528-itw-actu-said-AhamadaIMG-1718
© Assemblée nationale
Vous avez été chargé par le ministre du Logement et de la Politique de la ville, Julien Denormandie, de sonder les quartiers dans le cadre du Grand débat national. Comment les habitants se sont-ils investis ?
Les habitants de ces quartiers sont confrontés aux mêmes problèmes que les autres. Mais on peut dégager des convergences de préoccupation entre le monde rural et le monde de la banlieue, comme la désertification médicale, le manque de services publics ou encore les difficultés de logement. Transports, éducation, fracture numérique restent quand même les grands thèmes qui ont traversé les débats. La numérisation croissante dans l'accès aux services publics est souvent anxiogène. Ce qui entraîne un sentiment de déclassement…
Vous êtes député LREM dans les quartiers Nord de Marseille. À ce jour, aucune candidature ne se détache pour les municipales dans votre camp ((Encouragé par Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, on a récemment cité le nom du sociologue Jean Viard comme chef de file possible pour LREM à Marseille.))… Il ne faudrait pas trop tarder, non ?
L’objectif, pour nous, est de proposer rapidement une alternative crédible à Jean-Claude Gaudin et aux bébés Gaudin, qui se glissent dans ses chaussons tout en donnant le sentiment de s’en détacher. Les Marseillais auront ainsi la possibilité de choisir entre ceux qui héritent un système politique qui a montré ses limites et ceux qui proposent de faire entrer cette ville dans le XXIe siècle.
Votre problème, c’est la crédibilité, ajoutée à une lisibilité encore incertaine…
J’ai l’impression, à vous entendre, de percevoir les mêmes échos de ceux qui nous font un procès en illégitimité, comme si le fait de l’élection des députés marcheurs était une anomalie de l’histoire ou un accident électoral. Nous sommes bien là et nous travaillons.
On peut imaginer que 2020 sera l’occasion de rêver de tourner la page, sans héritage, pour travailler à neuf sur cette ville, avec de nouvelles personnalités politiques. Nous aurons certainement à choisir une personnalité dans la foulée des élections européennes.
Le choix du candidat est simple : une personnalité civile ou un élu. À partir de là et du débat qui se mettra en place, nous représenterons l’alternative dont cette ville a besoin.
Le drame de la rue d’Aubagne ((Le 5 novembre 2018, un immeuble s’effondre à la rue d’Aubagne, en plein centre-ville de Marseille. 8 personnes perdront la vie.)) a joué comme un révélateur. Autour de moi, je sens bien que la volonté de changer d’équipe est réelle.
Vous commencez à préparer le terrain en affirmant que la mairie de Marseille et la métropole Aix-Marseille-Provence ne font pas assez en matière de mobilité pour les quartiers Nord…
Il serait en effet difficile de défendre le contraire. Il suffit de déployer une carte de la ville et d’y positionner les chantiers qui s’y déroulent pour s’en rendre compte.
C’est pour cette raison que j’ai récemment rencontré les dirigeants de la société Lime, qui déploie une flotte de trottinettes électriques sur Marseille, pour voir avec ses dirigeants si le périmètre de circulation peut être étendu. Lime peut apporter une solution qui ne coûterait rien à la ville. Quand on mesure le nombre d’années de retard sur la station de métro Gèze à Marseille (lire encadré ci-dessous), alors que l’extension vers l’Est via la station Fourragère est actée depuis des années, on peut en déduire effectivement que les quartiers Nord ne sont pas une priorité en matière de mobilités.
Mettre autant d’années à construire une station de métro particulièrement attendue par les habitants, ça donne le sentiment que l’envie de mener à bien le projet n’est pas totale.
Et quand je parle des problèmes techniques avec les habitants, ils s’étonnent que l’on ne puisse pas les régler plus rapidement au XXIe siècle !
Le fiasco de la station Gèze
Annoncé en 2010 par la majorité socialiste alors à la tête de Marseille Provence Métropole, le prolongement de 900 mètres du métro vers les quartiers Nord, au-delà de la station de métro Bougainville, devait être inauguré en 2014. Des fouilles archéologiques obligent la majorité UMP à reporter l’échéance à 2016. En 2017, des « problèmes techniques » rallongent le calendrier. Puis des défaillances graves reportent l’inauguration à septembre 2019, le temps de vérifier 400 000 points de connexion ! Dans une récente conférence de presse, Martine Vassal, présidente d’Aix-Marseille-Provence, s’est refusée à donner « une date » d’inauguration.
Qui peut prendre la décision d’un déploiement plus vaste, notamment vers les quartiers Nord où vous êtes élu ?
La mairie centrale… Lime a demandé cette extension. Leurs dirigeants attendent un retour de la mairie qui, pour l’heure, n’a pas donné de précisions. Lime, comme les autres opérateurs, est un opérateur privé qui offre un service public aux habitants de la ville. Je n’ai que des retours positifs sur cette expérimentation. Pourquoi ne pas passer à une échelle supérieure ? Surtout dans une ville comme Marseille, coupée en deux en matière de mobilités…
L’aménagement de la ville et les mobilités seront-elles au cœur de la prochaine élection municipale ?
Oui. Depuis le drame de la rue d’Aubagne, on sent bien que les élus aux responsabilités ont du mal à concevoir une vision globale de la ville. C’est une urgence car tout le potentiel de développement de cette ville se trouve dans ses quartiers Nord. Marseille a tellement de retard que l’on peut avancer plus vite qu’ailleurs.
Lire aussi : À Marseille, un lab' zéro SDF