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© Maksim Kabakou - Fotolia.com
Passé les premières réticences – une « crainte de donner des jeux de données incomplets ou que les données soient mal utilisées… » analyse Simon Chignard, expert de l’open data – les datas se récoltent assez facilement dans les services des collectivités… Et trois ans, parfois moins, après le lancement des premiers portails d’open data, les collectivités intègrent, les unes après les autres, dans leurs marchés publics, une « clause open data » qui oblige les prestataires à fournir gratuitement les données produites dans le cadre de l’exécution des marchés auxquels ils répondent. Autant dire que l’open data et les services : c’est pour la vie…
Un travail de persuasion et d'entraînement à la collecte de datas…
« Les pilotes de la collecte de datas sont souvent les services informatique, communication ou innovations numériques. Le service économique est parfois impliqué » observe Simon Chignard. À Bordeaux Métropole, il y a une centaine de directions. « À partir de septembre 2010, une petite équipe de quatre personnes a fait le tour des services. On a commencé surtout par les services qui exploitent le SIG… Nous avons communiqué dans le journal interne, sur l’intranet. Il y a eu un effet d’entraînement » se rappellent Pierre Placin et Frédéric Théodore. Le premier est responsable du projet open data, le second est directeur des systèmes d’information à Bordeaux Métropole.
Tous les services ont potentiellement des données à valoriser. Mais ils n’en sont pas tous persuadés…
À Rennes/Rennes Métropole, « l’écosystème s’est monté sur la base du volontariat » se souvient Bernadette Kessler, responsable du service innovations numériques. C’est le service transport, avec un jeu sur les vélos en libre accès, qui a été l’un des premiers à se lancer. À Grenoble, la libération des données a démarré récemment. Avec une élue tout spécialement en charge de l’open data et des logiciels libres, le processus avance à vive allure. Un référent « données ouvertes » a été désigné au sein de chaque direction afin d’aider à la « consolidation en interne des processus de traitement et de validation des données pour fiabiliser et mettre à jour les données diffusées ». Tous les services ont potentiellement des données à valoriser. Mais ils n’en sont pas tous persuadés… La responsable de Rennes Métropole cite le cas du service des sports de Rennes Métropole. Toutefois, ce dernier s’est laissé convaincre de l’intérêt de réunir toutes ses données, sur les lieux, sites, où l’on peut faire du sport, courir, etc.
Des applications diverses et plutôt utiles des données
« Il y a une règle dans l’open data, on ne préjuge pas de l’utilisation des données publiques par l’écosystème » affirme Vincent Kober, expert en open data. Certes, mais si l’écosystème peut développer une application qui améliore la qualité de services, surtout ne pas s’en priver… Force est de constater que les applications qui émergent de l’exploitation de l’open data visent surtout à rendre service aux habitants. Logique. Néanmoins, elles viennent s’appuyer sur des données produites par les collectivités, ce qui a de quoi entretenir la conviction que s’échiner à mettre des datas en ligne vaut la peine…
« Il y a une règle dans l’open data, on ne préjuge pas de l’utilisation des données publiques par l’écosystème. »
Ainsi l’application rennaise Handimap s’est appuyée sur un jeu de données concernant l’emplacement des abaissements de trottoirs afin de calculer des itinéraires pour les personnes en fauteuil roulant. Sur le site open data de Bordeaux Métropole, vingt-cinq applications gratuites sont recensées. « Nous n’avons pas connaissance de toutes les applications sur les données, ou alors on l’apprend par la bande ! » commentent Pierre Placin et Frédéric Théodore. « Il y a aussi des usages étonnants des données, artistiques… c’est beau, mais cela ne sert à rien ! ».
Enfin, de temps à autre, une application peut vraiment « augmenter la qualité de service » telle l’application « Vcub prédict ». Cette dernière est issue du travail d’un mathématicien qui a mouliné l’open data des quatre dernières années de mise en ligne de datas par le service de location des vélos en libre accès de la métropole bordelaise. Désormais, on peut s’enquérir sur un territoire, à tout moment, de la disponibilité prévisionnelle des stations autour de soi, selon le créneau horaire choisi (dans les douze heures)…
« Contagion interne »
Dans les délibérations, les professions de foi des portails open data, la modernisation des services publics est annoncée comme l’une des bienfaits de l’ouverture des données. Qu’en est-il ? Elle n’est pas encore frappante… en dehors bien entendu d’une rationalisation des logiciels utilisés et des circuits d’information, etc.
Annoncée comme l’un des bienfaits de l’ouverture des données, la modernisation des services publics n’est pas encore frappante…
En revanche, signalons l’expérience conduite par l’équipement culturel des Champs libres de Rennes Métropole, une sorte de contagion interne de la démarche open data. La structure a eu l’idée de créer un projet d’agenda culturel en open data transversal et commun à vingt établissements de l’agglomération. « Nous avons beaucoup travaillé sur la typologie des informations pour harmoniser nos événements, définition de « jeune public » par exemple, etc. » explique Lilian Madelon, responsable du service des relations extérieures aux Champs Libres à Rennes. Ce travail a pris une année. Les structures culturelles déposent à présent leur agenda collectif sur le site www.infolocales.fr, le service d’annonces culturelles du groupe Ouest-France qui a ouvert ses données en open data… « Cela simplifie notre travail, nous n’entrons qu’une fois les données dans notre agenda. Nous les récupérons en open data. Nous sommes les premiers utilisateurs de nos informations ! ». Cette démarche a retenu l’attention de la mission sur le développement de l’innovation territoriale confiée par le ministère de la Fonction publique et de la Décentralisation.
À Brocas, commune de 800 habitants dans les Landes, on n’entreprend plus rien sans open data.
Autre type d’effet collatéral de l’ouverture des données… à Brocas, commune de 800 habitants dans les Landes (primée dans la catégorie « Data-admin », au concours Dataconnexions 2015) on n’entreprend plus rien sans open data. La commune l’a prévu au cœur de son processus de décision… Après chaque proposition de projet, une commission mixte composée de trois élus et de deux habitants se réunit et identifie les données à ouvrir, voire à récolter, et entreprend leur datavisualisation… Ensuite, se tiennent des réunions publiques avec les habitants.
Prochaine étape : le crowdsourcing
« On pourrait par exemple demander aux habitants des informations sur leurs jardins privés. Quels légumes et fruits récoltés ? » lance Bernadette Kessler, qui n’est pas à cours d’idées. Les services pourraient entreprendre en effet de nombreuses démarches de récupération d’informations auprès des habitants, pour compléter leurs données. C’est ce qu’on appelle le crowdsourcing. Bien connu et fonctionnant sur ce modèle, OpenStreetMap, une carte librement modifiable que des citoyens à travers le monde se sont appropriée… Cette pratique a de quoi stimuler la participation des habitants aux réflexions de la collectivités.
Imaginons un projet de renouvellement urbain… Que sait-on des déplacements, des habitudes des résidents ? L’important est-il de faire venir des commerces, de créer des transports publics, et où ? Si chaque habitant joue le jeu de la collecte d’information, une datavisualisation inédite pourrait éclairer les débats…
« La révolution dans l’open data va venir du citoyen » parie Vincent Kober. « Mais pour le moment, la fourniture des données est descendante ».
Le recueil de données demande une certaine prudence, un processus de validation… » estiment Pierre Placin et Frédéric Théodore. À suivre donc.