Taxe de séjour : un moyen d’autonomisation de l’office de tourisme ?

François Perroy

Sujets relatifs :

, ,
Taxe de séjour : un moyen d’autonomisation de l’office de tourisme ?

randonnée

© Delkoo

Les offices du tourisme sont dans une situation difficile. Entre des recettes en baisse et les fusions intercommunales, leur nombre décroît rapidement. Et si l’attribution automatique des recettes de la taxe de séjour aux offices était la bonne solution pour leur redonner un coup de fouet ? Car c’est désormais possible.

Les tensions budgétaires nationales et la réforme territoriale contraignent de plus en plus les offices de tourisme. Nombre d’entre eux sont confrontés à une diminution régulière de leurs ressources publiques, qui atteignent pour certains les -10 % l’an depuis 3 ans. Les fusions territoriales accélèrent le mouvement, au point qu’on ne compte plus que 2 300 offices aujourd’hui, contre 3 600 en 2006. Et on estime que leur nombre ne dépassera pas 1 500 d’ici deux ans. Des offices de tourisme moins nombreux donc, mais mieux organisés et plus puissants, voilà le dessin du nouveau paysage touristique territorial.

Lire aussi notre dossier : Intercos : faites les touristes

La taxe de séjour : une ressource essentielle

Dans ce contexte, le sujet de la taxe de séjour devient une préoccupation centrale. Tant pour les offices de tourisme, qui veulent profiter de sa manne dans un contexte budgétaire récessif, que pour les collectivités qui y voient une source de financement élargie. Ainsi, l’office de tourisme de Côte Landes nature tourisme est désormais autonome sur le sujet. La taxe de séjour est son budget de fonctionnement. Et la collectivité lui a confié la gestion des transports touristiques reliant bourgs et plages ainsi que le nettoyage des plages. Il faut dire qu’avec près de 800 000 euros de taxe de séjour collectés en 2014, pour 850 hébergeurs déclarés et 44 000 lits, dont 24 000 lits marchands, l’affaire est d’importance.

Le plus souvent, la subvention émise par la collectivité constitue la recette principale, voire exclusive, des offices de tourisme.

Les ressources des offices de tourisme dépendent de leur statut. Le plus souvent, la subvention émise par la collectivité constitue leur recette principale, voire exclusive, sauf dans de rares cas d’offices associatifs ayant des revenus propres importants depuis longtemps. Généralement, les revenus autonomes sont issus des cotisations des socioprofessionnels, quand le statut de l’office de tourisme le permet, de la vente de séjours ou de visites de groupes, de l’organisation d’événements, ou encore de reventes de biens en boutiques.

Quelle autonomie pour les offices de tourisme ?

Les régimes de la taxe de séjour réelle et de la taxe de séjour forfaitaire, fixés par les articles L.2333-26 et suivants du code général des collectivités territoriales ont été profondément modifiés par la loi de finances pour 2015 ((Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 et décret n° 2015-970 du 31 juillet 2015.)). La tendance est à la responsabilisation accrue des offices de tourisme par leur collectivité de tutelle sur la taxe de séjour, notamment sous statut Epic : « c’est votre affaire » devient le message récurrent. L’obsession de l’autonomisation de l’office de tourisme, perçu comme une charge par certains élus, prend corps. À l’inverse, les communes dans lesquelles on récolte une taxe de séjour importante ne souhaitent pas lâcher cette manne.

Paris va passer à 80 millions d'euros de taxe de séjour en 2017, grâce aux accords signés avec Airbnb et HomeAway.

Le sujet de la taxe de séjour est aussi d’actualité avec les plateformes de commercialisation de meublés chez l’habitant et la perspective de l’Euro 2016. Paris, qui était à 40 millions d’euros de taxe de séjour, va passer à 80 millions en 2017, avec ses accords signés avec Airbnb et, tout récemment, avec le groupe HomeAway. Ces plateformes ont maintenant la possibilité de collecter directement la taxe de séjour pour la reverser aux communes et EPCI, uniquement dans le cas où ceux-ci ont institué une taxe de séjour « au réel ». Le décret paru en juillet 2015 a fixé les règles, prévoyant que la DGFP devait mettre en ligne, le 31 décembre 2015, un fichier contenant toutes les informations reçues des communes et EPCI (dates de début et de fin de la période de perception de la taxe de séjour, tarifs par catégorie d’hébergement, etc.). Sortie fin avril 2016, une page de la DGFP liste les situations des collectivités au regard de la taxe de séjour (http://goo.gl/EHFeV4)

