planete_damier
Et si les maires étaient devenus, à leur cœur défendant (ou pas), des chefs d’entreprise ? La transition énergétique, portée à la fois par une urgence vitale (sauver la planète) et l’obligation de trouver la parade technologique (créer de l’énergie propre), illustre à merveille cette évolution de fonction. Car si l’intention est belle, son coût adoucit les températures de l’envie ; certains maires, sans être d’horribles libéraux, se posent intérieurement la question : quel est l’intérêt financier d’investir en la matière ?
Avec la baisse des prix du pétrole et du gaz, le business plan du maire peut faire pschittt…
« On peut convaincre un maire de consacrer 3 à 5 millions d’euros pour construire un joli réseau de chaleur collectif mais il faut à minima que cet investissement débouche sur une offre financièrement abordable pour les particuliers. Or, avec la baisse des prix du pétrole et du gaz, le business plan du maire, si j’ose dire, peut faire pschittt… Et par les temps qui courent de disette financière, cela passerait mal », explique Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce (lire entretien). La transition énergétique en est là : nécessaire, urgente mais aussi confrontée à certaines contradictions.
Lire aussi sur notre site : "Changement climatique, quand le GIEC donne un bon point aux collectivités territoriales"
Un financement bancal
Il y eut la période écolo-compatible du début des années 2000. Déchets triés, compost, normes haute qualité environnementale dans la construction, etc. La « green touch » prodigua une image positive aux équipes municipales en place. Certains territoires rodèrent ainsi un discours, d’autres sprintèrent plus vite vers les sommets ; questions de culture, de priorité (plus simple de faire de l’écolo dans le Jura que dans les quartiers nord de Marseille).
Ce n’est qu’en 2017 que la CEE sera orientée vers le financement des énergies renouvelables.
Avec la transition énergétique, on passe de la musique de chambre à l’orchestre symphonique ; les techniciens ont remplacé les dialecticiens. Les communes les plus avancées, celles qui ont compris que le défi serait plus technologique que philosophique, sont déjà sur le chemin retour de l’investissement en récupérant les dividendes d’investissements judicieux. Les autres décryptent encore les enjeux d’une loi qui présente une faille majeure : son financement !
Une aubaine financière
Accélération du développement des énergies renouvelables, démocratisation des rénovations thermiques, essor des solutions de mobilité durable ou encore gestion optimisée des déchets… La loi sur la transition énergétique est ambitieuse. Ségolène Royal a promis de débloquer 10 milliards d’euros d’ici à 2017 afin de permettre le bon déroulement du mix énergétique. Certains font la fine bouche face à une telle priorisation. Ils n’ont peut-être pas saisi que nous assistons à une nouvelle révolution industrielle : face au changement climatique, la passivité des pouvoirs publics aurait des conséquences économiques importantes pour le pays, de l’ordre de 100 à 150 milliards d’euros par an dès 2050 selon le DNTE (Débat national sur la transition énergétique). Plus probant encore : dynamiser la transition énergétique permettrait à la France de générer un bénéfice net à l’horizon 2050 compris entre 300 et 1 000 milliards d’euros.
Généralement, bon an mal an, chaque politique publique s’appuie sur des leviers de financement. La transition énergétique s’appuie sur la contribution climat énergie (CEE) qui a rapporté 1,5 milliard d’euros l’année dernière pour financer… le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice). Ce n’est qu’en 2017 que la CEE sera orientée vers le financement des énergies renouvelables.
De nombreux élus réclament un balisage de ce financement vers les territoires, directement concernés par la mise en application concrète de la loi. Pour beaucoup d’observateurs, le coût de la transition énergétique est trop élevé et ses objectifs trop ambitieux. Peu importe, l’humanité n’a pas le choix : face aux périls annoncés, sauver la planète est devenu une compétence obligatoire.
Voir aussi notre dossier Le local peut-il sauver la terre ?