Parité : briser les carcans et réfléchir autrement

Bénédicte Rallu

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Les méthodes de travail et les organisations pèsent sur l’accession des femmes aux postes à responsabilités. Car les modèles en cours se sont bien souvent construits depuis des décennies autour des agendas masculins. Et se reproduisent.

Un DG qui déboule dans le bureau d’une DGA, quelques minutes avant son départ, alors qu’il sait qu’elle doit impérativement partir chercher son enfant. Cette situation n’est pas caricaturale. La culture du présentéisme a la vie dure. Les méthodes de travail et les organisations pèsent sur l’accession des femmes aux postes à responsabilités. Car les modèles en cours se sont construits depuis des décennies autour des agendas masculins. Et se reproduisent ! Pour Gaëlle Abily, membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, vice-présidente du conseil régional de Bretagne « il faut agir sur l’organisation du travail. Les administrations publiques organisent quelque part la non-accessibilité des femmes aux postes d’encadrement. Les femmes sont là. Le vivier existe. Ce n’est pas une absence de femmes, ni une question d’incompétence puisque les femmes sont en général plus et mieux diplômées que les hommes. L’organisation du travail crée un plafond de verre et un plancher collant pour des femmes qui acceptent de se déqualifier en passant des concours à un niveau plus bas que celui auquel elles pourraient prétendre ». TÉMOIGNAGE « Être à l’écoute et s’adapter aux situations » « Nous commençons à avoir des hommes à temps partiel, ou qui prennent des RTT le mercredi. Les mentalités évoluent tout doucement. Il ne faut pas être sur un horaire unique, mais être à l’écoute et s’adapter aux situations : quand une personne est célibataire avec des enfants, elle rencontre vite des problèmes. En début de carrière, nous n’acceptions pas de parler de ces choses personnelles. Aujourd’hui oui, car tout le monde a tellement de contraintes. Les structures familiales ont grandement évolué et nous sommes obligés d’en tenir compte dans cette articulation organisation professionnelle/organisation personnelle, au-delà des questions d’égalité. Les hommes y sont maintenant confrontés, donc cela devient un sujet. On peut espérer que tout le monde puisse en bénéficier. » Marie-Francine François, présidente de l’AATF, DGS de la communauté d’agglomération de Montbéliard « Care management » Jérémie Daussin Charpantier, vice-président de l’AATF en charge de la promotion de l’égalité professionnelle femmes-hommes acquiesce : « il existe des moyens de s’organiser autrement ». Technologies nomades, télétravail, règles de vie professionnelle communes, les voies ne manquent pas. « Il y a dans les organisations territoriales un décalage entre la société et la réalité de nos pratiques, pointe Laurence Malherbe, présidente de l’ADT-Inet. Elles n’ont par exemple pas encore intégré les réseaux sociaux. Ce décalage se retrouve dans le plafond de verre. La société évolue, les organisations territoriales doivent aussi le faire ». Sous l’égide d’élues très volontaristes, la ville de Caen travaille à un changement d’organisation en bataillant contre les réunions tardives, en réservant des places en crèche pour ses agents, en accompagnant systématiquement le retour d’un agent absent plus de six semaines, etc. L’objectif est « d’arriver à concilier les temps de vie » explique le DGS de la ville, Jean-Christophe Erard. « Lutter contre le présentéisme est positif pour tout le monde. S’engager pour l’égalité est un combat pour un meilleur modèle de société et ne concerne pas uniquement les femmes ». Le « care management » se développe de plus en plus.

TEMOIGNAGE « En s’occupant des hommes, on réintroduit un levier d’équilibre » « Il faut s’interroger sur la manière d’exercer un leadership, dont la vision est encore très masculine dans les collectivités, mais aussi comprendre les attentes des hommes vis-à-vis du travail et leur façon de concevoir la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. En s’occupant d’eux, on réintroduit un levier d’équilibre. Il faut aussi leur permettre par exemple de prendre des temps partiels. La seule question est de savoir si certains postes à responsabilités peuvent ou non s’exercer à temps partiel. Il existe de nombreux moyens de compenser une absence par les nouvelles technologies ou le télétravail. Alors, la question de l’accès des femmes aux emplois de direction deviendra beaucoup plus naturelle, car on aura changé l’organisation. » Laurence Malherbe, présidente de l’ADT-Inet, Directrice à la DGS, affaires générales/juridique et contentieux de la ville d’Antibes

La région Rhône-Alpes révise ses méthodes de travail La région Rhône-Alpes a également révisé ses méthodes de travail et laisse le choix à ses agents entre deux formules : semaine de 5 jours ou de 4 avec des journées de 8 heures 45. Résultats : ce choix « concerne 20 % du personnel et autant les hommes que les femmes, constate Valérie Chatel, DGA chargée du pôle Ressources au conseil régional. C’est un droit de citoyen, donc non sexué, de choisir de s’investir plus ou moins dans la carrière. Beaucoup de femmes ont réussi. Elles ne travaillent pas toutes jusqu’à minuit. On a les moyens aujourd’hui de faire autrement, d’organiser son temps et d’assumer une charge de travail importante, sans être pour autant coupée de sa famille. C’est un choix qui concerne les hommes comme les femmes ».

TÉMOIGNAGE « Rester tard le soir n’a rien à voir avec les compétences » « Les organisations valorisent le présentéisme le soir : les discussions entre cadres, élus, DG se font à ce moment-là, il faut y être visible. Or les jeunes parents rentrent tôt. Recevoir des compliments de son DGA lorsque l’on reste tard le soir n’a rien à voir avec les compétences. C’est la partie informelle des organisations. Beaucoup de choses se passent de cette manière comme les décisions arrachées entre deux portes par exemple. Cela favorise les gens qui sont présents, qui osent se balader dans les étages… Les femmes estiment que, comme elles sont compétentes, on viendra les chercher. Nous avons mis en place un groupe de travail sur le plafond de verre. Parmi nos actions, nous avons une charte des réunions pour encadrer les horaires de celles-ci, entre 9h et 18h, y compris à la direction générale. » Carmen Roig, chargée de mission à la DGA de la CU de Strasbourg, en charge du plan plafond de verre et féminisation des noms.

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