L’intérêt d’une taxe de séjour votée au réel

La taxe de séjour peut-elle être un remède à la diminution des subventions ? Elle commence à être envisagée comme telle dans les situations où elle a été instaurée récemment. Cependant, en dehors du statut d’Epic, rien n’impose aux collectivités d’attribuer l’intégralité de la recette de la taxe de séjour à un office de tourisme. Ce dernier est donc contraint au renouvellement annuel de ses moyens de fonctionnement, sachant que les recettes complémentaires sont bien souvent annexes. Il est admis que le taux de rentabilité de la taxe de séjour est médiocre dans de nombreux territoires. Cela tient au fait que les moyens mis en place par les collectivités pour en gérer la collecte sont souvent insuffisants. La stratégie à l’œuvre pour expliquer son emploi, l’argumentation justifiant de sa pertinence, les moyens humains et techniques affectés, tout cela reste bien souvent à bâtir. Du coup, se pose régulièrement la question du qui fait quoi entre la collectivité et l’office de tourisme dans ce domaine.

Il est admis que le taux de rentabilité de la taxe de séjour est médiocre dans de nombreux territoires.

Pour Didier Chappaz, directeur de l’office de tourisme Côte Landes nature tourisme, dont le budget de 1 million d’euros provient à 85 % de la taxe de séjour et à 15 % de prestations directes, la taxe de séjour, votée au réel, a été affectée : « nos hébergeurs savent où va notre taxe de séjour. Le vrai combat, c’est aussi de faire comprendre aux touristes pourquoi ils doivent la payer. On s’est équipés d’une centrale de télédéclaration. La gestion est conduite par l’office de tourisme et les professionnels effectuent une déclaration mensuelle, puis quatre paiements dans l’année : c’est notre trésorerie ».

La gestion directe de la taxe de séjour par les offices

On peut estimer qu’à partir du moment où le produit de la taxe de séjour est intégralement reversé à l’office de tourisme (qu’il soit Epic ou non), il peut être techniquement intéressant de lui en confier la gestion. La direction et l’équipe de l’office de tourisme ont alors à cœur qu’elle rapporte le maximum, sans pour autant se transformer en Don Saluste des temps modernes ! Mais il s’agit tout de même d’une taxe et seule la collectivité a la légitimité pour la collecter. On fait donc appel à l’office de tourisme pour une prestation de gestion de la taxe de séjour pour le compte de la collectivité.

Depuis au moins une dizaine d’années, le secteur privé s’est positionné, soit en conseil et étude, avec mise en place du principe ancien de la carte d’hôte, soit en producteur de logiciels de gestion, pour permettre aux collectivités d’optimiser la collecte de la taxe de séjour. Il existe une poignée de logiciels dédiés sur le sujet.

Parallèlement, avec le développement de l’économie collaborative, la sortie de l’offre d’hébergement des canaux habituels des classements et labels, il devient plus difficile d’identifier les redevables de la taxe de séjour. C’est devenu un travail d’investigation que de les pister sur le Bon Coin, sur les portails d’Airbnb et consorts.

À éviter
• La surévaluation du montant de la taxe de séjour
• Le manque de pédagogie à l’égard des socioprofessionnels et des clients finaux
• La seule affectation aux postes de fonctionnement sans collaboration avec les socioprofessionnels

Un élément stratégique à travailler comme tel

Bref, la taxe de séjour suppose souvent un emploi à temps complet. Il y a donc intérêt à ce que la recette couvre les frais de recouvrement.

À moins de l’intégrer comme un élément stratégique et de se doter des moyens techniques et humains nécessaires. Ce que Jean-Jacques Rodriguez, directeur de l’office de tourisme intercommunal Provence en Luberon a fait. Il reconnaît qu’il a changé d’avis sur le sujet. Il était précédemment contre la gestion de la taxe de séjour par l’office de tourisme. « Au-delà du financement de la structure, c’est un outil de management territorial. On récupère un budget important, Aussi, on s’est demandé comment le traiter intelligemment. Nous avons bâti une stratégie de montée en qualification du territoire et de valorisation des prestataires qui s’engagent ». Cette mécanique semble fonctionner puisque, de 179 000 euros en 2011, la taxe de séjour est passée à 477 000 euros en 2014, lors d’une fusion territoriale gommant les onze modalités de gestion précédentes. Devenue unique en 2015, la taxe de séjour affiche une réalité de collecte de 615 000 euros sur un objectif de 660 000 euros.

