Pour une nouvelle pratique démocratique

Nicolas Braemer

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Pour une nouvelle pratique démocratique

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Au lieu de lois d'urgence à chaque crise, les Françaises et les Français ont besoin d'être considérés comme des adultes. Pour cela, il faut plus de démocratie, pas moins.

La crise du Coronavirus met en évidence notre problème démocratique.

C’est devenu presque une habitude, à chaque crise majeure, les gouvernements répondent par l’urgence. Ça commence par des interventions solennelles du président de la République, puis par des premiers ministres agissant avec toute la martialité possible, puis enfin par des lois d’urgence. La méthode et la pensée sont toujours les mêmes : à temps exceptionnels, actions exceptionnelles, acteurs exceptionnels et règles exceptionnelles.

Hommes d'exception, et loi d'exception

L’affaire repose une forme de double réflexe :
- le vieux tropisme français, qui veut que le sort de la Nation nécessite un recours à un homme providentiel,
- le besoin de recourir à des lois d’exception, au besoin des états d’urgence.

Cet abitus bien français transpire l’idée que nos institutions peuvent valoir en temps normal, mais que dès que les choses se corsent, il convient de passer à plus sérieux. La démocratie, c’est bien, mais ça ne permet pas de faire face aux situations exceptionnelles. Quelle ironie : ceux-là mêmes qui nous disent qu’il n’y a pas d’autres solutions que la Ve République, car elle seule a l’efficacité nécessaire à nos temps modernes, s’empressent de la déclarer insuffisante dès que la crise pointe son nez.

Je défends l’idée que la crise demande de la démocratie, et non sa suspension

Au contraire de ces pratiques toxiques, infantilisantes, a-démocratiques… je défends l’idée que la crise demande de la démocratie, et non sa suspension. Davantage, pas moins. Il nous faut des parlementaires qui exercent leur pouvoir législatif et leurs capacités de contrôle. Il nous faut des corps intermédiaires, des élus locaux, des syndicats, des associations… Davantage en tout cas que de chefs et d’un gouvernement dotés de grands pouvoirs, mais d’une petite lucidité.

Pas besoin de pouvoirs spéciaux

Hier quand des terroristes frappaient. Aujourd’hui quand la pandémie tue des dizaines de milliers de personnes. Demain quand, avec le retard que nous avons pris face au changement climatique, nous vivrons d’autres crises (sans doute à un rythme accéléré et une intensité encore plus grande). Il n’y a et il n’y aura pas besoin de pouvoirs spéciaux, d’état d’urgence, de lois d’urgence. Mais il y a et il y aura besoin de pratiques démocratiques.

Il y a et il y aura besoin de se reposer sur une France décentralisée, avec ses élus et ses fonctionnaires qui ont prouvé leur capacité à agir efficacement

Il y a et il y aura besoin de se reposer sur les institutions parlementaires, de compter sur une France décentralisée, avec ses élus et ses fonctionnaires qui ont prouvé leur capacité à agir efficacement, de laisser l’institution judiciaire faire son travail et de lui en donner les moyens, de donner la parole aux syndicats et d’écouter cette parole, de parler aux citoyennes et citoyens comme des adultes qu’ils sont, de ne jamais leur mentir et d’avoir confiance en leur capacité de jugement.

Seule une nouvelle pratique démocratique adulte, qui reste largement à inventer, nous permettra de faire face aux crises qui nous attendent. Et même mieux : d’éviter qu’elles aient lieu.

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