Quand les écoles permettent d’aligner besoin, valeurs et projet

Quand les écoles permettent d’aligner besoin, valeurs et projet

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© Adobestock

Nouvelles pratiques, nouvelles postures… et plus largement volonté de transformer l’organisation : est-ce le signe d’une réelle transition dans les collectivités publiques ? Ce qui est sûr, c’est que les lignes bougent, et que l’envie de changer semble contagieuse ! Reste à savoir comment s’y prendre pour se lancer puis transformer l’essai, en vue d’opérer un changement durable de culture managériale…

Lire les articles précédents :
- Écoles des cadres : une nouvelle ambition pour la fonction managériale
- Les école des cadres au service de la transition managériale

Dans un contexte global de mutations, marqué par l’incertitude et la complexité, il apparaît primordial de mettre en cohérence la stratégie et les postures avec les besoins, les valeurs et l’identité de la collectivité. Chacune s’accorde ainsi sur un certain nombre de prérequis avec un leitmotiv qui revient régulièrement : « ne pas être hors sol » ! La dynamique ne prendra pas ou mal ou tombera dans l’effet gadget si elle est conçue en vase clos par quelques cadres. C’est pourquoi il est indispensable de s’appuyer sur les besoins réels de l’ensemble des bénéficiaires : managers, managés, usagers, et plus largement la collectivité. D’où les phases préalables de recueil des attentes (sur le terrain, via des baromètres, des ateliers d’échanges, les entretiens annuels…), et de mode de concertation ou de co-construction avec des volontaires pour préfigurer le dispositif et ses contenus.

Un seul ingrédient est incontournable pour se lancer : l’envie

L’approche doit ainsi être très pragmatique et pratico-pratique, tout en ayant une coloration innovante et expérimentale. Au-delà des besoins, il s’agit d’être en phase avec les valeurs et l’identité de la collectivité. Le principal enjeu est de les incarner au quotidien dans les postures managériales pour légitimer le dispositif et éviter le désengagement. À défaut, les chartes managériales risquent de finir dans un tiroir ! Pour l’éviter, les collectivités insistent sur la nécessité du portage et de l’exemplarité de la direction générale, à la fois sur le sens, la vision partagée et les valeurs managériales, dans un cadre qui favorise la confiance et le droit à l’erreur. À défaut d’alignement de l’ensemble, toute démarche d’évolution managériale risque d’être vaine et même contreproductive !

TEMOIGNAGE

« Démontrer la plus-value en termes de qualité de service pour être crédible »

"L’École du Management par l’Innovation (EMI) est un des leviers de diffusion de la culture d’innovation (expérience client, amélioration continue…). Sa réelle plus-value réside dans la complémentarité des disciplines (design de services, excellence opérationnelle, contrôle de gestion, accompagnement au changement et mesure d’impact) et la mise en œuvre opérationnelle immédiate au travers de projets utiles à la collectivité et à l’amélioration du service. L’important à ce stade est d’apprendre à observer, comprendre les attentes des usagers (ou des agents), co-concevoir un service simple et efficace, et être en capacité d’en définir les bénéfices attendus. C’est à plus long terme qu’en seront réellement mesurés les impacts, par un suivi des projets auprès des directions commanditaires et à l’occasion des conférences annuelles de progrès ou des retex organisés lors de la semaine de l’innovation. Quant à l’impact de l’EMI elle-même sur les modes de fonctionnement, on constate une différence d’approche et de culture en termes de rapport à l’usager de la part des managers qui ont fait l’EMI, mais c’est finalement tout l’écosystème d’innovation publique développé depuis 2012 qui a des effets sur la qualité de service.

Florence Bannerman, directrice de la mission innovation du conseil départemental du Val-d’Oise

Mobiliser les ressources et les talents internes

Nul besoin, contrairement à certaines croyances, d’être une très grande collectivité ou encore de disposer d’un budget et de moyens conséquents pour créer une « école du management ». L’efficacité d’une telle démarche ne se mesure pas à la taille du dispositif ou au nombre de formations proposées, mais bien à son adéquation avec les besoins réels et la stratégie de chaque collectivité. Un seul ingrédient est néanmoins incontournable pour se lancer : l’envie, de quelques convaincus qui vont initier et porter la démarche avec passion et avec un enthousiasme contagieux. Pour déployer et entretenir la dynamique, rien de tel que de s’appuyer sur les ressources internes, qui vont être à la fois relais et ambassadeurs du changement, vecteurs de diffusion des nouvelles pratiques dans l’organisation.

