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Atkinson fait mouche avec un ouvrage accessible et concret. L’analyse débute par un retour sur ces inégalités de revenu et de richesse qui, partout ou presque, inquiètent. Sans équation indigeste, l’économiste rappelle que le monde, en particulier dans la zone OCDE, a connu un tassement des inégalités, de la Seconde guerre mondiale aux années 1970.
Il signale un « tournant vers l’inégalité » dans les années 1980, même s’il n’a pas concerné tout le monde, l’Amérique latine en particulier. Et la France se singularise bien davantage par le maintien des disparités que par leur explosion.
Dans une volonté de réconcilier équité et efficience, l’auteur avance un paquet de quinze recommandations qui font la saveur de son analyse.
Des propositions fortes…
Parmi ses propositions, qui font système, certaines vont bien au-delà des outils sociofiscaux. Ainsi Atkinson plaide-t-il pour des politiques publiques plus favorables à l’innovation et à l’employabilité. D’un point de vue institutionnel, sans citer ici le cas français, il invite à créer des « conseils économiques et sociaux » pour faire vivre le dialogue social.
C’est assurément lorsqu’il s’agit des instruments de la redistribution qu’il est le plus innovant. Favorable à la progressivité de la fiscalité, il place à 65 % le taux marginal d’imposition sur les revenus.
En relisant les formulations de Prix Nobel aussi divergents que Milton Friedman et James Tobin, Atkinson envisage un « revenu de participation » complémentant la protection sociale.
Plus inventif, il envisage la création d’une dotation en capital versée à tous, au moment de la majorité, en tant qu’héritage minimum attribué à tous les jeunes. Une telle dotation serait financée par une taxation plus élevée des successions, legs, dons et donations reçus au cours de sa vie.
Attaché aux prestations universelles plutôt que sous condition de ressource, Atkinson préconise des allocations familiales généreuses, dès le premier enfant, et soumises à l’imposition. Il se méfie du revenu dit universel ou de citoyenneté, en relisant les formulations de Prix Nobel aussi divergents que Milton Friedman et James Tobin, mais envisage un « revenu de participation » complémentant la protection sociale.
En matière de développement, il invite à passer le niveau de l’aide publique internationale à 1 % du PIB des pays riches (ce, soit dit en passant, alors qu’elle n’atteint pas encore le 0,7 % envisagé).
… versées au débat pour agir
Bien entendu, toutes ces recommandations et suggestions feront réagir. Imprimées à cet effet, et accompagnées des premières réponses aux objections qu’elles ne manqueront pas de susciter (« pas les moyens », « impossibilité politique », « douce utopie », « dangereux égalitarisme », etc.), elles sont étudiées avec rigueur et conviction. La rigueur d’un Atkinson qui est l’un des plus grands experts des bases de données sur ces questions sociales.
La conviction d’un auteur qui n’accepte pas la supposée inéluctabilité de la croissance démesurée des inégalités. Et qui rétorque que c’est pendant une première période de mondialisation que se sont constitués les États-providence. À ces derniers, donc, de s’adapter au nouveau contexte économique, aux nouvelles formes d’emploi et de croissance. Atkinson nous offre, en tout cas, une pièce majeure qui prolonge et complète les travaux et débats autour de Piketty (qui préface la version française de cet ouvrage majeur).
Anthony Atkinson, Inégalités, Seuil, 2015, 446 pages.
Extraits
« Je ne cherche pas à éliminer toute différence dans les résultats économiques. Je ne vise pas l’égalité totale. De fait, certaines de ces différences peuvent être tout à fait justifiables. »
« La politique de lutte contre l’inégalité et la pauvreté ne peut pas être déléguée à un seul ministère, à une seule direction générale de la Commission européenne, à une seule agence des Nations unies. »
« Il faut l’envie d’agir, donc une impulsion politique. »