Coronavirus abstract background. Medical Genetics Bacteriological Microorganism.
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Frappée par une cyberattaque la veille des élections, puis confrontée au confinement de ses 8 000 agents, la métropole Aix-Marseille-Provence a frôlé le KO debout. Mais elle a su résister dans la tempête. Domnin Rauscher, son DGS, explique comment.
Domnin Rauscher est directeur général de la métropole d'Aix-Marseille-Provence depuis 2016. Il a longtemps travaillé à la ville de Marseille, dont il était notamment délégué général de l'Urbanisme, de l'Aménagement et de l'Habitat.
Concernant votre institution, vous avez subi une double crise, le Covid-19 et une cyberattaque de grande ampleur. Comment y avez-vous fait face ?
Nous avons découvert la cyberattaque le samedi matin (Ndlr, 14 mars 2020). Nous avons immédiatement mis en place une cellule de crise informatique, qui est venue en complément de celle du Covid-19 que nous avions lancée en février pour anticiper les conséquences de cette crise sanitaire. Dès le week-end, j’ai pu joindre l’ensemble du personnel encadrant pour l’informer de cette cyberattaque et donc les inviter à rester chez eux. Le Plan de continuité d’activité, de niveau B, a été immédiatement activé. J’ajoute au passage qu’une troisième cellule de crise a été activée, concernant les mobilités, puisque nous sommes autorité organisatrice de la mobilité sur la métropole. Mes journées et celles du personnel encadrant sont donc très chargées.
Côté informatique, où en êtes-vous. Les agents de la métropole peuvent-ils travailler à distance à peu près normalement ?
Non, pas vraiment. Sur nos 8.000 agents, 4.000 sont en exploitation, ils travaillent donc sur le terrain et ne sont donc pas devant un écran. Nous aurons complètement retrouvé l’efficacité de notre système informatique dans un mois et demi environ. Nos serveurs ont été cryptés à hauteur de 90 % contre une demande de rançon. La police judiciaire a pris le relai sur ce dossier et la métropole a porté plainte. Il faut donc reconstruire un système complet. Nous travaillons sur des outils collaboratifs avec Teams qui nous permettent de garder le lien. C’était prévu dans le plan de déploiement de l’administration et nous pouvons dire que nous avons su faire preuve d’anticipation et d’adaptabilité. Nous avions aussi décidé de déployer le télétravail plus massivement en ce début d’année. Certains agents y recourent donc déjà.
Une fois par jour, par visioconférence, je réunis la cellule de crise Covid-19 constituée principalement d’agents experts en gestion de risques majeurs
Comment se déroulent les journées particulières d’un DGS d’une si grande métropole ?
Une fois par jour, par visioconférence, je réunis la cellule de crise Covid-19 constituée principalement d’agents experts en gestion de risques majeurs afin d’adapter en temps réel notre dispositif en fonction des nouvelles mesures gouvernementales ou préfectorales. Et cela va très vite. À la suite, je réunis un comité de direction, où les mesures vues en cellule Covid-19, auxquelles s’ajoutent celles de la cellule cyberattaque et enfin celles de la cellule mobilités sont présentées débattues et mises en œuvre sans délai à l’issue.
Il m’est également indispensable de réunir une cellule exploitation, concernant les dispositifs voirie, tunnels, ramassage des ordures ménagères, eau, assainissement , etc. Tout est suivi de très près. J’ai aussi une réunion hebdomadaire avec la préfecture. Nous sommes au niveau B du Plan de continuité d’activité (PCA). La collecte sélective est, pour l’heure, suspendue. Nous avons simplifié le parcours pour le ramassage des ordures ménagères et créé de nouvelles modalités de prise de poste, soit en horaire décalé, soit en équipe tournante afin de respecter du mieux possible les consignes et que les agents se croisent le moins possible.
Le niveau C du PCA, s’il est un jour déclenché, impliquera la fermeture des tunnels urbains, une collecte des ordures ménagères un jour sur trois, etc
Globalement, sur l’ensemble du territoire, le tonnage des ordures ménagères est à la baisse. Mais on note encore certaines incivilités, des habitants profitant de leur temps libre pour vider leur cave. Ce n’est vraiment pas le moment. Le niveau C du PCA, s’il est un jour déclenché, impliquera la fermeture des tunnels urbains, une collecte des ordures ménagères un jour sur trois, etc. Bref, une dégradation assez forte du service public.
Comment garder le contact avec tous les agents ?
Nous publions un bulletin d’information presque tous les jours. Les agents qui peuvent se connecter à leur boîte mail le reçoivent ; il est affiché ou transmis par message via les canaux hiérarchiques pour les autres. Depuis hier soir, nous avons mis en ligne une page internet d’information de la crise.
Le retour se réfléchit dans le cadre d’un Plan de reprise d’activité : l’objectif prioritaire est de refaire marcher les logiciels RH et du service des finances
Que peut-on lire sur ce site ?
Tout… Nous sommes sur un mode dégradé sur la paie des agents, du fait de la violence de la cyberattaque. Tous seront payés à partir du train de paie du mois de mars qui a pu être envoyé avant la cyberattaque au Trésor public. Les ajustements se feront après. Concernant les tickets restaurants, nous les informons du moment où il sera possible de les récupérer, dans le cadre du respect des règles de confinement. Il y a aussi des informations sur le Covid-19, notamment les gestes barrières…
Avec la présidente, nous parlons tous les jours de la crise Covid-19, de la cyberattaque et travailler à la sortie de crise dans le cadre d’une cellule froide
Cette crise prendra fin un jour. Faut-il d’ores et déjà réfléchir aux conditions de leur retour ?
Nous y sommes et ce retour se réfléchit dans le cadre d’un PRA (plan de reprise d’activité). L’objectif prioritaire est de refaire marcher les logiciels RH et du service des finances. Dès jeudi prochain, les agents pourront se remettre à travailler normalement, soit en télétravail, soit directement sur place. Les services de la logistique et des moyens généraux n’ont jamais réellement quitté le navire. Pour reprendre une terminologie militaire très en vogue ces derniers jours, dans l’armée, pour un soldat envoyé au front, il faut huit logisticiens derrière. Pour leur distribuer des équipements de protection individuelle (EPI), faire marcher les bennes, ouvrir les bureaux, etc. Dans les autres services, si un directeur a besoin des services d’un agent, il lui propose de venir. De toutes les façons, tous les équipements recevant du public sont fermés pour le moment.
Les entreprises vont être rassurées d’apprendre que le service finance va redevenir opérationnel…
Sur cette partie, nous sommes en train d’apurer toutes les factures que l’on peut gérer à distance. La présidente Martine Vassal nous a demandé de veiller au soutien de l’activité économique, j’ai donc demandé aux services informatiques de traiter cela en urgence. Je signe tous les jours les documents nécessaires à la continuité administrative. Avec la présidente, nous nous voyons tous les jours pour gérer les affaires courantes qui ne peuvent être arrêtées ou suspendues, pour parler de la crise Covid-19, de la cyberattaque et travailler à la sortie de crise dans le cadre d’une cellule froide. Nous gérons la crise actuelle et l’après-crise.