisme se réunissaient à Medellín pour le 7e Forum urbain mondial, dont le thème était « L’aménagement urbain équitable – des villes pour la vie ». Une occasion unique pour la ville de démontrer devant un aréopage de spécialistes, qu’une volonté politique bien orchestrée est en mesure de changer les rapports sociaux, grâce au développement d’infrastructures adaptées et avec la participation de la population dans le processus de décision. Depuis 2002, le FUM se réunit tous les deux ans, attirant une large palette d’acteurs de l’urbain : ONG, élus locaux, entreprises privées, chercheurs, professionnels, enseignants, activistes… Depuis la crise mondiale déclenchée dans les années 2010 par la politique de l’habitat des États-Unis, une nouvelle approche a été choisie pour ces rencontres : étudier des solutions applicables dans le monde entier. Un slogan est né à cette époque, « I’m a city changer », qui renvoie chacun à la responsabilité d’un changement nécessaire. De cette crise est également né un manifeste, « The city we need »*, qui inscrit la ville comme pivot du développement durable, socialement inclusive, planifiée, régénérative, sûre, équitable et gérée à un niveau métropolitain.
*http://unhabitat.org/urban-thinkers-the-city-we-need/(en anglais)
Habitat III, rendez-vous incontournable en 2016
2016 sera l’année de la conférence Habitat III, organisée par Onu-Habitat, le programme des Nations unies pour transformer les villes en lieux plus sûrs, plus sains et plus verts où chacun peut vivre dans la dignité. Quelque 22 000 participants sont attendus à cet événement dont le thème est « le développement urbain durable : le futur de l’urbanisation ».
La conférence Habitat III compte pousser les pays à adopter un nouvel agenda urbain selon les principes suivants, qui figurent dans la déclaration finale de Medellín :
- faire adopter par chaque pays une politique nationale urbaine (actuellement, seuls une vingtaine de pays dans le monde ont adopté une loi sur la ville et l’urbanisation. En France, la loi SRU ne traite qu’une partie du sujet) ;
- s’appuyer sur les populations les plus vulnérables pour promouvoir la cohésion sociale ;
- impliquer toutes les parties prenantes dans la gouvernance urbaine, notamment les femmes, les jeunes, les personnes en situation de handicap et toutes les minorités ;
- renouveler les méthodes de planification urbaine, participatives et orientées vers le développement durable ;
- associer tous les acteurs privés à la production et à la gestion des villes.