pollution from the exhaust of cars in the city in the winter. Smoke from cars on a cold winter day
© Adobestock
Sous la pression de deux contentieux ((La Cour de justice de l’Union européenne a condamné le 25 octobre 2019 la France pour manquement aux obligations issues de la directive européenne sur la qualité de l’air, la menaçant de sanctions financières. Le 10 juillet, le Conseil d’État a enjoint au Gouvernement de reformuler, avant février 2021, sa stratégie avec un plan concret à l’appui, sous peine de verser une astreinte de 10 millions d’euros par semestre aux associations de l’environnement qui l’ont assigné en justice.)) susceptibles de coûter très cher à l’État et aux collectivités, dans le même bateau, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili semble vouloir prendre le taureau par les cornes. La ministre a annoncé courant septembre la création de sept nouvelles zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) ((Aix-Marseille-Provence, Nice-Côte d’Azur, Toulon-Provence-Méditerranée, Toulouse Métropole, Montpellier-Méditerranée Métropole, la Métropole Rouen-Normandie.)) sur des secteurs urbains denses, d’ici le 31 décembre prochain. Le principe de ces ZFE-m est déjà bien connu. Il s’agit d’interdire en les échelonnant sur plusieurs années, l’entrée dans le périmètre défini, de telle et telle catégorie de véhicules anciens ou polluants.
Aujourd’hui, le leitmotiv de la ministre, c’est de travailler avec les collectivités
Le dispositif, pour faire le tri, s’appuie sur le système des vignettes Crit’air. Cinq collectivités ont déjà mis en place une ZFE-m : la métropole de Lyon (depuis début 2020), Grenoble Alpes Métropole (depuis mai 2019), la ville de Paris (dès 2015) et le Grand Paris (depuis juillet 2019), l’Eurométropole de Strasbourg (depuis le 1er septembre 2018)... De fait, une question brûle les lèvres : qu’il y a-t-il de vraiment nouveau dans l’annonce ministérielle ? « La volonté de frapper plus fort et d’aller plus vite », répond Yannick Mathieu, directeur régional adjoint de la Dreal Auvergne-Rhône-Alpes, soulignant aussi que « aujourd’hui, le leitmotiv de la ministre, c’est de travailler avec les collectivités. C’est le copilotage avec elles qui est la règle ».
« Les mesures en place ont déjà payé »
L’État entend ainsi continuer à apporter son aide pour l’étude de la faisabilité des futures ZFE-m, qu’elles soient obligatoires et volontaires, et son concours à la prime à la conversion des véhicules. Pour le reste, le décret ((En application de l’article 86 de la loi d’orientation des mobilités (LOM).)) du dispositif, sorti le 17 septembre, offre une grande latitude aux collectivités. Libres à elles d’établir le périmètre, les règles et le fléchage, dans le temps, des véhicules polluants visés qui ne pourront plus entrer dans la ZFE-m. L’État mettra bien sûr son grain de sel, car l’efficacité des ZFE doit être au rendez-vous. « Les ZFE du Grand Lyon ou de Grenoble Alpes Métropole vont devoir être plus ambitieuses », indique ainsi Yannick Mathieu.
Il ne reste que quelques centaines d’habitants exposés au dioxyde d’azote
On peut toujours accélérer le calendrier, à partir du moment où l’accompagnement financier suit… Il importe toutefois d’apprécier aussi le chemin parcouru, et d’observer qu’ « il y a des résultats assure Didier Chapuis, directeur territorial d’Atmo Auvergne Rhône Alpes. À Grenoble, les mesures en place ont déjà payé. On enregistre une baisse importante des concentrations des émissions d’oxydes d’azote », explique-t-il. « Il ne reste que quelques centaines d’habitants exposés au dioxyde d’azote, c’est toujours trop bien sûr. Mais on n’a plus les plusieurs milliers d’habitants comme avant ».
