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Face aux défis multiples qui traversent la société, les standards et les modes de fabrique de l’action publique locale sont de plus en plus bousculés. Dans ce contexte, les collectivités territoriales sont souvent en première ligne parmi celles et ceux qui cherchent à innover, expérimenter et, de façon plus générale, à dessiner de nouvelles voies. Mais ces initiatives peinent à faire système et à proposer un nouveau référentiel en mesure de représenter une alternative à l’épuisement de la mode du new public management.
L’action publique est en premier lieu confrontée à une crise idéologique et de légitimité
La montée en puissance des travaux autour de la transformation publique comme le bouillonnement autour de quelques éclaireurs (la 27e région, Millénaire 3, le laboratoire de prospective du Grand Lyon et bien d’autres) offrent aujourd’hui des perspectives à la fois enthousiasmantes et inspirantes.
Un nouveau rôle pour les élus locaux
Les actualités locales auxquelles élus et cadres territoriaux sont chaque jour confrontés comme les grands défis globaux placent l’action publique au cœur de tensions et de dynamiques multiples qui bousculent les manières de faire traditionnelles et les habitudes de travail souvent solidement ancrées.
La déstabilisation du rôle des élus est révélatrice de la transformation structurelle de la place du politique dans l’action publique territoriale
L’action publique est en premier lieu confrontée à une crise idéologique et de légitimité. Au-delà de la critique lancinante de la classe politique et des fonctionnaires, qui est en quelque sorte la face émergée de l’iceberg, force est de constater que l’autorité de fait des acteurs publics est de plus en plus discutée, à la fois car leur capacité à incarner l’intérêt général n’est plus systématiquement reconnue comme acquise et parce que leur aptitude à mettre en œuvre des réponses adaptées et satisfaisantes est tout autant questionnée. Pour Manon Loisel et Nicolas Rio, coauteurs d’une très stimulante contribution auprès de la Fondation Jean-Jaurès « À quoi servent encore les élus locaux après les gilets jaunes ? », cette déstabilisation du rôle des élus est le révélateur d’une transformation plus structurelle de la place du politique dans l’action publique territoriale et appelle à réinventer le métier d’élu local, pour en renforcer la légitimité et l’utilité. Ils proposent quelques pistes en ce sens :
- « des élus qui facilitent les initiatives locales, au lieu de chercher des projets innovants » ;
- « des élus qui organisent le dialogue, au lieu de se positionner comme unique interlocuteur » ;
- « des élus qui jouent collectif, au lieu de se présenter comme des super-héros ».
Garder les agitateurs
Au-delà, la sphère publique peine de plus en plus à attirer des compétences, le moteur du service public et de l’intérêt général ne suffisant plus à faire sens pour de jeunes cadres notamment qui sont en recherche d’autonomie, de créativité et d’agilité et qui se confrontent encore souvent à des réflexes bureaucratiques et à une culture du parapluie décourageant souvent la prise d’initiative. Bien souvent, des profils brillants et animés par une force d’engagement peu commune disent réaliser davantage leurs aspirations à servir le bien commun dans le cadre de projets associatifs ou de l’horizontalité qu’offre la société civile. En d’autres termes, ils renoncent à la sécurité que peut représenter un engagement dans la fonction publique au profit de missions qu’ils considèrent plus porteuses de sens.
Diffuser de nouveaux comportements dans les administrations « sans attendre un hypothétique grand soir »
Cette tendance doit nous alerter car des organisations qui perdent des profils d’agitateurs d’idées ou d’éclaireurs/de défricheurs perdent souvent en dynamique managériale globale. Conscients de ces risques, certains éclaireurs se sont rassemblés dans l’association « fonction publique 21 », qui rassemble des jeunes agents publics de moins de 35 ans et qui appelle à penser les enjeux de transformation et de sens de l’action publique, notamment en diffusant de nouveaux comportements dans les administrations « sans attendre un hypothétique grand soir ».
Un défi quotidien
Enfin dans une société où le rapport au temps a profondément évolué et où jongler entre-temps court et temps long est une bataille de tous les instants, l’action publique est tiraillée dans une exigence de proximité et de réactivité de plus en plus forte tout en étant constamment interpellée sur sa capacité à éclairer le temps long et à accompagner les grandes mutations. En d’autres termes, concilier agilité/sens du concret et vision transformatrice/prospective devient le défi quotidien des décideurs publics.
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