Nouveau maire : tous les coups sont-ils permis ?

Patrick Martin-Genier

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Nouveau maire : tous les coups sont-ils permis ?

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À nouvelles élections, nouvelles équipes… et maires « neufs » qui arrivent au pouvoir. Parmi eux, des femmes et des hommes longtemps dans l’opposition et qui « piafferont » d’impatience d’exercer leurs nouvelles responsabilités. Et la tentation sera grande de croire que tout est permis avec leurs équipes et leur administration. Ce qui n’est évidemment pas le cas dans un État de droit…
Le maire d’aujourd’hui se définit clairement comme un patron, un chef d’entreprise, qui exerce un pouvoir hiérarchique sur tous les agents. C’est normal : il est, aux termes du CGCT, le « seul chargé de l’administration ». Il est à la fois le patron politique de la municipalité et le chef hiérarchique de tous les agents.Les premiers gestes des nouveaux élus sont à la fois caractéristiques de leur comportement, de leur trait de caractère, mais aussi de leur façon de manager les équipes.

Le nouveau maire : expéditif ou prudent ?

Une fois installé, le maire est donc aux commandes et sa première mission, en lien avec l’équipe administrative encore en place, (sauf le cabinet qui disparaît avec l’ancienne équipe), est de mettre en place la nouvelle municipalité. Ce premier point exige un travail de réflexion et de préparation : certains nouveaux maires sont ainsi hostiles, même si cela peut surprendre, à ce que leurs adjoints disposent d’une délégation de signature, ce qui constitue un premier signe dans le sens d’une concentration excessive du pouvoir…À cet égard, le maire doit se reposer sur l’expérience de son DGS. Mais les rapports, on le sait, sont parfois très conflictuels. Ainsi, un DGS très politique qui ne devrait sa place qu’à sa proximité politique avec l’ancien maire d’une étiquette opposée, voire de la même étiquette d’ailleurs lorsqu’il existe une guerre fratricide entre clans d’une même majorité politique, n’a guère de chance de passer le cap des soixante-douze heures en mairie. Soit le DG ne sera pas en phase avec le nouveau maire et il partira de lui-même, soit le nouveau maire, peu regardant sur la légalité de décisions considérées comme politiques, déchargera le DG de ses fonctions en mettant un terme à son détachement, sans même attendre le délai de six mois prévu par l’article 53 de la loi n° 84-53 du 29 janvier 1984 (sauf si le DG a été recruté par la voie du recrutement direct en vertu de l’article 47 de la même loi). Il peut en aller ainsi pour tous les emplois dits « fonctionnels » pour les DGA et DST/DGST.

La remise en cause systématique des décisions de l’ancienne municipalité

La tentation sera donc de « décapiter » la direction administrative de la commune, et cela peut être contre-productif. Il ne faut pas oublier que dans ce cas, la collectivité doit prendre en charge le salaire du cadre supérieur concerné si celui-ci a demandé à rester en surnombre dans un premier temps, avant d’être remis à disposition du CNFPT. Les finances de la collectivité peuvent en être affectées durablement.L’autre tentation est bien sûr d’embaucher des amis politiques. À cet égard, si le principe de libre administration des collectivités locales autorise le maire à recruter qui il veut, il ne doit pas oublier qu’il reste sous la « surveillance » du préfet qui exerce un contrôle de légalité. Ainsi, il ne pourrait pas recruter un membre de cabinet en le rémunérant au-delà des limites prévues par le décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 relatif aux emplois de cabinet… Il faut en outre savoir que, si les préfets exercent souvent un contrôle de légalité par sondages, il est évident que certaines équipes seront particulièrement dans le viseur des préfets sur ordre du gouvernement et en particulier du ministre de l’Intérieur, notamment les maires Front national. Parmi les autres tentations que pourrait avoir le maire, celle de remettre en cause un certain nombre de décisions prises par l’ancien maire.

Le « fait du prince »

Un maire peut-il rompre un contrat unilatéralement au nom d’une décision purement politique, ce que l’on pourrait appeler le « fait du prince » ? Un patron peut en effet prendre les décisions qu’il souhaite, pourvu qu’il les fasse valider par le conseil municipal lorsque cette instance avait elle-même autorisé le maire à prendre la décision initiale.Ainsi en va-t-il pour tous les contrats de la collectivité, en particulier les contrats de droit public, notamment les marchés publics et délégations de service public. Mais le pari est très risqué. Rompre un contrat unilatéralement (pour la reprise en gestion directe d’un service par exemple) peut coûter très cher à la collectivité dès lors que le co-contractant de la collectivité, qui n’aura commis aucune faute, ira sans hésiter devant le juge administratif, soit pour enjoindre à la collectivité de reprendre la poursuite du contrat, soit pour l’indemniser de l’intégralité du préjudice financier subi, c’est-à-dire le manque à gagner jusqu’aux termes du contrat (CE, 21 mars 2001, commune de Béziers n° 304806).Enfin, au nom d’un principe émergent dit de « sécurité juridique », il n’est pas de bonne administration de vouloir tout bouleverser d’un coup : plan local d’urbanisme, aides sociales, taxes et impôts locaux… Au moment où la diète financière des collectivités locales est annoncée, la prudence s’impose plus que jamais…

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