photo_2019-01-14_14-24-31 copie
© DR
MINI CV
Marie-Christine Verdier-Jouclas est députée La République en marche du Tarn. Membre de la commission des finances, elle est rapporteure de la proposition de loi, adoptée le 16 septembre 2020 par l’Assemblée nationale, relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Depuis janvier 2019, elle est porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée nationale.
Les 107 députés présents dans l’hémicycle ont adopté, à l’unanimité, la proposition de loi que vous aviez déposée un mois plus tôt. Au-delà de cette extension, la loi prévoit-elle d’autres ajustements ?
Nous avons acté la suppression de la tutelle de Pôle emploi sur le dispositif dont l’agrément obligatoire préalable aux embauches conditionnait, dans la première version de Territoires zéro chômeur, le versement des aides de l’État. En effet, il n’y avait pas de raison de ne pas croire ce que nous disaient les acteurs locaux intéressés, au sein du comité local chargé du suivi de la mise en œuvre du dispositif. Il leur revient de valider que les activités proposées par les chômeurs de longue durée, du type garages solidaires ou recycleries, n’entrent pas en concurrence avec les activités existantes sur le même territoire. Par ailleurs, nous avons souhaité renforcer la complémentarité de l’outil avec d’autres dispositifs préexistants : chantier d’insertion, insertion par l’activité économique…
« Les salaires sont financés par une réaffectation des montants liés aux coûts du chômage »
Chaque fois que ce sera possible, les entreprises à but d’emploi (EBE), qui accueillent les chômeurs de longue durée, s’adosseront à ces structures suscitées. Autre nouveauté : les départements seront dans l’obligation d’abonder, avec l’État, le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Et bien entendu, d’autres collectivités territoriales sont invitées à prendre part au dispositif.
À lire aussi : Bilan positif pour les « Territoires zéro chômeur de longue durée »
Quel bilan tirez-vous de la première expérimentation, en cours (2016-2021) ?
Treize entreprises à but d’emploi (EBE) ont été créées dans dix territoires et près de 1 000 personnes ont été embauchées en CDI, au Smic et à temps choisi, et ce pour réaliser des travaux utiles mais peu rentables pour une entreprise « classique ». Les salaires sont financés par une réaffectation des montants liés aux coûts du chômage (indemnités, RSA, autres minima sociaux…). Depuis 2017, 1 112 personnes sont sorties de la privation d’emploi, directement (770) ou indirectement. Le dispositif a été amélioré aussi en matière de formation, via l’accès au Plan d’investissement compétences pour les EBE.
« Il faut prendre en compte les externalités positives, comme les conséquences bénéfiques »
Deux rapports de l’Igas et de l’IGF, publiés fin 2019, insistent sur le coût important du dispositif, de l’ordre de 25 000 euros par personne aidée. Face à cet argument, vous opposez une évaluation qualitative de l’outil…
Se contenter du seul paramètre financier ne peut suffire. Il faut prendre en compte les externalités positives, comme les conséquences bénéfiques du travail des parents, la scolarité des enfants, la santé de la famille, etc. Je préfère m’appuyer sur le rapport intermédiaire réalisé par le comité scientifique chargé de veiller à la bonne application du dispositif, paru en novembre 2019, et qui table plutôt sur un coût annuel de 18 000 euros pour chaque emploi créé en EBE.
« Tous les dossiers bien ficelés recevront le feu vert »
À lire aussi : La distribution des CDI commence dans les « Territoires zéro chômage »
La députée Anne-Laurence Petel (LREM, Bouches-du-Rhône) aurait souhaité que les 120 dossiers de candidature en attente soient retenus. On en restera à 60 territoires…
Certains territoires ont le souhait de franchir le pas mais le dossier n’est pas encore suffisamment mûr. Mais la ministre du Travail, Élizabeth Borne, a été claire : tous les dossiers bien ficelés recevront le feu vert, quand bien même le seuil des 60 territoires serait dépassé.
« L’essentiel est de disposer d’un maximum d’outils pour permettre à ceux qui le souhaitent de repartir du bon pied »
Les rapports de l’Igas et de l’IGF pointaient par ailleurs la crainte des salariés d’être estampillés « emplois aidés »…
Certains emplois francs ressentent aussi les mêmes craintes. L’essentiel est de disposer d’un maximum d’outils pour permettre à ceux qui le souhaitent de repartir du bon pied. Les EBE peuvent accueillir en moyenne entre 80 et 90 salariés. Tout part de la personne. Réhabilité dans sa dignité sociale, le salarié va s’impliquer, se motiver pour se former, pour avancer dans sa carrière. Rien n’est figé. On part de lui, ce qu’il veut faire et qui est en correspondance avec des dispositions qu’il ignorait. Quand il trouve sa voie, il repart de l’avant. Je crois à cette expérimentation, notamment en terres rurales, là où des besoins non concurrentiels existent. Dans le Tarn, dans mon département, à Graulhet, un projet de territoire est en préparation, avec notamment une activité de conciergerie. Ce dispositif apporte une vraie plus-value sociale.
À lire aussi : Laurent Grandguillaume : « En matière de chômage, nous n’avons pas tout tenté »