Quelle ingénierie territoriale sur le terrain ?

Eric Landot

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Quelle ingénierie territoriale sur le terrain ?

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© gremlin - istc

À quel niveau l’ingénierie territoriale doit-elle être portée à l’intérieur de chaque département ? Scot, PETR, EPCI ? Il faut choisir à la fois le niveau d’intervention et l’outil qui portera cette intervention. L’idée est de s’adapter au meilleur territoire possible, tout en gardant l’expertise accumulée au fil des années avec des dispositifs spécifiques. Les exemples de terrain permettent d’éclairer le débat.

Une question fondamentale des territoires consiste à se demander si l’ingénierie territoriale, au niveau infradépartemental, doit être portée par :
- des syndicats de type Scot ou autrefois de « pays », des PETR ou autres territoires usuels de contractualisation (contrats dits « CCDRA » de feu la région Rhône-Alpes par exemple), comme ce fut longtemps le cas… ces échelons gardant encore, mais de manière très différenciée selon les territoires, une expertise difficile à remplacer en termes de relations avec les régions, voire avec certaines institutions comme l’ARS ;
- ou des EPCI à fiscalité propre, solution qui s’impose de plus en plus souvent si la communauté (ou la métropole) est à la fois vaste et structurée, à la faveur de la montée en puissance des outils de mutualisation et autres prestations de services.

Chacun attend de voir ce que sera, au cas par cas, la strate privilégiée à l’avenir par la région, en termes de contractualisation et de constitutions d’agences.

Ce choix, qui fut difficile en matière d’ADS (application du droit du sol) dans nombre de territoires, lors du désengagement de l’État en ce domaine, est aujourd’hui encore plus incertain car chacun attend de voir ce que sera, au cas par cas, la strate privilégiée à l’avenir par la région, en termes de contractualisation et de constitutions d’agences.

L’expérience du Pôle d’équilibre territorial rural du Perche eurélien

Quelles missions ?

Le PETR se compose de cinq communautés de communes du Perche d’Eure-et-Loir, pour 45 000 habitants, et compte sur sept ETP, dont deux pour l’urbanisme (en réflexion pour un agent économique et un agent plan climat en plus).

Dans un contexte marqué par les difficultés économiques et la concurrence entre territoires (montée en puissance des régions et des agglomérations), les élus du Perche ont compris qu’il était nécessaire de « prendre leur destin en main ». La réforme territoriale (Maptam et Notre) a amené les élus à travailler, avec l’aide d’un cabinet, sur le cadre d’intervention local entre les communes, les communautés de communes et le pôle territorial (quel échelon stratégique ? quel échelon pertinent pour telle compétence ? quelle gouvernance ? quelle ingénierie ? quelle organisation ? quelle mutualisation ? voire quelles économies d’échelle…).

TÉMOIGNAGE
"Suivi, efficacité et proximité"

Parmi les clés de la réussite d’un dispositif d’aide ou de l’ingénierie territoriale, je soulignerais le couple suivi/efficacité. Il s’agit d’avoir le « bagage technique » adéquat, la capacité à s’adapter et à personnaliser la réponse sans rompre l’égalité de traitement bien sûr, et de pouvoir informer l’usager quasiment en temps réel sur la réponse apportée, que celui-ci soit public ou privé. Il faut aussi cultiver la proximité : cela va de pair avec le suivi, car plus les structures seront grandes et plus l’offre de services devra être pensée en termes de facilité d’accès et de niveau d’humanité, notamment en milieu rural…
Jérôme Clément
Directeur du Pôle d’équilibre  territorial rural du Perche

Quelles compétences ?

Ont été transférées au PETR les compétences suivantes :
- élaboration, approbation, mise en œuvre, suivi, évaluation et révision du schéma de cohérence territoriale (hors compétence, le PETR exerce la mission d’instruction des autorisations d’urbanisme pour le compte des maires des communes adhérentes au service) ;
- conseil auprès des acteurs économiques dont les entreprises locales et coordination/élaboration/diffusion des actions et outils de promotion économique du territoire ;
- coordination et management de la promotion touristique du territoire ; opérations d’aménagement touristique d’intérêt territorial (par délibérations concordantes des communautés de communes membres) ;
- actions de promotion de la transition écologique et énergétique : animation d’une plateforme de rénovation énergétique de l’habitat.

