Sabine Girard, adjointe à la mairie de Saillans : « Nous avons été élus pour organiser le débat public »

Stéphane Menu

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Sabine Girard, adjointe à la mairie de Saillans : « Nous avons été élus pour organiser le débat public »

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© JP Djivanides

Faire de la politique autrement, c’est chercher à répondre aux aspirations de la population. Cette tautologie n’est pas évidente à mettre en œuvre. Sauf à Saillans (Drôme), dont les élus-habitants sont obsédés par la quête des plus infimes requêtes, notamment émises par la population la plus éloignée de la politique. Visite, avec une adjointe au maire, d’un laboratoire sociétal qui suscite une curiosité grandissante.

Est-il vrai que vous êtes très régulièrement sollicités par les journalistes et que vous ne pouvez presque plus faire face à la demande ?

Nous sommes sollicités par tout le monde ! Des élus, des associations d’habitants, des personnes qui ont envie de faire de la politique autrement… Des élus de Grenoble, assez proches de notre démarche, sont venus nous voir. Le défi à atteindre est plus élevé pour eux car on n’organise pas de la même manière une réunion à 100 personnes et une autre à 1 000. Mais les ressorts de la démocratie participative restent les mêmes…

Deux ans après l’élection de votre liste, peut-on dire que la formule démocratique absolue qui est la vôtre marche ?

Oui et non parce qu’il nous faut prendre plus de recul encore. La première victoire a d’abord été la création de cette liste citoyenne ; la deuxième de gagner l’élection. Je pense que le système se rode, fonctionne de mieux en mieux. La base de ce système est d’élargir au maximum la participation des habitants, pour éviter qu’une seule personne décide seule pour tous. La méthode de partage de l’écoute de la parole des habitants permet d’éviter que des frustrations naissent, s’enkystent, créent des fractures dans une petite communauté de vie comme la nôtre.

Chacun doit être écouté, avec les mots qui sont les siens. Puis, en fin de réunion, il faut trancher et nous le faisons.

Chacun doit être écouté, avec les mots qui sont les siens. Puis, en fin de réunion, il faut trancher et nous le faisons. C’est l’idée, le projet, l’initiative qui recueille la majorité qui est retenue. Ce processus paraît très banal, me direz-vous. Pas tout à fait, puisque les déçus savent pourquoi ils doivent l’être, ce qui est rarement le cas dans d’autres processus de décision supposément démocratiques.

Comment définir cette méthodologie ?

Nous nous sommes inspirés de ce qui s’est toujours fait dans le cadre très vivifiant de l’éducation populaire. L’objectif est d’être le plus à l’écoute de ceux qui sont le moins à l’aise à l’oral ou pour formuler une idée. La force d’une idée n’est pas la manière dont elle est formulée mais ce qu’elle contient de novateur, de constructif.

« Nous nous sommes inspirés de ce qui s’est toujours fait dans le cadre très vivifiant de l’éducation populaire. »

La démocratie participative n’est pas un concours de parlottes. L’élargissement du champ des avis est indispensable. Nous allons chercher ceux qui ne viennent pas à nous. Nous organisons des réunions sur le terrain directement.

Comment les habitants interpellent-ils l’administration municipale ?

Notre système fonctionne sur deux piliers, la participation, bien sûr, mais aussi la collégialité. Le maire est là parce qu’il fallait en désigner un. Nous ne fuyons pas les responsabilités mais nous travaillons sur des binômes, des tâches identifiées par les habitants qui n’écrivent donc plus directement au maire mais aux élus concernés. Personnellement, je réponds aux questions sur la gouvernance de cette méthode et c’est d’ailleurs pour cette raison que je réponds aux journalistes (rires)…

On imagine une ruralité un peu fermée sur elle-même, traditionnelle, peu encline à l’innovation.

C’est tout le contraire. En tout cas, à Saillans. Beaucoup de nouveaux arrivants font le choix de la ruralité. Elle n’est pas contrainte, c’est un vrai choix de vie, qui ne tient pas seulement au fait que l’on peut se balader le dimanche en famille dans la forêt. Ce choix nous impose de réfléchir à la manière de bien vivre dans notre village.

