Quelles perspectives pour l’action économique locale ?

Philippe Nikonoff

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Quelles perspectives pour l’action économique locale ?

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Plus question de continuer comme avant. Il faut revoir de fond en comble son approche du développement économique locale. La bonne nouvelle, c’est que des outils existent pour vous y aider. Et que leur mise en pratique permettra aux collectivités de faire des réels progrès. Pour le bien des territoires.

Article publié le 27 juillet 2017

Puisque l’économie et les entreprises changent, les développeurs ne peuvent continuer à travailler pour l’essentiel comme au début des années quatre-vingt. Il ne s’agit pas de passer au logiciel 2.0, mais d’aller plus loin en revoyant le système d’exploitation, celui qui permet aux logiciels de tourner et de bien tourner… Voici quelques pistes.

Prendre en compte l’ensemble de l’économie

Tout d’abord, il s’agit désormais de travailler sur 100 % du tissu économique. Il n’est plus réaliste, ni efficace de limiter l’action aux entreprises visibles et de grande taille. Même s’il s’agit d’un changement culturel important, les technologies disponibles permettent de le gérer sans difficultés à partir de fichiers numériques, notamment ceux fournis par l’Insee (mais également les fichiers fiscaux qui représentent chaque année un recensement du tissu économique).

Plus largement, on ne peut plus penser l’économie d’un territoire comme une « entité » séparée du reste du tissu. L’économique, le social, le cadre bâti, la forme paysagère, la sociologie, les revenus, les infrastructures, la qualité du service public (crèches, transports, enseignement, loisirs, culture, etc.), font partie des atouts d’un territoire et de son attractivité.

Il n’est plus réaliste, ni efficace de limiter l’action aux entreprises visibles et de grande taille.

Un créateur peut s’implanter parce que là où il réside, il bénéficie du haut-débit. Mais aussi parce qu’il peut amener son enfant à la crèche à vélo et sur une piste cyclable… Le développement économique du futur doit être capable de voir les enjeux aussi sous cet angle, très transversal, complexe, foisonnant, parfois inattendu mais passionnant !

Lire aussi : Investir malgré tout : une révolution culturelle

Actualiser d’urgence l’approche

Du néolithique jusqu’à l’Antiquité, l’agriculture était au cœur de l’économie et si des haches en pierre polie pouvaient circuler du nord de l’Europe jusqu’à la Turquie (et réciproquement), il s’agissait d’échanges exceptionnels. Le commerce s’est développé progressivement, au rythme de l’amélioration des transports et de la sécurité, puis le capitalisme a révolutionné la production notamment avec l’usage du charbon. Mais les cycles de vie des entreprises étaient longs et relativement lents.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui et l’ensemble des technologies disponibles bouleversent l’ensemble de l’économie, de la production jusqu’à la consommation. Ce sont l’ensemble des repères qui changent. Il faut donc non seulement travailler sur 100 % des entreprises mais aussi comprendre que l’économiste du futur devra travailler sur un monde économique de plus en plus mobile, de plus en plus connecté sur le monde alors même qu’il n’a pas de visibilité locale.

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Développer la coordination

La coordination entre territoires reste l’exception et ce qui domine est la concurrence. S’il n’y a pas un minimum de régulation, on sait que la concurrence profite aux plus forts. Dit autrement, si l’État n’introduit pas un minimum de règles communes, les déséquilibres en territoires vont s’aggraver. Sujet délicat, puisque cela revient à dire qu’il y a probablement trop de décentralisation « spontanée » et qu’il faut arriver à un meilleur équilibre, sans pour autant perdre les acquis de la décentralisation…

Si l’État n’introduit pas un minimum de règles communes, les déséquilibres en territoires vont s’aggraver.

Pour une part, cela peut passer par une collaboration entre territoires (par exemple, créer un fichier national des « chasseurs de primes » mais aussi un minimum de partage d’information sur les projets d’aménagement économique ou commercial, etc.). Pas sûr néanmoins que cela suffise à éviter les gâchis et doublons des dernières décennies. Alors, faut-il remettre un peu d’État dans tout cela pour le remettre en état ?...

TÉMOIGNAGE
« Nous sommes dans une transversalité permanente. Les questions d’aménagement et d’attractivité du territoire, le développement durable amènent à cette transversalité entre les services. Les difficultés de recrutements, par exemple, nous conduisent à penser l’habitat, l’accueil de nouveaux habitants : nos équipements sont-ils bien calibrés, le territoire peut-il supporter ces nouveaux habitants ? De plus en plus, nous provoquons ces rencontres entre les services car l’assemblage des compétences vient nourrir nos propres réflexions. Hormis le recrutement, le développement durable est un autre point d’entrée : à titre d’exemple, nous allons développer un travail sur l’écologie industrielle territoriale à l’échelle de l’une de nos Zones d’activités économiques. Grâce à cette transversalité, nous réfléchissons même à de nouveaux projets de tiers lieu, où les activités économiques, culturelles et l’habitat seraient mêlés. Des innovations d’usage sont en train d’émerger. »
Sylvanie Alain, chargée de mission en développement économique, communauté de communes du Pays de Mortagne

Former autrement

La formation des développeurs du futur est un enjeu essentiel. Sans doute faut-il consacrer un peu moins de temps à la communication et à la gestion des zones d’activité et beaucoup plus de temps à la connaissance. S’il est un domaine qui ne peut faire économie de connaissance, c’est bien celui de la connaissance économique !

TÉMOIGNAGE
« L’approche environnementale conduit forcément à adopter une stratégie transversale. Nous avons été labellisés « Territoire à énergie positive pour la croissance verte » (TEPCV), pour lequel la collectivité s’engage à réduire les besoins en énergie de ses habitants, des constructions, des activités économiques, des transports, des loisirs. Dans cette démarche, nous avons réfléchi à un programme global pour un nouveau modèle de développement, plus sobre et économe. Nous travaillons sur ce thème dans le domaine touristique, nous proposons des VTT électriques, nous avons mis en place une formation d’éco-construction pour les artisans, nous procédons actuellement à une étude de méthanisation… Sous cet angle, il est impossible de cloisonner. »
Jean-Christophe Ferrer, DGS de la communauté de communes Lomagne Gersoise

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