Pascal Fortoul : « Pour l’instant, nous avons un ersatz de démocratie intercommunale »

Marjolaine Koch
Pascal Fortoul : « Pour l’instant, nous avons un ersatz de démocratie intercommunale »

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Pour le président de l’ADGCF, Pascal Fortoul, nous sommes encore dans une phase de construction. Par la diversité des situations d’une part, par les mécanismes institutionnels d’autre part (le mode de scrutin notamment), il est difficile d’attendre un modèle commun de coopération et de gouvernance des intercommunalités. Et la perspective souhaitable d’une élection intercommunale au suffrage universel direct semble encore assez éloignée.

Le couple régions intercommunalités est-il un ticket gagnant ?

On aimerait, mais ce n’est pas toujours le cas. La situation est très différente d’une région à l’autre. Certains ont énormément agrandi leur périmètre et ont fait le choix de prendre comme interlocuteur premier les départements. Le couple intercommunalité-région, que l’on pensait pertinent, s’est transformé en trio : c’est plus compliqué. Les départements, toujours un peu inquiets pour leur avenir, voient dans ce nouveau rôle d’intermédiaire une raison de perdurer. Mais nous sommes dans une phase de construction, la distribution des rôles peut encore évoluer.

Le consensus comme mode de gouvernance n’est plus adapté ?

Je pense qu’il faut passer à un autre modèle, mais ce n’est pas dans l’air du temps. Au fur et à mesure que les intercommunalités vont s’agrandir et s’affirmer, nous serons dans une dimension plus politique, plus clivée. C’est souhaitable pour la démocratie. Mais cette évolution possible est directement liée au mode de scrutin. Dans une intercommunalité, des personnes désignées sont réunies. Avant le premier conseil, elles n’ont jamais réfléchi à la manière dont elles allaient travailler ensemble. Compte tenu du mode de désignation, la voie du consensus est assez naturelle, c’est une construction commune.

Compte tenu du mode de désignation, la voie du consensus est assez naturelle, c’est une construction commune.

Si demain – et c’est notre souhait au sein de l’ADGCF – nous avions une véritable élection au suffrage universel direct, alors nous aurions des représentants du territoire qui auraient proposé un projet, comme il y a des listes au niveau municipal. On reviendrait à un mode de gouvernance plus classique. Je pense qu’on est arrivé à un stade où les intercommunalités ont atteint une taille significative, et où la réalité démocratique exige que les représentants soient désignés par un véritable suffrage universel. Pour l’instant, nous avons un ersatz de démocratie à ce niveau.

Faudrait-il tendre vers des communautés qui pourraient adopter des compétences et fonctionnements sur mesure ?

C’est déjà potentiellement le cas. Les communautés ont la capacité de prendre des compétences qui n’étaient pas initialement prévues par la loi. L’ADGCF a plaidé pour la capacité des communautés à gérer une compétence qui ne concerne que quelques communes de la communauté. Cela nécessite, d’abord, d’isoler en termes comptables cette activité-là, ce qui est possible. Ensuite, cela nécessite le financement de cette compétence par une participation communale des communes concernées, et non par l’impôt. Cela signifie que l’intercommunalité doit pouvoir se comporter comme un Sivu ou un Sivom à géométrie variable. Cela simplifierait énormément la donne dans cette période d’agrandissement des communautés, où parfois les communautés qui se marient n’ont pas toutes les mêmes compétences. Ce serait une véritable avancée qui éviterait la création de syndicats ou de rendre des compétences à des communes.

Pascal Fortoul est président de l’Association des directeurs généraux des communautés de France, ADGCF, et directeur général des services de la communauté d’agglomération du Pays voironnais.

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