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La Gironde, le Nord, Mulhouse, Grenoble… toutes ces collectivités ont adopté une méthode de concertation centrée sur le bien-être, où chacun prend sa part de responsabilité en vue d’un changement collectif. La méthode s’appelle Spiral.
Publié le 4 novembre 2015
Mulhouse est la première ville en France à avoir expérimenté Spiral ((Societal Progress Indicators for the Responsibility of All.)), une démarche de concertation élaborée par le Conseil de l’Europe. Spiral vise à dégager les indicateurs de bien-être et à mobiliser tous les acteurs d’un territoire, dans la coresponsabilité et la coconstruction d’un projet. Dès 2009, à Mulhouse, une dizaine d’actions pilotes, très diverses, ont été lancées : autour d’allocataires du RSA, au niveau du parc zoologique communal, à l’échelle d’un quartier, dans un service santé de la ville, sur la thématique « il faut tout un quartier pour éduquer un enfant ».
À l’issue du processus Spiral, que s’est-il passé ? « Les participants ont vu leur bien-être augmenté, parce qu’ils se sont mis en situation de coresponsabilité ; ils ont mis en place des actions pour changer les points négatifs » explique Sébastien Houssin, qui, en tant que chef de projet « Territoire de coresponsabilité », a suivi la mise en place et constaté les conséquences de Spiral à Mulhouse.
Spiral répond à un contexte particulier où il y a besoin de coresponsabilité et elle propose clés en main de nombreux outils.
Au niveau international, la communauté des adeptes de Spiral, réunie dans le réseau Together, compte quatre cents membres. Signe d’un intérêt émergeant dans l’Hexagone, une déclinaison française du réseau Together a vu le jour le 5 décembre 2014. Le ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie lui a apporté son soutien. Un peu moins d’un an après, Sébastien Keiff, secrétaire général de Together France constate : « La méthode Spiral décolle. Il y a une magie qui est en train d’opérer. Je pense que cela répond à un contexte particulier où il y a besoin de coresponsabilité et qu’elle propose clés en main de nombreux outils : tous les outils Spiral, notamment « le calculateur de coresponsabilité ».
Sébastien Keiff, secrétaire général de Together France : « Nous avons, tous, une partie de la solution »
« Connaissez vous le conte de Pierre Rabhi ? Un petit colibri veut éteindre l’incendie avec une goutte d’eau. Et le tatou lui dit : « Tu ne peux pas y arriver seul ! ». En effet, la forêt brûle, à la fin. Quelle aurait dû être la part du lion, du zèbre, de l’éléphant… ? C’est un peu ce qu’on est en train de vivre sur les territoires. Nous avons, tous, une partie de la solution pour répondre aux enjeux de la société, pour résoudre la crise que nous sommes en train de traverser. Mais il faut pouvoir poser cela clairement, et mesurer les progrès réalisés… On peut le faire grâce à Spiral. »
Une méthode, trois questions
La méthode Spiral invite des groupes d’acteurs homogènes (habitants, entrepreneurs, commerçants, agents territoriaux, jeunes, retraités, etc.) à se poser trois questions : « Qu’est-ce qui fait pour moi le bien-être sur mon territoire ? Qu’est-ce que le mal-être au contraire ? Et qu’est-ce que je suis prêt à faire pour contribuer au bien-être collectif ? ». Ces trois questions peuvent s’appliquer quasiment à tout type de sujet et d’enjeu… On distingue toutefois trois grandes entrées : l’entrée territoriale (un quartier, une ville, un département), l’entrée organisationnelle (une maison des habitants, un centre de soins, un service de collectivité etc.), et enfin l’entrée thématique ou « politique publique » : les déplacements, la santé, etc. Comme toute méthode participative un tant soit peu élaborée, Spiral requiert un certain temps de prise en main. Chaque groupe Spiral doit surtout être dirigé par un animateur formé. « Aujourd’hui, au réseau Together, nous formons aussi bien des citoyens, des associations de l’éducation populaire, des techniciens de collectivités, des entreprises que des élus » commente Sébastien Keiff.
