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À travers son Commissariat général à l’égalité des territoires, le gouvernement veut ramener le droit commun dans (tous) les territoires français. Il souhaite tester des actions réciproques de proximité, du type le « rural » bio fournissant la nourriture des cantines « urbaines ». Avec un coup de pouce financier de l’État, les territoires joueront-ils plus collectif ?
Pour les familiers des politiques d’aménagement du territoire, la similitude est frappante. Entre les territoires ruraux et la géographique prioritaire d’une politique de la ville aujourd’hui sans boussole, le constat se recoupe : le droit commun a perdu de son caractère d’universalité. L’égalité des territoires reste pour l’heure une simple déclaration d’intention gouvernementale. Pour autant, on peut créditer le gouvernement d’avoir validé le principe d’un grand pas pour l’organisation institutionnelle du pays, qui ne restera aux yeux de la population qu’un tout petit pas anecdotique parisiano-parisien : le Commissariat général à l’égalité des territoires réunit désormais sous le même toit la Datar, le Secrétariat général à la Ville (SGIV) et l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé). Ce rapprochement n’a rien d’anodin, il valide l’approche globale voulue par le gouvernement de tous les territoires en difficulté, qu’ils soient urbains ou ruraux.
L’interministérialité, c’est quand vous voulez !
Le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) le répète : « Il faut éviter les effets d’éviction des crédits de droit commun, on doit pousser à l’interministérialité ». Reste désormais à passer des belles intentions aux actions concrètes. Le CGET a confirmé la tenue d’un comité interministériel en début d’année, dans la continuité des Assises de la ruralité. Cinq à dix grandes actions devraient émerger et non une loi-cadre, comme le réclame, par exemple, le mouvement des départements des Nouvelles ruralités. Le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat, Hervé Maurey, sénateur UDI de l’Eure, fait la grimace : « On a l’impression que, faute d’actions, on continue de faire de l’événementiel, confie-t-il sur le site Localtis. Je suis convaincu qu’il y a des mesures qui ne coûtent pas un centime : cela s’appelle la régulation. Cela nécessite un peu de courage politique. »
L’urbain a besoin du rural et vice-versa
L’une des idées fortes des Assises de la ruralité consisterait à mettre en œuvre des « contrats de réciprocité » entre l’urbain et le rural. Une idée lancée par le député socialiste Alain Calmette, le 28 novembre dernier, et que Sylvia Pinel a qualifiée d’intéressante. Le 18 novembre déjà, au cours d’un débat organisé sur l’hyper-ruralité (les territoires les plus éloignés des centres urbains), la ministre avait défendu le principe de contrats "horizontaux".
L’une des idées fortes des Assises de la ruralité consisterait à mettre en œuvre des « contrats de réciprocité » entre l’urbain et le rural.
Les personnes âgées, la restauration collective, les déchets, le télétravail ou encore l’agriculture de proximité entreraient dans ce champ de réciprocités actives. Le sénateur UDI du Cantal, Pierre Jarlier, défend de son côté des « contrats ruraux de cohésion sociale », à partir de projets communs et non dans une simple démarche de guichet.
Trois propositions pour la ruralité : - Les contrats de réciprocité permettraient de se baser sur les attentes complémentaires du rural et de l’urbain. - Défendre les territoires ruraux comme les territoires urbains socialement relégués. - Quantifier l’apport économique des territoires ruraux dans le PNB français.
Témoignages
« Les grosses collectivités pourraient nous « prêter » des fonctionnaires » Sébastien Gouttebel, maire de Murol (Puy-de-Dôme) « Je suis maire d’une commune touristique de 550 âmes, qui quadruple son nombre d’habitants l’été. Nous disposons d’un musée et, pour le faire fonctionner, je dois recruter un A ou un B. Cet investissement est trop lourd pour une petite commune et je me suis posé la question de savoir si certaines collectivités, sur un temps donné, pouvaient nous prêter des agents qualifiés, le temps de lancer une mission qui dépasse nos compétences. Depuis le 31 décembre 2013, l’Atesat – l’aide technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire aux petites communes –, c’est fini. L’État s’est retiré de l’aide aux petites communes, sous la forme d’une ingénierie technique. Certains conseils généraux ont pris le relais, comme dans l’Allier ou le Puy-de-Dôme. Ce retrait de l’aide de l’État va réduire le nombre de travaux de voirie ou d’aménagement de l’ordre de 10 %, puisque le recours à des cabinets d’expertise privés coûtera plus cher. C’est dommage, surtout en temps de crise.
« Le territoire n’est plus un lieu, mais un milieu » Philippe Langevin, économiste « Le malaise n’est pas spécifique à la ruralité. C’est un signe des difficultés à inventer un nouveau modèle de développement dans un environnement mondialisé et une société en quête de repères. Le territoire n’est plus un lieu, mais un milieu. À ce titre, les zones rurales doivent considérer leur territoire comme un facteur de développement, en explorant toutes ses potentialités dans le cadre de projets partagés par leurs acteurs et leurs habitants. Évidemment, les territoires n’ont pas tous les mêmes ressources. Mais ils peuvent partager les mêmes ambitions. Les services publics sont moins fréquents en zones rurales et très inégalement répartis. Leur accès passe par des déplacements pouvant être longs. Les espaces ruraux ne sont plus des terres d’exode. L’exode rural est devenu exode urbain. La décentralisation met en avant le rôle des métropoles et la place des grands équipements dans le développement (universités, centres de recherche, TGV, aéroport, centre d’affaires, etc.) ; ces équipements étant absents des milieux ruraux qui bénéficient pourtant d’autres avantages comparatifs (qualité du cadre de vie, beauté de l’environnement, etc.). Un rééquilibrage s’impose. Les néoruraux de 1968 recherchaient un autre mode de vie. Aujourd’hui, ce sont des néo-urbains qui veulent bénéficier de tous les services de l’urbanité. Ils n’entendent pas changer de système ! »