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Didier Tabuteau, Démocratie sanitaire. Les nouveaux défis de la politique de santé, Odile Jacob, 2013, 290 pages, 23,90 euros.
Le système de santé représente quelque 250 milliards d’euros, soit 12 % du PIB, mais aussi 13 % de l’emploi. Accumulation des déficits, recours à l’endettement, vieillissement de la population, permanence et renouveau tant des inégalités que des risques sanitaires, mais aussi progrès médicaux, reconnaissance accrue des droits des malades, affirmation des associations composent l’actualité et les perspectives d’une politique publique parmi les plus sensibles.Un écheveau de tensions
Didier Tabuteau s’intéresse d’abord à ce que l’on pourrait baptiser le pentalemme du système de santé. Ce dilemme à cinq branches contient les grandes questions de l’égalité (dans l’accès aux soins), de la liberté (en particulier celle des médecins), de la propriété (confrontée aux impératifs de l’hygiène publique), de la sécurité (qui prend une dimension sanitaire toujours plus marquée), de l’universalité (au défi du triomphe des particularismes, des dérives tarifaires et de la croissance de la concurrence). Et il faut aussi composer avec le poids des corporatismes dans un édifice propice au statu quo, malgré la pression des transformations scientifiques et des chocs financiers.Maîtrise budgétaire et vraie politique sanitaire
Tabuteau, face aux menaces et à la vicissitude des réformes entreprises, a l’ambition d’un big bang ou d’un New Deal. Il dessine une méthode, celle d’un « Ségur » (comme il y a des Grenelle dans d’autres domaines) de la santé. Il en alimente le contenu pour une véritable politique, unifiée, de santé publique. Certains y verront une place trop grande donnée à l’État. La plupart souscriront au principe d’un virage vers davantage de prévention que de thérapeutique. La discussion à laquelle Tabuteau convie, porte sur quatre qualificatifs de la démocratie. Il en va de la démocratie politique qui doit pleinement se saisir de ce dossier, dans son entièreté, sans le saucissonner en multiples problématiques. Il en va de démocratie sociale, pour renouer avec des idées originelles de la Sécurité sociale sans concession avec le faux-semblant d’un paritarisme qui ne fonctionne plus. Il en va encore de démocratie sanitaire (le dada de Tabuteau) avec la pleine place octroyée aux patients et à leurs représentants associatifs (même si ceux-ci ne sont pas forcément parfaits). Il en va enfin de démocratie locale avec un approfondissement possible de la régionalisation du système (qui, sous sa forme actuelle, signe en réalité son étatisation), par exemple avec un ajustement de la fiscalité régionale à la régulation de l’offre sanitaire.Concrètement, la logique est d’abord de maîtriser drastiquement la dépense. Cette orientation impose une unité de direction, incarnée par une agence nationale responsable. Elle passe aussi par l’interdiction de la solution de l’endettement, avec possibilité de faire varier annuellement la CSG en fonction des déséquilibres. Elle passe enfin par de la rationalisation, avec notamment généralisation de l’évaluation médico-économique.L’ensemble donne un livre captivant, ouvert par une préface lettrée du Professeur Jean-Jacques Dupeyroux. Une livre qu’il devrait être interdit de ne pas lire. Cette prescription est non remboursée, mais porte sur une médication à haut rendement d’intelligibilité et d’intelligence.Extraits
« L’identité collective des médecins a pris racine sur le refus de l’ingérence administrative, sur la méfiance à l’égard des collectivités publiques et sur la sacralisation de l’isolationnisme professionnel. » « La révolution numérique bouleverse les codes. Des tiers s’introduisent subrepticement dans le colloque singulier, au point de le transformer parfois en ‘colloque pluriel’ ou ‘colloque connecté’. » « Éviter la maladie, c’est d’abord développer une culture de santé publique à laquelle le pays de Villermé et de Pasteur résiste avec obstination depuis deux siècles. »