L’ancien maire, François Pegon, ex-Modem, était-il contesté ?

Non, pas plus qu’ailleurs. Peut-être avait-il quelques difficultés à informer la population sur les décisions qu’il prenait… D’où certaines incompréhensions avec la population, des blocages.

« La discussion collective permet à ceux qui ‘ont perdu’ de savoir pourquoi leur position n’a pas été retenue. »

Sur les 1 100 habitants, 200 d’entre eux participent donc concrètement aux décisions…

Quatorze groupes de projets sont nés autour de problématiques très diverses, comme la mise en place d’un compostage collectif ou la réduction de la durée de l’éclairage public. Sur ce dernier point, ce n’était pas simple à mettre en place car l’éclairage différencié, s’il permet de réduire de 40 % la facture énergétique d’une commune comme la nôtre, pose des questions de sécurité, de vivre ensemble. Là aussi, la discussion collective permet à ceux qui « ont perdu » de savoir pourquoi leur position n’a pas été retenue.

Votre liste penche-t-elle plutôt à gauche ?

Nous sommes sur un échelon local, au sein de la liste, je ne suis vraiment pas sûre que nous votons tous pour les mêmes formations politiques. Le respect de l’autre et de l’environnement incarne-t-il une valeur de gauche ou de droite ? Le développement culturel de notre commune est un point essentiel, parce qu’il attire potentiellement des touristes et participe au maintien d’une dynamique territoriale. La culture est-elle plus de gauche que de droite ?

Votre démarche se heurte à des limites réglementaires. Prenons l’exemple du plan local d’urbanisme (PLU).

Votre question tombe à pic puisque nous entrons dans une phase de révision de ce PLU. Nous avons regardé comment les choses se faisaient ailleurs. Il faut d’abord réfléchir aux objectifs de ce PLU, les poser conformément dans un document officiel, puis en discuter dans le cadre d’une concertation quelque peu biaisée puisque les objectifs sont fixés de façon apriorique. Est-il judicieux d’inviter les gens à débattre si les choses ont été fixées en amont ? Nous avons donc décidé de reporter de six mois l’arrêté de lancement de la concertation pour solliciter les services d’un bureau d’études chargé de nous aider à mener la concertation.

Et vos relations avec l’intercommunalité (Ndlr, communauté de communes du Crétois et du Pays de Saillans), comment se passent-elles ?

Pas simples. Beaucoup de dossiers coincent parce que la manière de mener les débats au sein d’une interco n’est pas la même que celle que nous prônons. Mais les relations s’améliorent avec le temps. Nous parvenons à faire entendre notre petite musique.

Vous insistez beaucoup sur la communication. Or, beaucoup d’élus communiquent. Trop même, aux dires de certains…

Nous parlons d’information, pas de communication. Il ne s’agit pas de dire que l’équipe municipale est la plus belle qu’il soit. Les pages les plus consultées sur notre site municipal sont celles qui concernent les comptes rendus de réunion. Informer sur des dossiers déjà ficelés, c’est ça, la communication institutionnelle, un peu dépassée, que plus personne ne prend vraiment au sérieux. Nous voulons démystifier la fonction politique, inviter les habitants au débat parce que nous ne détenons qu’une seule chose, la légitimité d’organiser le débat public. Et nous savons que seuls, nous prenons plus de risques de nous tromper qu’à plusieurs…

Qui est Sabine Girard ? Une élue parmi d’autres, en charge de l’environnement, de l’énergie et de la mobilité dans cette petite commune de 1 100 âmes. Et chargée aussi de répondre aux journalistes. Le maire ? Il s’appelle Vincent Beillard et il délègue la communication aux membres de son équipe. Dans la répartition des compétences au sein de la mairie, on trouve des intitulés classiques (aménagement, travaux, sécurité, etc.) puis d’autres plus affirmatifs du projet original de l’équipe municipale : « vivre longtemps au village » et « transparence-information ».

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