« La taxe de séjour, c’est le financement de l’office de tourisme et la qualification de notre offre, ajoute Jean-Jacques Rodriguez, dont l’office de tourisme est organisé en SPA. Qui sont nos clients ? Les prestataires d’activités en priorité. On leur doit une transparence totale des sommes collectées et affectées. Les prestataires ont 5 % des décisions pour 90 % des recettes ». Cet office de tourisme intercommunal réunit 1 700 prestataires pour 15 000 lits marchands, soit une majorité de toutes petites unités de meublés et chambres d’hôtes.

Quelques conseils pour optimiser la collecte de la taxe de séjour
• Connaître parfaitement son offre : nombre d’établissements, lits, taux d’occupation
• Définir le potentiel de collecte
• Définir l’usage et ses modalités d’affectation en lien avec les socioprofessionnels
• Concevoir et déployer un argumentaire pédagogique sur la finalité de la taxe de séjour
• Étudier le recours à un service informatique tiers ou interne bien investi
• Étudier le potentiel d’activités touristiques complémentaires : production touristique, boutique…

Développer des services à valeur ajoutée

Marc Espitalié, consultant, fréquemment au contact de problématiques liées aux ressources des offices de tourisme, estime que ces derniers doivent de plus en plus développer des services à valeur ajoutée, comme la gestion d’équipements, les ventes en boutique, l’organisation d’événements. Les offices de tourisme britanniques ou irlandais, par exemple, gèrent de véritables magasins de souvenirs. « Or, en France, élus, directions et salariés se censurent souvent sur le sujet sur la base de l’argument qu’ils ne peuvent faire concurrence à leurs propres membres, avec menaces frontales des organisations locales de commerçants ».

La taxe de séjour peut être perçue comme un avantage ou une contrainte. Pour qu’elle soit pleinement comprise par les socioprofessionnels qui la collectent auprès de leurs clients finaux, l’intégrer comme un élément stratégique de développement touristique est une priorité absolue. Son rendement n’en paraît que meilleur.

La taxe de séjour en questions
Qui ?
L’institution de la taxe de séjour par le conseil municipal ou l’organe délibérant des groupements de communes est facultative.
Seules les communes suivantes peuvent instituer une taxe de séjour :
- communes touristiques ou stations classées de tourisme, 

- communes littorales, 

- communes de montagne, 

- communes réalisant des actions de promotion en faveur du tourisme, 

- communes réalisant des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels. 


Peuvent également instituer une taxe de séjour (article L.5211-21 du CGCT), les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) : 

- érigés en stations classées selon la même procédure que les communes, 

- bénéficiant de la dotation supplémentaire touristique, 

- qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme, 

- qui réalisent des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels.

Sur quoi ?
La taxe de séjour s’applique aux hébergements où le touriste est logé à titre onéreux (article L.2333-26 du CGCT) visés à l’article R.2333-44 du CGCT : 

- palaces ; 

- hôtels de tourisme ; 

- résidences de tourisme ; 

- meublés de tourisme ; 

- villages de vacances ; 

- chambres d’hôtes ; 

- emplacements dans les aires de camping-cars et les parcs de stationnement touristiques ; 

- terrains de camping, terrains de caravanage ainsi que tout autre terrain d’hébergement de plein air ; 

- ports de plaisance. 


La taxe de séjour est établie sur les personnes qui ne sont pas domiciliées sur le territoire de la collectivité concernée et qui n’y possèdent pas de résidence à raison de laquelle elles sont redevables de la taxe d’habitation (article L.2333-29 du CGCT). 


Quand ?
La taxe de séjour est fixée pour chaque nature et pour chaque catégorie d’hébergement, par personne et par nuitée de séjour par le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’EPCI, conformément à un barème établi par l’article L.2333-30 du CGCT (annexe).
La taxe est directement supportée par la personne séjournant dans l’établissement.

Recevez votre newsletter hebdo gratuitement

Nous vous recommandons

Julien Damon : « Nous restons médiocrement équipés en toilettes publiques »

Julien Damon : « Nous restons médiocrement équipés en toilettes publiques »

La France n’est pas (plus) plus un pays de toilettes publiques. À l’exception des « sanisettes », nous avons abandonné, au contraire d’autres pays, un enjeu majeur de santé et, demain, de protection de l’environnement. Entretien...

02/06/2023 |
Qui sont les franciliens qui quittent l'île-de-France

Infographie

Qui sont les franciliens qui quittent l'île-de-France

Villes riches et villes de riches

Villes riches et villes de riches

Conseil constitutionnel : la fin des mythes et la réalité

Conseil constitutionnel : la fin des mythes et la réalité

Plus d'articles