Enfin, le PETR élabore le projet de territoire avec les communautés membres. Dans ce cadre, il coordonne la contractualisation territoriale avec la région (contrat de territoire, fonds UE), voire avec l’État et le département lorsque les dispositifs existent. Dans le cadre de ces contrats, le pôle poursuit, comme le faisait le pays, sa mission d’accompagnement technique et thématique des porteurs de projets.

Pour les élus, il s’agit de bénéficier d’un appui technique de qualité et de proximité. Ils ont le sentiment que tout devient plus grand (régions XXL, agglomérations métropoles, fusion des intercommunalités rurales…), plus compliqué (réglementations, désengagements techniques de l’État et du département) et que tout va plus vite (usages numériques). Les communautés de communes ont donc confié au pôle territorial des missions à la fois de portée stratégique et qu’elles estiment plus pertinentes mises en œuvre « à plusieurs ». Elles ont ensuite donné les moyens au pôle de recruter et de déployer l’ingénierie pour assumer les missions confiées (la cotisation est passée de 2,50 euros à 4,84 euros). Ainsi, sont assurées des missions d’aménageur/développeur (Projet de territoire/Scot/Agenda 21/Plan climat + schémas thématiques économie/tourisme/santé etc., contractualisations/réponses aux appels à projets, jusqu’à la politique de marketing territorial promotion économique/promotion touristique etc.) et des missions d’appui technique aux acteurs publics et privés.

Les enseignements du Pays du Haut-Limousin

Qui est aidé ?

Les 51 communes (4 communautés de communes) du Pays du Haut-Limousin, les entreprises ou les associatifs de tous domaines peuvent être aidés par le pays. Notre mission peut s’étendre d’un accompagnement méthodologique pour le montage de leurs projets à l’aide au montage de dossiers de demande de subventions. Nous sommes également moteurs de la mise en réseau des différents acteurs du territoire afin de faciliter l’émergence de projets. Les interventions sont liées aux politiques territoriales animées par le pays (programmes européens Leader et Feder Massif Central, contrat avec la région…). À partir de la charte de pays, un travail de réflexion prospective et de projet autour du développement de notre territoire est piloté. Les projets qu’accompagne le Pays nourrissent cette politique.

Quels moyens ?

Un conseil d’administration composé d’élus et de socioprofessionnels pilote l’association. Une équipe de 5 personnes apporte l’ingénierie nécessaire :
- 1 chef de projet Pays/coordonnatrice,
- 1 animatrice « Accueil et activités économiques »,
- 1 animateur tourisme/Programme Leader,
- 1 animateur culture/Programme Leader,
- 1 secrétaire/gestionnaire du programme Leader.

TÉMOIGNAGE
Jean-François Perrin, p
résident du Pays du Haut Limousin :  "Les élus du pays doivent être impliqués"

- À quel prix intervenez-vous ?
Les communautés de communes versent 5 euros par habitant pour le fonctionnement et l’ingénierie, l’Europe et la région apportent une contribution importante (50 %) en finançant certains postes. Les services de conseil, d’accompagnement et d’appui sont donc gratuits pour les porteurs de projets, qu’ils soient publics ou privés.

- Quelles ont été les difficultés à surmonter ?
L’une des difficultés réside dans le fait que nos structures sont mal connues, mal identifiées ; il faut savoir mieux communiquer. De plus, les métiers de l’ingénierie, quand ils relèvent de l’accompagnement ou de la coordination, sont difficiles à appréhender par le grand public. Car on produit essentiellement du lien : rien qui puisse paraître concret. Le travail de conviction nécessite une réelle implication des élus du « pays ». Ceux qui utilisent l’ingénierie mise à leur disposition en sont satisfaits et deviennent des partenaires. C’est par l’exemple qu’il faut arriver à l’adhésion de tous.

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