Rennes France City Map in Retro Style. Outline Map.
Réduire considérablement la place de la voiture, tel est l'objectif du nouveau plan de circulation pour la ville de Rennes proposé par Sébastien Marrec, doctorant en aménagement et urbanisme à l’université Rennes 2 et à la ville de Paris.
Sébastien Marrec est doctorant en aménagement et urbanisme à l’université Rennes 2 et à la ville de Paris
Avec Florian Le Villain, consultant politiques et urbanisme cyclables et l’association Cité Inspirée, vous avez imaginé un plan de circulation pour la ville de Rennes, qui réduit considérablement la place de la voiture. Quelles sont vos propositions ?
La concertation citoyenne « Rennes 2030 » qui s’est tenue entre 2016 et 2018 a montré une forte attente sur l’aménagement du centre-ville. La ligne B du métro sera mise en service dans quelques mois. C’est l’occasion d’envisager l’extension du plateau piétonnier, qui est actuellement en confettis. On est parti de l’idée que la ville aménagerait les placettes et remettrait les piétons au cœur du centre. On s’est demandé comment assurer une perméabilité de ces zones piétonnes pour les cyclistes, car ils vont continuer à traverser l’hypercentre, le vélo étant utilisé lorsqu’il est efficace et que les itinéraires sont directs. Il existe un axe est-ouest le long de la Vilaine et un axe nord-sud très rectiligne, relativement plats, qu’il faut préserver pour les cyclistes.
L’idée est que le design incite le cycliste à utiliser l’enrobé central et à prendre sa place, alors que les voitures ne peuvent que circuler à faible vitesse en présence de cyclistes
On a repris un concept utilisé un peu partout en Europe mais abouti et très présent aux Pays-Bas et en Flandre : la vélorue. Il s’agit d’une rue, d’un tronçon de rue, d’une suite de rues où le vélo a la primauté et où la circulation motorisée est résiduelle, pour la desserte strictement locale. Cela doit constituer une part structurante du réseau vélo, pouvant absorber un flux de cyclistes important. Le design est très spécifique : il marque la continuité de l’itinéraire cyclable avec un revêtement en enrobé rouge au centre, et des bandes tampon sur les côtés faites de matériaux différents, des pavés par exemple. L’idée est que le design incite le cycliste à utiliser l’enrobé central et à prendre sa place, alors que les voitures ne peuvent que circuler à faible vitesse en présence de cyclistes, et n’ont pas la possibilité de les doubler s’il y a des vélos dans les deux sens. Ces vélorues autorisent les trafics motorisés pour la desserte de riverains et les véhicules d’urgence uniquement, le trafic doit être réduit à son minimum, ce qui nécessite un travail sur le plan de circulation. Rennes a déjà mis en place sa première vélorue sur les quais nord, conformément à une proposition faite en 2018.
Comment réduire drastiquement la circulation ?
La problématique est la suivante : il faut parvenir à réaliser un plan de circulation en évitant l’effet pervers classique, qui consiste à « libérer » de l’automobile le centre-ville, souvent mais pas systématiquement investi par des habitants plus aisés, en provoquant un report nuisible en périphérie, où vivent parfois des ménages plus modestes.
On s’est inspiré du modèle de Gand qui consiste à compartimenter : mettre en place des zones étanches aux automobilistes les unes par rapport aux autres, de manière à les renvoyer sur de grands axes de traversée
Cette configuration sociologique existe à Rennes, où les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont tous en périphérie. Nous avons tâché d’éviter cet écueil en concevant un plan qui englobe toute la ville. On s’est inspiré du modèle de Gand qui consiste à compartimenter : mettre en place des zones étanches aux automobilistes les unes par rapport aux autres, de manière à les renvoyer sur de grands axes de traversée. On a divisé Rennes en dix-sept zones, disposées en escargot, avec un centre piéton incluant les vélorues, une zone à trafic limité autour, manière d’assurer un espace de transition entre les quartiers.
Pour se déplacer en voiture, il faut adopter les axes dédiés au transit, en radiale ou en ceinture. Bien sûr, il est possible de rentrer en ville. Avec ce plan on pourrait traverser Rennes via trois rocades : une qui traverse l’hypercentre, une autre sur les boulevards du XIXe siècle, et la rocade actuelle. Trois ceintures reliées par des radiales, pour que la circulation puisse continuer pour ceux qui ne peuvent faire autrement. Les axes étant cependant en nombre très réduit, il y aurait un intérêt limité à utiliser la voiture.
La condition sine qua non pour que cela fonctionne, c’est de proposer des alternatives…
Oui, un tel plan doit s’accompagner de mesures pour favoriser l’intermodalité entre transports en commun urbain, bus et métro. Il faut prévoir de la continuité à vélo, renforcer l’intermodalité train + vélo et train +marche en mettant en place des cheminements piétons, du jalonnement, du stationnement vélo sécurisé en gare…
La mise en place d’un tel plan ne suppose pas des moyens financiers énormes à court terme
Et il faut généraliser les 30 km/h pour diminuer la vitesse de l’automobile, y compris sur les axes à 90 : passer la rocade à 70 diminuera l’accidentologie et l’attractivité de la voiture. Il faut aussi mettre au point une stratégie de communication pour montrer qu’il s’agit de transformer l’ambiance de la ville pour qu’elle soit accessible à tous.
Comment la ville de Rennes reçoit-elle votre proposition ?
Nous sommes actuellement en discussion, les élus semblent prêts à écouter nos propositions mais il faut selon nous mettre ce plan à l’agenda pour expérimenter et mesurer les effets au cours du mandat. Nous tâchons d’élaborer des propositions quartier par quartier avec les conseils de quartier, les associations de parents d’élèves et d’usagers des transports afin de bâtir le processus de concertation indispensable à sa mise en œuvre.
La mise en place en elle-même d’un tel plan ne suppose pas des moyens financiers énormes à court terme.
La mise en place en elle-même d’un tel plan ne suppose pas des moyens financiers énormes à court terme. À Gand, quatre millions d’euros ont été investis dans les deux années précédant l’inauguration du plan, en incluant l’importante communication déployée et la création de deux navettes.