Subventions culturelles : une réflexion indispensable sur l’évaluation

François Deschamps

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Subventions culturelles : une réflexion indispensable sur l’évaluation

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Il est possible de faire davantage preuve d’innovation dans les politiques d’attribution des subventions culturelles. Évaluer davantage les actions, prendre en compte l’intégralité des besoins, être à l’écoute, favoriser le travail collectif… autant de méthodes nouvelles pour gérer au mieux la pénurie d’argent.

Article publié le 26 septembre 2017

Rompre avec la routine des temps prospères oblige à (re)travailler ou à mieux travailler, d’une part la question de l’évaluation des actions culturelles menées, d’autre part les critères d’aide mis en avant.

Mieux évaluer sa politique de subventions culturelles

Concernant l’évaluation, les indicateurs les plus fréquents sont d’ordre quantitatif (bilan financier, nombre et localisation des actions produites, volume et – plus rarement – nature du public touché), qui plus est sur une base déclarative pouvant être sujette à caution.

Dans le domaine artistique et culturel, la seule approche quantitative ne peut suffire à rendre compte de la richesse des actions menées.

Dans le domaine artistique et culturel, la seule approche quantitative est réductrice et ne peut suffire à rendre compte de la richesse des actions menées par telle compagnie artistique ou association culturelle. Un exemple peut le montrer : il est facile de faire beaucoup de spectateurs (et de recettes) en programmant quelques stars à la mode, mais qu’en est-il alors en regard des objectifs de la politique publique mise en œuvre ?

Reposer les questions de la qualité et du collectif

Si une politique culturelle publique vise bien l’épanouissement individuel et collectif ainsi que l’émancipation de la personne, l’évaluation doit aussi porter sur les qualités d’une œuvre, d’une production ou d’une action culturelle. C’est alors que démarrent les vraies difficultés. L’évaluation artistique d’un projet apparaît comme forcément subjective. Elle doit être relativisée d’abord par la connaissance du contexte dans lequel s’ancrent les styles et les acteurs concernés.

« L’œuvre d’art, c’est ce qui est reconnu comme tel par un groupe », selon Manuel Mauss, Marcel d’ethnographie.

Mais elle peut l’être aussi par un travail collectif, susceptible de réguler telle ou telle complicité ou animosité entre les acteurs concernés et les évaluateurs. Par exemple sous la forme d’un comité d’experts, ou bien d’une commission de travail associant élus et techniciens (les services de la Drac et les grandes collectivités disposent en général de chargés de mission compétents qui peuvent prendre le temps d’aller sur le terrain pour rencontrer et voir les activités des acteurs culturels subventionnés).

TÉMOIGNAGE
« Nous sommes fermes sur le contrôle de la fabrication d’un projet subventionné »

Pour l’instant, nous parvenons à attribuer une subvention à toutes les associations qui nous sollicitent, même si le montant alloué n’est pas forcément celui attendu. Pour recevoir une subvention, il faut toutefois respecter certaines règles : l’association doit être adhérente à l’office municipal de la culture et des arts depuis au moins un an. Lors du dépôt de sa candidature, elle doit présenter ses actions et ses projets. Ensuite, l’association doit remettre un budget très élaboré, qui détaille l’utilisation faite de ses fonds l’année précédente, et sa projection pour l’année suivante. Si le dossier que nous recevons n’est pas assez précis, les membres de l’association sont convoqués pour apporter les précisions nécessaires. Ensuite, nous sommes assez fermes sur le contrôle de la fabrication d’un projet que l’on a subventionné. Sur 35 à 40 projets financés chaque année, un peu moins d’une dizaine sont des demandes ponctuelles, non renouvelées l’année suivante.
François Pradelle, adjoint au maire chargé de la culture et du patrimoine de Thonon-les-Bains

Favoriser la transparence

À Thonon-les-Bains (35 000 hab., Haute-Savoie), afin de réduire l’opacité souvent reprochée à l’attribution des subventions municipales, l’Office municipal de la culture et des arts (OMCA), présidé par l’adjoint au maire, est depuis une quinzaine d’années appelé à donner un avis préalable sur les demandes de subvention, par le biais de son conseil d’administration composé de 11 élus et de 11 représentants associatifs (élus par les 40 adhérents).

L’évaluation doit porter aussi sur les qualités d’une œuvre, d’une production ou d’une action culturelle.

Auparavant, des sous-collèges de 8 personnes (patrimoine, musique, théâtre…) se sont emparés des dossiers et ont auditionné éventuellement certaines associations, avant qu’un rapporteur présente le résultat de cette évaluation devant le conseil d’administration. Celui-ci peut, le cas échéant et après débat, modifier la proposition, notamment pour que l’ensemble rentre dans l’enveloppe arbitrée au préalable par l’exécutif. Le seul point délicat de cette méthode est la présence, au sein de ce CA, d’associations « juges et parties », bien qu’elles soient écartées au moment où leur dossier est évoqué. Outre son caractère participatif, cette méthode permet également de mieux connaître les besoins de formation ou de locaux de ces associations, ou de pouvoir apporter des réponses transitant par d’autres canaux que l’aide financière directe.

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