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Dans la Marne, pour garder la main sur les permis de construire après mars 2017, cinq communes ont choisi de se regrouper pour élaborer leur plan local d’urbanisme. Et leur approche est novatrice : elles ont d’abord sollicité les enfants pour réfléchir à l’avenir de leurs villages, à l’horizon de 10, 20 ou 30 ans.
Article publié le 10 janvier 2017
Et si l’on confiait la réflexion autour du PLU à des enfants ? C’est le pari de plusieurs communes de la Marne. Elles ont pris au pied de la lettre la proposition émise par l’Agence d’urbanisme de Châlons-en-Champagne, qui dans sa liste d’actions possibles pour élaborer le PLU, indiquait en une ligne lapidaire « concertation avec les enfants ». Intriguées, trois communes ont demandé à se pencher sur le sujet. Au final, elles seront cinq municipalités du sud de l’agglomération de Châlons à participer.
Permettre à des enfants de 3 à 12 ans d’appréhender l’urbanisme
Candice Sottas, urbaniste à l’origine du projet, a réfléchi au moyen d’inclure des enfants de ces cinq villages : « toutes les communes n’avaient pas d’école, nous avons donc monté un programme en deux étapes ». Dans un premier temps, sur les vacances du printemps dernier, un partenariat est monté avec l’association Famille rurale, fine connaisseuse du territoire. Sur une semaine, les activités ont tourné autour du projet d’urbanisme de manière ludique. Maquettes en Kapla, ateliers de lecteurs de cartes, rallye photo… les projets ne manquent pas (voir encadré). Cette approche a permis aux enfants de 3 à 12 ans d’appréhender les notions de base d’urbanisme et de comprendre les enjeux lorsque des modifications doivent être apportées au sein de leur village.
Les enfants avaient compris les enjeux essentiels de l’urbanisme : ils étaient prêts à partager leurs propositions sur le devenir de leur village.
La deuxième étape s’est déroulée dans deux écoles différentes, sur le temps des activités extrascolaires (NAP). À l’aide de la maison de l’architecture locale, les animateurs ont élaboré avec les enfants un jeu de cartes sur le modèle des 7 familles, dont les familles sont remplacées par les principaux thèmes d’urbanisme (habitat, déplacements, nature…). À la suite de ce travail de sensibilisation, les enfants avaient compris les enjeux essentiels de l’urbanisme : ils étaient prêts à partager leurs propositions sur le devenir de leur village.
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Des propositions classiques, mais qui changent les choses
« Pour formaliser un projet sur un territoire, on est obligé de faire un compromis puisque les différents habitants ont des besoins différents et que les ressources financières sont limitées. Les enfants ont compris qu’il n’était pas possible de proposer n’importe quoi » détaille Candice Sottas. Leurs propositions, faites sous forme de dessins, sont certes classiques mais ont permis aux élus de mettre le doigt sur des aspects à retravailler. « Certaines communes ont été surprises des remarques des enfants qui ne se sentaient pas en sécurité sur certains axes, pour faire du vélo notamment » raconte l’urbaniste.
Une action, de nombreux bénéfices
• Les enfants sont désormais plus réceptifs aux enjeux qui touchent une municipalité, en termes d’aménagement urbain et de vivre-ensemble
• L’action a permis de faire réfléchir et travailler ensemble des publics différents, mais aussi des organismes, comme l’association Familles rurales ou la Maison de l’architecture, qui, habituellement, ne sont pas amenés à se pencher sur l’élaboration du PLU. Des sensibilités différentes, des regards naïfs ou, au contraire, expérimentés, ont pu éclairer d’un jour nouveau cette problématique du PLU.
• Les cinq communes, à cette occasion, ont appris à travailler en commun, sur un temps restreint et une activité précise.
• Les élus ont pu constater l’apport d’une consultation auprès de citoyens. L’expérience leur a offert une nouvelle approche et leur a surtout donné envie de la poursuivre avec d’autres publics. À l’avenir, des ateliers pourraient voir le jour avec des adultes mais surtout, déclare Alain Fleuriet, avec les adolescents, grands oubliés dans l’aménagement urbain.
Dans ces villages-rue, « bien souvent, les trottoirs sont trop étroits, les enfants nous ont dit ne pas se sentir en sécurité pour se promener. Ils ont peur des camions, de l’indiscipline de certains conducteurs » explique Alain Fleuriet, maire de Soudron. « Nous avons compris que la vitesse des véhicules les impressionnait et qu’il fallait agir sur ce point. » Alain Fleuriet a également trouvé l’exercice intéressant car il traduisait aussi, implicitement, le ressenti des parents.
« Ils sont en attente de jeux qu’ont les enfants en ville ou dans une bourgade ».
L’autre grand thème était évidemment celui des aires de jeux : « ils sont en attente de jeux qu’ont les enfants en ville ou dans une bourgade » a noté Alain Fleuriet. « Finalement, la notion de qualité de vie est très importante pour eux. » Dans la commune de Sommesous, les enfants ont insisté sur la propreté du village. Pour le premier adjoint de la commune, Jean-Pierre Colpin, « ces ateliers sont allés plus loin qu’une simple initiation à l’urbanisme : c’était de véritables cours d’éducation civique ! »
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Une vision globale du village
Et le plus intéressant est sans doute leur vision globale du village : rares sont les adultes qui participent à une réunion d’information sur le PLU avec ce regard-là. « Un adulte arrive avec des problèmes concrets et précis qui le concernent directement » explique Alain Fleuriet. « Le travail des enfants a été mené entre avril et septembre. Il va nous servir de canevas préliminaire à la discussion avec les adultes. » Et même si le fait de commencer à élaborer les grandes lignes du PLU d’abord avec les enfants a surpris, c’était, somme toute, logique. Partir du global pour arriver au détail, bouleverser l’ordre pour offrir de nouvelles perspectives…
Des activités à la fois ludiques et techniques
Les enfants ayant participé au projet, soit pendant les vacances, soit à l’école, ont appris à lire des cartes topographiques, des vues aériennes et des cadastres avec un urbaniste et deux professionnels de l’aménagement du territoire. Un rallye patrimonial a été organisé dans les villages, à partir de photos d’éléments paysagers ou architecturaux, avec une ambassadrice de la maison de l’architecture de Champagne-Ardenne. Un paysagiste leur a appris ce qu’est une ligne d’horizon, comment repérer une rivière et à travailler sur les déplacements.
Suite à ces ateliers, les enfants ont été nommés ambassadeurs dans trois classes de Bussy-Lettrée et Sommesous, où ils ont présenté les activités réalisées durant cette semaine de vacances. Des élus sont également venus répondre aux questions des élèves.
Enfin, sur le temps des NAP, un jeu de 7 familles a été imaginé. Intitulé « Le jeu des cinq villages », il est décliné par thèmes : habitation, belles choses, loisirs, déplacements, nature, équipements, travail. La Maison de l’architecture a apporté le concept et la maquette du jeu. Les enfants, eux, ont illustré les cartes. Le résultat a enthousiasmé adultes et enfants, au point d’inciter les cinq communes à financer la fabrication de 200 jeux, offerts à chaque enfant concepteur, aux écoles partenaires, aux mairies, à l’association Familles rurales et à la Maison de l’architecture.