tourisme_carte_enfant
© Alexandr Vasilyev
Comment structurer son office de tourisme ? Le plus commode est de choisir selon une entrée juridique, surtout depuis la loi du 13 août 2004 libérant les offices de toute forme juridique obligatoire. Au point que, par exemple, une grande ville envisage carrément de supprimer son office de tourisme et de le remplacer par un service de l’EPCI à fiscalité propre.
Faire avec le secteur privé
Mais ces choix juridiques doivent, avant tout, résulter de l’analyse que l’on fait du rôle des acteurs privés. Ainsi à Chantilly, la CC de l’Aire cantilienne a décidé de rester en association pour son office de tourisme. Cette communauté, présidée par Éric Woerth, a tiré les conséquences logiques d’une situation particulière : c’est déjà un GIP, présidé par son altesse l’Aga Khan, qui veille aux destinées des grands équipements équestres et historiques du territoire. Les hôtels sont puissants et peu nombreux… il suffisait que la personne publique assure par l’office de tourisme un outil qui fasse coopérer ces acteurs, pour que l’ensemble produise une dynamique saluée par la profession. Un EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) aurait au contraire risqué de rigidifier la créativité de l’office.
Francis Vogt, Président de la communauté de communes de Bitche et environs : Bitche : une gestion à deux niveaux
Le tourisme domaine est un axe majeur du développement de notre territoire, avec une fréquentation française, mais aussi allemande. Notre territoire abonde en tourisme militaire et patrimonial (Simserhof/ligne Maginot, Citadelle de Bitche…), en écomusées (Musée du Sabotier à Soucht), en art verrier (le célèbre Centre international d’art verrier) ou naturel. C’est une partie importante de notre identité mais aussi de nos emplois, de notre économie. Nos efforts, avant la fusion de nos trois communautés, étaient dispersés, ce qui était préjudiciable à ce développement. Nous avons donc créé un office de tourisme communautaire sous la forme d’un EPIC, pour lui donner de l’autonomie, du professionnalisme et de l’efficacité, et pour structurer les efforts, auparavant très dispersés, des efforts des acteurs privés de ces filières.
Mais très vite, cela est apparu insuffisant : les sites devaient pouvoir être gérés en lien avec la communauté mais sans perdre leur autonomie ni leur efficacité. Et il y avait un bien plus précieux encore à préserver : le lien, fort, tissé au fil des ans, entre ces sites et les élus des communes qui avaient porté ces équipements. Chaque site est donc géré avec une forte autonomie, avec présence des élus (même non élus communautaires) des communes concernées.
Ainsi quand vous visitez un de ces sites, vous êtes dans un espace communautaire, avec des économies d’échelle, avec des offres commerciales à l’échelle du territoire intercommunal… mais avec une autonomie de gestion et un ancrage dans les communes évitant de rigidifier l’ensemble.
Le choix de l’EPIC ou de la SPL
Inversement, nombre d’offices associatifs sont marqués par une vision aimablement bénévole du tourisme, mais irrémédiablement datée. Dans certains cas, ce n’est pas bien grave. Mais pour les territoires en mal de vraie redynamisation touristique, de mise en réseau des acteurs, de développement de produits ou de partenariats, cela peut se révéler catastrophique. Le passage en EPIC ou en SPL peut alors permettre qu’il y ait un pilote à bord.
À la condition que ce soit un vrai professionnel du tourisme et que les choix reflètent une stratégie mûrement réfléchie pour le territoire. Avec des paramètres de choix complexes entre SPL et EPIC (TVA, rigidités ou non du passage par la comptabilité publique, autonomie du directeur…). Sur d’autres territoires, on renonce au tourisme ou à l’action touristique.
Parfois par le dédain illustré par la célèbre phrase de Jean Mistler pour qui « Le tourisme est l’industrie qui consiste à transporter des gens qui seraient mieux chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux ». Mais qui, aujourd’hui, peut se permettre de ne pas agir sur l’identité de son territoire et sur une filière de développement économique à fort taux d’emplois ?
Christian Bonin, Directeur opérationnel de la SPL Hermitage-Tournonais : Pourquoi une SPL ?
Au 1er janvier 2014, les deux communautés de communes du Tournonais et de l’Hermitage ont fusionné. Les deux offices de tourisme intercommunaux de l’Hermitage et du Tournonais, associatifs, ont fait de même. La volonté des élus communautaires actée dans le cadre du schéma de développement touristique a été de disposer d’un pouvoir fort pour mettre en place la politique touristique souhaitée pour le territoire et ses acteurs socioprofessionnels.
Dès lors, la structure associative ne correspondait plus aux attentes. Après de nombreuses rencontres et l’analyse des deux types de fonctionnement et compte tenu de notre territoire, la forme en SPL a semblé plus appropriée. Le choix de la SPL a été avant tout dicté par la réactivité nécessaire au fort développement de notre territoire. Nous vivons actuellement une rapide transformation du paysage touristique Hermitage-Tournonais avec de nouveaux acteurs comme la Cité du chocolat, le Train de l’Ardèche, les croisiéristes, un impact de plus en plus marqué de l’œunotourisme et d’axes structurants comme la ViaRhona. Ces éléments nous ont conduits à devoir être en adéquation avec ces rapides évolutions et nous rapprocher du monde des socioprofessionnels.
Nous devons pouvoir agir conjointement avec des modes opératoires relativement similaires, chose difficile dans le cadre d’un EPIC. L’EPIC est soumis à une comptabilité publique et une partie administrative importante souvent peu compatible avec la réactivité marketing et commerciale et les nouvelles tendances de consommation « dernière minute »… Les missions marketing et l’adaptation des outils numériques à toutes les étapes de la démarche du touriste ne cessent de croître au détriment de l’accueil physique dans les offices.
L’enjeu est bien de fédérer, d’animer, d’associer le monde des professionnels du tourisme, les acteurs importants comme plus petites unités pour faire émerger notre destination touristique.
Afficher la création d’une SPL est déjà une première étape positive en direction des socioprofessionnels. La structure ne fait pas le projet, mais la structure ne doit pas être un frein. La grande différence entre ces deux formes juridiques est aussi que l’une, la SPL, s’est imposée comme plus adaptée et plus ouverte en termes de possibilités pour l’avenir : souplesse pour la commercialisation, organisation de manifestations…