santa monica
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À quelques kilomètres de Los Angeles, d’immenses plages léchées par l’océan, des palmiers, un soleil éblouissant, et une population composée de surfeurs, de célébrités, d’étudiants et de touristes. L’image de Santa Monica n’est plus à faire : c’est celle d’une ville où il fait bon vivre, peuplée par des personnes plutôt aisées, soucieuses de leur santé et sportives. Quand, en 2013, la ville décide de se lancer dans une grande enquête sur le bien-être de ses habitants, peut-être pensait-elle trouver les clés du bonheur à partager ensuite avec d’autres municipalités. Les décideurs du projet ne pensaient certainement pas porter un coup de canif à la belle image de la ville.
Maximiser le bonheur des citoyens
Santa Monica s’est donc inscrite au Bloomberg Mayors Challenge, compétition destinée à valoriser les initiatives des villes, transposables dans d’autres régions ou pays. L’équipe fait partie des finalistes et se voit attribuer un budget d’un million de dollars pour mener son projet à bien. Avec les experts mis à disposition par Bloomberg Philantropies, les participants tâchent de développer un modèle dont l’objectif est de disposer de clés pour développer des stratégies permettant de maximiser le bonheur des citoyens.
« Nous souhaitions aller plus loin que les utilisations traditionnelles des données faites par les gouvernements, comme les kilomètres de pistes cyclables, le nombre d’arbres par kilomètre carré, le taux de criminalité… » explique Julie Rusk, chef du projet The Wellbeing Project. « Nous voulions prendre certaines de ces données et les combiner avec des études et des interactions réalisées sur les réseaux sociaux, pour vraiment comprendre le vécu des habitants. » Plusieurs périmètres sont ainsi définis : la santé, l’apprentissage, les liens avec sa communauté et la possibilité d’exprimer son point de vue.
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Mauvaises surprises
2 200 des 78 000 adultes que compte la ville ont répondu à une enquête qualitative dans laquelle ils étaient questionnés sur leurs liens avec leurs voisins, la manière dont ils utilisaient leur temps libre, s’ils estimaient que la ville savait s’adapter à leurs besoins…
En plus de cette enquête envoyée à l’aide des registres de vote de la municipalité, les enquêteurs ont suivi les discussions sur Twitter en lien avec Santa Monica, pour connaître les thématiques abordées.
Enfin, ils ont retenu une autre application, Foursquare – sorte de City guide en crowdsourcing – pour connaître les sites les plus plébiscités par les utilisateurs (et sans surprise, la plage était la destination principale !).
La surprise fut de découvrir qu’une large majorité des résidents ne se sentaient pas engagés dans leur propre communauté et estimaient avoir peu d’influence sur les prises de décision.
Une grosse compilation de données pour des résultats surprenants. Alors que la ville s’enorgueillit de ses très bons taux de participation aux élections et d’un taux de volontariat supérieur à la moyenne nationale, elle a eu la surprise de découvrir qu’une large majorité des résidents ne se sentaient pas engagés dans leur propre communauté et estimaient avoir peu d’influence sur les prises de décision. Seulement 56 % des personnes interrogées estiment pouvoir compter sur leur voisinage, quand la moyenne nationale est de 80 %. Et contrairement à l’image répandue d’une ville sportive, plus de 50 % de la population ne pratique aucune activité sportive au quotidien.
« Une chance de reconsidérer chaque fonction de la municipalité »
Rick Cole est le directeur municipal de la ville de Santa Monica. Pour lui, le « Wellbeing project » est une chance de redémarrer de zéro et de reconsidérer chaque fonction de la municipalité. Quel est le meilleur usage du département incendie, dans une ville qui n’a qu’une poignée d’incendies de bâtiments par an ? Comment une bibliothèque s’intègre-t-elle dans un futur tout digital ? Il compare les villes au rail, aux journaux, aux services postaux – des géants de l’industrie américaine diminués car ils ont refusé d’envisager d’élargir leur champ de compétences.
« La question est : quel travail est attendu des villes ? » s’interroge Rick Cole. À quoi il répond : « Nous devrions être dans le business du bien-être de la collectivité. » L’index développé pour permettre cette mutation est l’une des plus importantes tentatives de grande ampleur de mesurer le bien-être d’un groupe de citoyens. Un mélange de données factuelles, d’observation des échanges sur les réseaux sociaux et de questionnaires qualitatifs a permis d’identifier des lacunes dans l’action de la municipalité avec une acuité nouvelle. Reste à agir, pour rectifier certaines de ces données.
Autre surprise : à l’exact inverse des données nationales, les 18-34 ans sont les moins satisfaits de leur vie, alors que les plus âgés sont ceux qui affichent le plus haut taux de satisfaction. Un tiers des jeunes se déclarent stressés tout ou la plupart du temps, et un sur cinq se sent seul tout ou la plupart du temps. Enfin, les Latinos ont un bien-être inférieur à la moyenne locale.
Reste à donner une suite
Ces données, récoltées dans le courant de l’année 2015, ont mis l’accent sur des faiblesses inattendues, notamment le manque d’interaction sociale des habitants dans leur environnement direct. Aussi, la ville réfléchit-elle à la suite à donner à ces informations récoltées. Comme le précise leur communiqué : « un gouvernement ne peut pas directement nous rendre plus heureux, mais la gérance de certaines choses le peut : l’économie, notre environnement, notre communauté et la culture au sein de laquelle nous vivons. » Et le premier objectif des élus, aujourd’hui, est d’établir des actions pour renforcer les liens sociaux entre les habitants.
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Après l’enquête, les actions rectificatives
Le nouvel enjeu donc : tisser du lien social. Pour cela, la municipalité développe des projets permettant aux habitants de mieux connaître leur entourage, à travers des festivals, des conseils de quartier. Ils travaillent avec l’académie scolaire pour ouvrir un centre de santé et de bien-être à l’université, puisque l’étude a révélé un niveau de stress et d’isolement étonnamment haut chez les jeunes adultes.
« Un gouvernement ne peut pas directement nous rendre plus heureux, mais la gérance de certaines choses le peut.»
La bibliothèque a récemment révisé ses projets à long terme pour mettre plus l’accent sur les événements communautaires et les opportunités d’apprentissage tout au long de la vie, du type université pour tous. Pour Julie Rusk, « c’est un véritable changement d’attitude. Je pense que nous sommes au début d’une nouvelle manière de penser les services municipaux, et comment les services que nous développons apportent une valeur significative aux citoyens. »