La méthode, c’est le chemin une fois qu’on l’a parcouru

Ainsi, la ville de Rouen ou de Strasbourg s’appuient sur un réseau interne de managers qui jouent le rôle de formateurs ou de facilitateurs aux côtés d’intervenants externes (CNFPT, organismes de formation, cabinets spécialisés), tandis que la ville de Caluire-et-Cuire a fondé sa démarche sur le mécénat de compétences. Le conseil départemental de Mayenne et la région Ile-de-France misent également sur un système de tutorat ou de parrainage, visant à accompagner les nouveaux managers et à faire le lien entre les managers stratégiques et de proximité. Il ne reste plus qu’à identifier ces précieuses ressources et à faire éclore les talents cachés qui contribueront à la réussite collective de la démarche !

Passer à l’action, expérimenter puis s’ajuster

Pour se lancer, nul besoin de tout ficeler dès le départ : « la méthode, c’est le chemin une fois qu’on l’a parcouru » (Marcel Granet). L’essentiel, dans une démarche de transformation managériale, est d’adopter une approche itérative et incrémentale, qui se construit pas à pas puis s’ajuste au gré des différentes expérimentations. Cela implique d’être transparent sur la démarche et d’être humble et agile dans son déploiement.

Il est indispensable de s’appuyer sur les besoins réels de l’ensemble des bénéficiaires

Le cadre de départ doit ainsi être à la fois structuré dans ses grands principes et dans les objectifs recherchés pour permettre une cohérence d’ensemble, tout en étant souple et adaptable dans ses modalités de mise en œuvre. Il s’agit ensuite d’orchestrer et d’animer la dynamique collective en s’appuyant sur l’ensemble des ressources et réseaux internes, dans une logique favorisant la mise en intelligence collective et l’expérimentation. Puis, sur la base des retours d’expériences et des besoins émergents, les collectivités ajustent les contenus de leur offre et l’organisation du dispositif au fil des promotions et des années. La démarche est définitivement progressive et graduelle, l’enjeu étant d’atteindre le point de bascule qui permettra de passer à l’échelle !

TÉMOIGNAGE

« Comment faire pour assurer cette cohérence ? »

Il y a de nombreux dispositifs avec plusieurs vitesses de management, comme une fusée à plusieurs étages : cela part d’un niveau minimum de montée en compétences des cadres, pour viser ensuite l’animation d’un collectif managérial. Au niveau suivant, c’est toute la chaine managériale qui est associée et impliquée dans le dispositif. Ensuite, c’est l’ensemble de la politique RH qui est impactée, et au dernier étage le système dans son ensemble. Pour être efficace et pertinent, le dispositif doit être à la fois souple et jalonné par plusieurs niveaux. L’important est de disposer d’un socle minimum de fondamentaux, complété par des options pour aller plus vite et plus loin, au gré des besoins et des aptitudes des différents managers.

Par ailleurs, il est essentiel d’être en phase avec la réalité et de résonner avec les besoins quotidiens des agents et des managers, pour éviter l’effet hors sol et les risques de désengagement induits. Ce besoin de cohérence avec le quotidien est essentiel dès le lancement et tout au long de la démarche. Il s’agit d’être aligné sur l’ensemble de la chaîne et des politiques managériales, d’être cohérent dans tous les arbitrages rendus au quotidien.

Comment faire pour assurer la cette cohérence ?

La tentation d’une démarche qui pose la stratégie globale puis en décline les principes au quotidien est compréhensible mais piégeuse : mieux vaut avancer en faisant pour limiter le risque de décalage entre discours et réalité. La qualité du collectif managérial est une première réponse. Elle permet à la fois de briser l’isolement du manager et d’enrichir les pratiques communes. Le collectif managérial a aussi un rôle de contrôle et de régulation des éventuelles incohérences entre les principes affirmés et la réalité du quotidien, il permet de repérer les situations dans lesquelles les choix faits risquent d’aller à l’encontre des valeurs promues. Le co-développement entre pairs et le feed back sont des outils intéressants pour consolider une communauté de managers car ils favorisent l’apprentissage collectif et la co-responsabilisation. Par ailleurs, la mise en place d’un process officiel de gestion des alertes peut être utile et complémentaire pour permettre aux agents de faire remonter les incohérences managériales. Oser dire d’un côté, et accepter les feed back terrain de l’autre, dans une logique de réciprocité et sans attendre l’entretien annuel : un bon moyen d’améliorer la qualité de vie au travail de chacun.

En somme, instaurer un dialogue permanent et réciproque sur le management, tout à la fois transparent et authentique, horizontal et vertical, entre managers et avec les managés, peut être l’une des clés pour assurer cette cohérence de l’écosystème managérial. Encore faut-il avoir un discours clair et assumé, et faire du droit à l’erreur une réalité qui permette à chacun d’oser et de s’y sentir autorisé.

Harmony Roche, coordinatrice du lab AATF

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