Le Grand Lyon appuie sur le champignon ZFE
Nul besoin de convaincre le Grand Lyon de pousser d’un cran l’efficience de sa ZFE. Car telle en est l’intention du nouvel exécutif EELV en place depuis les dernières municipales, qui envisage de corser les règles de la ZFE existante. En commençant par inclure dans son périmètre , les axes très fréquentés que sont le périphérique, le tunnel de Fourvière, et la M6M7. « Ce sera sans doute possible pour la M6M7 qui est une autoroute déclassée. Ce serait moins facile d’intégrer l’A7 dans une ZFE à Valence » prévient le responsable de la Dreal. Ouverte aux propositions, la ministre s’est, du reste, engagée à étudier la question de l’intégration des grands axes routiers dans les ZFE.
Plusieurs élus réclamaient aussi des moyens de contrôle. Ils seront bientôt satisfaits
Autre accélération du dispositif que réclame le Grand Lyon : cibler, dès l’année prochaine, les véhicules particuliers les plus polluants, en plus des véhicules utilitaires et professionnels. Il sera intéressant de voir comment la mesure est accueillie et si elle fait des émules. Plusieurs élus dont le maire de Grenoble réclamaient aussi des moyens de contrôle. Ils seront bientôt satisfaits. L’État a travaillé sur le sujet. En 2022, le contrôle généralisé des plaques d’immatriculation sera possible et encadré, annonce-t-il. D’ici là, les territoires sont incités à faire de l’innovation sur ces sujets, en lien avec le national. Par le truchement de leurs PC de régulation, les agglomérations disposent d’une quantité d’images qui leur permet de faire du contrôle. Autre moyen cœrcitif à la portée des villes : le contrôle du stationnement.
La pollution de l’ozone, futur objet de contentieux ?
Au bout du bout, les urbains finiront-ils par respirer un air sans s’intoxiquer ? Si seulement. Un gros morceau demeure à traiter : le cas très complexe de la pollution à l’ozone qui concerne aussi les ruraux. À l’inverse des autres polluants, la pollution à l’ozone suit une courbe haussière de manière préoccupante. Et pour cause, ce polluant secondaire est très sensible au réchauffement climatique.
Une ZFE-m coordonnée avec la promotion des mobilités actives
Territoire épinglé par le Conseil d’État, la ville de Reims prend elle aussi le sujet à bras le corps. La commune aura bientôt sa propre ZFE, alors que le décret ne l’y oblige même pas, a découvert Laure Miller, adjointe au maire déléguée à l’Écologie, à la nature en ville et aux aménagements publics, en prenant connaissance du décret. « Oui, car nous avons moins de 5 % de la population directement exposée au dioxyde d’azote », explique-t-elle. Le périmètre de la ZFE du « petit poucet des territoires pollués » sera toutefois bien modeste, précise l’adjointe, qui par ailleurs considère la ZFE comme un outil parmi d’autres.
C’est mathématique, à partir du moment où vous offrez moins de place aux voitures, vous en avez moins
« La ZFE va surtout pousser à la conversion du parc, mais elle n’a pas d’influence sur les comportements », analyse l’adjointe, pour qui l’autre enjeu est de réduire le nombre de véhicules. Yannick Mathieu ne dit pas autre chose, et se fait fort de rappeler que « La ZFE est de fait, bien entendu, coordonnée avec toute la promotion des mobilités actives puisqu’elle est issue de la loi LOM, et qu’elle s’articule également avec le plan vélo, qui entraîne de facto la réduction de la place dédiée à la voiture. Et c’est mathématique, à partir du moment où vous offrez moins de place aux voitures, vous en avez moins ».
Un cocktail de mesures pour réussir
Enfin, à écouter les différents acteurs, ce n’est bien qu’un cocktail d’actions qui permettra de juguler la pollution de l’air. Un cocktail particulièrement chargé, à base de « covoiturage », « développement des transports publics », « aménagement de pistes cyclables », « multiplication des zones 30 », « réduction de la place de la voiture en ville pour la rendre aux piétons », « sensibilisation directe des citoyens par le prêt de capteurs de pollution », etc. À quoi il faut ajouter contre les particules fines, « la rénovation thermique des logements », et « les aides aux particuliers pour la conversion des chauffages à bois ». Depuis le confinement, le « télétravail » s’est aussi révélé comme un puissant moyen de régulation.