Soigner le travail, plutôt que les salariés : pour en finir avec les risques psychosociaux

Roger Morin

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Réaction aux formes dramatiques qu'a revêtues la crise du travail, "Le Travail à coeur" est bien plus qu'un ouvrage de circonstance : quiconque ayant un rôle à jouer dans le management ou les relations sociales y trouvera de très précieux repères pour penser et agir au plus juste.

Le collectif de travail est abîmé 

Ce n'est pas, selon Yves Clot, dans la difficulté des tâches à réaliser qu'il faut chercher la racine du mal-être au travail : individuellement ou collectivement, les salariés peuvent au contraire trouver de grandes satisfactions quand, face aux épreuves et aux défis, ils réussissent des choses dont ils ne se savaient pas capables et se hissent « une tête au-dessus d'eux-mêmes ».

C'est quand ils se trouvent privés de la possibilité de bien faire que malaise et souffrance s'installent. La « qualité empêchée » est au centre du problème que rencontrent aujourd'hui nombre de collectifs de travail. Les salariés n'arrivent plus à y trouver d'unité entre ce qui leur est essentiel – leur vision du travail bien fait – et ce qui leur est assigné comme objectifs à atteindre. Il y a, entre les salariés et l'institution, une divergence sur les critères de qualité qui n'est ni reconnue, ni débattue.

Le collectif de travail est abîmé, il n'est plus en mesure de produire la très subtile alchimie sur laquelle repose la qualité, qui implique la production par les équipes de leur propre organisation de travail, faite d'arrangements et d'interprétations des prescriptions, sans lesquels il est impossible de tenir, face à la réalité du travail.

C'est quand ils se trouvent privés de la possibilité de bien faire que malaise et souffrance s'installent.

Dans ces situations de travail pathogènes, mal-être et souffrance sont des symptômes qu'il est vain de vouloir traiter en tant que tels. C'est pourtant le sens des démarches dites de prévention qui se répandent. Même inspirées par de bonnes intentions, elles risquent de faire pire que bien, faute de prendre le problème à sa racine. Plutôt que de miser sur la capacité des collectifs de travail à se reconstruire, elles mettent les salariés en position de sinistrés à secourir, de sujets fragiles à accompagner, et risquent fort de les installer dans la plainte et la passivité.

Il y a plus grave : même bien intentionnées, elles conduisent de fait à « une sorte de néo-fordisme monté sur coussin compassionnel », association perverse de pression productiviste et d'amortisseurs psychologiques destinés à en limiter les dégâts.

Il y a mieux à faire

Il y a mieux à faire, si l'on accepte le risque de travailler la question en profondeur. Il faut commencer par reconnaître et donner toute sa place au « travail d'organisation du travail », d'actualisation des métiers et des règles de l'art par les équipes elles-mêmes, au quotidien. De cette élaboration collective, invisible de l'extérieur ou du sommet, dépendent les bonnes réponses aux imprévus qui mettent à l'épreuve les normes et les prescriptions. Là se trouve « la chair invisible du travail », dont il faut prendre le plus grand soin. Comment ? C'est affaire d'éthique, plutôt que d'outillage. Tout se joue en fait dans la reconnaissance du désir de bien faire et de la capacité à agir des opérateurs. C'est en se portant à la rencontre de ce désir qu'on ouvre la voie à la qualité comme œuvre collective.

Tout se joue dans la reconnaissance du désir de bien faire et de la capacité à agir des opérateurs.

Respect et confiance sont les conditions de la réussite, qui suppose un usage circonspect des réorganisations et prescriptions venues d'en haut ; modestie également : il faudrait, nous dit Yves Clot « que l'expérience de celui qui travaille soit regardée comme une énigme par celui qui prétend la changer ».

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