La méthode Spiral invite des groupes d’acteurs homogènes (habitants, entrepreneurs, commerçants, agents territoriaux, jeunes, retraités, etc.) à se poser trois questions.
L’un des principes actifs de Spiral, comme son nom l’indique, est de faire tache d’huile. Il faut, ainsi, en théorie, démarrer le processus avec un petit groupe de dix à douze personnes très hétérogènes.
Puis chacune de ces personnes va reproduire la démarche (« les trois questions ») avec des composantes de son homogénéité… Exemple : un élu va renouveler Spiral avec d’autres élus, un bénéficiaire du RSA avec d’autres bénéficiaires. Tous les groupes vont lister leurs engagements, leurs attentes, les actions qu’ils sont prêts à entreprendre. La réunion dite « arc-en-ciel » rassemble enfin tous les groupes qui vont, ensemble, sous la houlette d’un animateur, prioriser les actions.
Premiers résultats…
Aux côtés du Portugal, de la Grèce, du Cap-Vert, etc. la France fait figure de débutante en matière de méthode Spiral. Et il y a finalement très peu de territoires qui aient autant de recul que Mulhouse.
La France est une débutante en matière de méthode Spiral : très peu de territoires ont autant de recul que Mulhouse.
La commune a d’ailleurs produit un « carnet de voyage en coresponsabilité ». Y sont réunies une centaine de pages qui détaillent les cheminements des projets, leurs aboutissements et les enseignements à en tirer. Si les résultats ne sont pas spectaculaires, les actions mises en place fleurent bon l’intelligence collective. Au lycée Schweitzer, par exemple : trois journées par an consacrées à l’expression libre ont été instaurées, durant lesquelles les élèves n’ont pas cours et discutent de tout avec les professeurs. Côté agents, le personnel d’entretien, qui souffrait d’un déficit de considération, vient se présenter, désormais, devant toutes les classes, en début d’année, etc.
Christine Edel, directrice du service Participation citoyenne à Mulhouse : « Coévaluer des projets avant d’agir »
« Forts d’une riche expérience sur Spiral, nous continuons à utiliser la méthode, en particulier, pour co-évaluer des projets avant de redémarrer des actions dans le cadre du CUCS par exemple. Nous poursuivons Spiral sur les quartiers avec les bénéficiaires du RSA et prochainement dans le cadre de notre label « Ville amie des aînés ». Mais nous mixons aussi cette méthode avec d’autres approches. Nous enclenchons désormais une nouvelle dynamique : celle de territoire hautement citoyen. »
En Gironde, la méthode de Spiral permet depuis un an et demi, de rebattre les cartes de l’agenda 21, qui en est à sa troisième mouture. « On a ainsi pu attraper le développement humain, qui est au cœur de l’agenda 21. La cohésion sociale est en effet l’un des cinq piliers… » rappelle Sébastien Keiff, également responsable adjoint de la Mission Agenda 21 en Gironde. Consulté(e)s sur leur bien-être conformément à la méthode Spiral, les Girondin(e)s ont porté en avant, comme défi d’avenir numéro un : la « capacité à se nourrir ». « Ce thème nous a beaucoup surpris. C’est véritablement la méthode Spiral qui, par son approche, permet de faire ressortir ce qui compte vraiment pour les personnes » analyse Sébastien Keiff. Une gouvernance d’acteurs coresponsables a été mise en place, avec la chambre d’agriculture, les collectivités, des associations, la grande distribution, les épiceries solidaires… À suivre.
Marina Girod de l’Ain, adjointe Évaluation et Prospective à Grenoble : « On associe différemment les personnes »
« Nous avons testé Spiral dans un quartier de Politique de la ville. S’il n’y a pas de découverte incroyable (nldr : sont ressortis les souhaits d’une meilleure relation avec le bailleur, d’un meilleur cadre de vie, etc.), on associe complètement différemment les personnes, avec la question de l’engagement des citoyens d’un côté, et des attentes envers les pouvoirs publics… Il a certes fallu beaucoup mobiliser. La Maison des habitants de Mistral a eu un rôle moteur. Dix mois de stagiaires ont été aussi nécessaires pour renseigner le logiciel de Spiral, qui permet de sortir des indicateurs. Les premières actions sont en cours. »