Pourquoi l'affaire Fillon est un symptôme de la maladie de nos institutions

Nicolas Braemer

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Pourquoi l'affaire Fillon est un symptôme de la maladie de nos institutions

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La polémique qui touche l’ancien Premier ministre est révélatrice, même si en fin de compte, il s’avère qu’il n’a commis aucune illégalité. Longueur des carrières politiques, cumul des mandats, inactivité parlementaire… elle contient en elle tous les poisons qui minent la démocratie en éloignant les politiques des citoyens. Il est urgent d’agir, et fermement.

«L’affaire » Fillon contient presque tous les éléments de la profonde crise démocratique dans laquelle nous sommes plongés. Je ne vais pas juger ici de la culpabilité d’un homme : même s’il sort totalement blanchi des accusations qui touchent à la réalité de l’activité de sa femme comme assistante parlementaire, les faits qui justifient aujourd’hui la polémique – employer des membres de sa famille au service de sa carrière politique – sont graves, même s’ils ne sont pas illégaux. Passons donc en revue les éléments de ce dossier qui révèlent la sclérose de notre édifice démocratique.

Un problème démocratique majeur

Voilà donc un homme qui est parlementaire depuis 1981. Il aura donc été, à la fin de ce mandat, élu pendant 36 ans et 9 mandats. Il a été aussi sénateur (deux ans), président de département et de région, il a occupé cinq ministères différents, été Premier ministre pendant cinq ans. La longévité des carrières politiques est aujourd’hui un problème démocratique majeur. Quoi qu’on en dise, au bout de deux ou trois mandats, la continuation de la carrière devient une fin en soi.

De plus, François Fillon offre le spectacle d’un homme à l’activité parlementaire à encéphalogramme plat. Son mandat de député lui sert à tout sauf à légiférer, alors même qu’il ne le cumule avec aucun autre mandat. Et il est loin d’être le seul. Le cas particulier des parlementaires ultramarins mis à part, ils sont des dizaines de députés, qui souvent cumulent leur mandat avec celui d’élu de grosse collectivité, dont le mandat ne sert qu’à asseoir leur envergure politique, mais en aucun cas à produire de la loi.

Lire aussi : Le cumul des mandats, c'est toujours non !

Ma petite entreprise...

Et puis, parce qu’il faut y revenir, il y a cette affaire d’emploi familial. Non, la politique n’est pas une entreprise familiale. On ne devrait donc pouvoir utiliser ses proches comme collaborateurs politiques. C’est interdit dans bien des démocraties plus évoluées que la nôtre, et pour une bonne raison.

Cette « affaire » me conforte donc dans ce que je dis dans ces colonnes depuis des années sur l’urgence d’agir pour, au minimum et à brève échéance :

• en finir avec le cumul des mandats dans l’espace et dans le temps. Je suis personnellement partisan du mandat unique et d’une limitation à deux mandats ;

• contrôler beaucoup plus strictement l’activité des parlementaires. Le principe minimum devrait être : pas de travail, pas d’indemnités. Ce n’est guère plus compliqué que cela ;

Lire aussi : Élus-citoyens : confiance, le lien brisé

• interdire l’emploi de membres de la famille comme collaborateurs politiques.

Il y a sans doute d’autres mesures à prendre. Mais il faudra intégrer ces mesures dans une « enveloppe globale » : un statut de l’élu, protecteur et ultra-exigeant, c’est-à-dire qui offre des protections réelles à l’élu en fin de mandat (plus d’excuse pour continuer) et qui sanctionne impitoyablement toutes les dérives.

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