Spécialiste ou touche-à-tout ?

La Rédaction

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Je vous invite, si vous ne l'avez pas encore fait, à lire les échanges et à participer au débat lancé par Daniel Bourrion sur son blog professionnel RJ45 la semaine dernière. Il regrette que les enseignements de l'Enssib ne conduisent qu'à former des bibliothécaires et conservateurs généralistes alors que pour bien des domaines, une spécialisation supplémentaire, hors "coeur de métier", serait souhaitable. En particulier, il cible des profils de manager, de communicant, de négociateur ou d'informaticien, autant de fonctions qui, pour être exercées correctement en bibliothèque (ou centre de documentation), méritent que l'on s'y forme un minimum pour être efficace et crédible.

Si la double compétence est relativement fréquente dans certains secteurs de la documentation d'entreprise (droit, sciences, économie...), elle l'est beaucoup moins en bibliothèque (universitaire ou municipale) et dans le secteur public en général. Les modalités de recrutement, au sens le plus large possible (embauche et concours) n'y sont certainement pas pour rien. On peut regretter, par exemple, que les mutations et reclassements parfois hasardeux dont "bénéficient" certains établissements ne soient pas l'occasion d'intégrer à l'équipe des agents aux profils évoqués par Daniel Bourrion. Mais surtout, on continue de déplorer la dramatique endogamie des recrutements en formation initiale, qu'il s'agisse des concours ou des entrées en licence ou master. Il y a pourtant eu des tentatives d'ouverture : souvenez-vous du cursus original à forte dominante informatique proposé il y a quelques années par l'UFR de sciences de l'université de Rouen et interrompu au bout de deux ans faute de combattants...

En temps de crise, nos métiers sont particulièrement touchés, secteurs public et privé confondus. Ils semblent même tomber dans un véritable cercle vicieux, les candidats les plus "bankable" (i.e. issus de filières moins bouchées que les lettres et sciences humaines) se détournant fort logiquement d'un secteur peu porteur. Aussi paradoxal que destructeur, cet appauvrissement du recrutement en termes de diversité des compétences nous sera peut-être fatal. Alors que nous avons besoin de "moutons à cinq pattes" au niveau de culture générale élevé et maîtrisant autant le coeur de métier Infodoc que le coeur de métier communication/finances/management/droit/informatique (rayez les mentions inutiles), le recrutement s'enlise faute de rendre un peu plus sexy les métiers des bibliothèques aux yeux des candidats potentiels.

Les propositions de Daniel Bourrion pour l'Enssib sont intéressantes : réduire le temps d'apprentissage des fonctions purement documentaires (bien qu'on pourrait discuter - une fois de plus - de la pratique du catalogage) puis se spécialiser dans un domaine. Dans cette optique, il y a peut-être matière à retourner le recrutement en permettant à des "extérieurs" d'intégrer le monde des bibliothèques. Je m'explique : si un bibliothécaire peut se spécialiser en communication/finances/management ou autre, pourquoi un communicant/acheteur/manager ne pourrait-il pas se spécialiser en documentation en ajoutant un Diplôme universitaire (DU) Sciences de l'information et des bibliothèque à son CV ? La mise en place de ce type de cursus en métissant les professionnels, concourrait, sans aucun doute, à réduire l'endogamie dont nous parlions plus haut et à rendre nos services et établissement plus efficients...

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